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Torture - Père Labour : « cherchons les causes et agissons pour assainir notre vivre ensemble »          

Ci-dessous l’intervention du père Jean Maurice Labour, vicaire général, au forum « STOP Torture » organisé par l’ICJM le 11 juin dernier

  1. Rappel de l’Enseignement Social de l’Eglise.

L’Eglise Catholique a un enseignement social communément appelé : La Doctrine Sociale de l’Eglise dont les Commissions Justice et Paix dans les 3000 diocèses du monde ont la mission de faire connaître et d’appliquer autant que possible selon les spécificités de chaque pays.

Voici ce que dit cette doctrine concernant l’imposition des peines :-

 

« L’activité des structures chargées d’établir la responsabilité pénale, qui est toujours à caractère personnel, doit tendre à la recherche rigoureuse de la vérité et doit être menée dans le plein respect de la dignité et des droits de la personne humaine, il s’agit de garantir les droits du coupable comme de l’innocent. Il faut toujours avoir présent à l’esprit le principe juridique général selon lequel on ne peut pas infliger une peine avant d’avoir prouvé de délit. Dans le déroulement des enquêtes il faut scrupuleusement observer la règle qui interdit la pratique de la torture, même dans les cas les plus graves. (N°404 du Compendium de la Doctrine Sociale de L’Eglise). Les disciples du Christ rejette tout recours à de tels moyens que rien ne saurait justifier et où la dignité de l’homme est avilie chez celui qui est frappé comme d’ailleurs chez son bourreau. Les instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l’homme indiquent à juste titre l’interdiction de la torture comme un principe auquel on ne peut déroger en aucune circonstance ».

 

  1. Notre intervention dans ce domaine relève de la solidarité avec les victimes pour les accompagner ainsi que leurs proches qui portent les séquelles pendant longtemps. C’est aussi pour dénoncer les bourreaux coupables de ces atteintes aux droits fondamentaux de la personne humaine. Il faut avoir le courage de dénoncer les auteurs de ces crimes et saluer ceux qui l’ont fait. D’autant plus que ces actes sont commis par ceux-là même qui sont payés pour faire respecter les droits aussi bien des victimes que des bourreaux : la Police ! Nous avons tous été horrifiés par la barbarie, la perversité, et le sadisme de ces actes d’où les auteurs semblent tirer une jouissance répétitive en visionnant les scènes qu’ils ont eux-mêmes filmées. Il y a une violence enfouie au fond de l’homme que les spécialistes des sciences humaines analysent.
  1. Les systèmes d’organisation sociale que l’humanité met en place sont là pour canaliser, apprivoiser, contenir ces violences. Le point que je voudrais faire ici dans le court temps donné, c’est de dire que les pratiques de tortures dans la police qui défrayent l’actualité, si pour une part elles viennent de ce fond de violences qui habitent l’humanité, pour une autre part, sont les conséquences d’une violence systémique inscrite dans l’exercice notre démocratie à l’Ile Maurice depuis l’Indépendance et qui atteint son paroxysme dans la période actuelle… et qui au bout du chemin, ouvre la porte à l’impunité et finalement laisse le champ libre au défoulement pervers.  On cherche des coupables de cette violence et on dira c’est les auteurs bien sûr, puis on dira c’est les criminels qu’il faut punir, c’est vrai !  

Je voudrais cependant identifier une violence qui est d’autant plus perverse qu’elle se cache derrière une rhétorique bon chic bon genre et des institutions dites démocratiques dont nous nous gargarisons dans les forums internationaux et sur les caisses de savons en période électorale. Or ces institutions démocratiques soit ne fonctionnent pas, soit fonctionnent sans l’indépendance de leur terms of reference et le professionnalisme auquel on devrait s’attendre au vu des diplômes de leurs occupants et leurs généreuses rémunérations puisées des fonds publiques. Des policiers m’ont raconté comment pour en finir avec une enquête et démontrer leur efficacité, ils préfèrent désigner un coupable sans exiger d’enquête approfondie. Il arrive même que les ordres viennent de plus haut pour éviter d’être épinglé par l’opinion publique.

  • La police est en retard de combien de cas de charges provisoires qui attendent pendant des années en prison que les enquêtes soient bouclées et les jugements prononcés ?
  • Ce judiciaire n’est-il pas partie prenante du problème (comme l’a dit un journaliste dans l’express du 6 juin), quand il ne s’assure pas que les témoignages en cour de justice ont été donnés volontairement et n’ont pas été obtenus sous la torture en faisant une confiance excessive et non contrevérifiée  à la police ?
  • Entre avril 2018 et septembre 2021, 2461 complaintes de brutalités policières ont été rapportés au Police Complaints Commission. Seulement 40% des cas ont été traités. Seulement O,77% ont été référés au DPP. 0,2% sont devant les cours de justice. (L’Express du 6 juin 2022, Ashok Subron).

Entre 2011 et 2015, 288 complaintes de brutalité policières ont été rapportées. Seules 9 sont tombées sur le bureau du DPP. Que fait la National Human Rights Commission qui, d’après le « Police Complaints Act 2012 » a de devoir de traiter ces complaintes ?

  • Que deviennent les recommandations de la Commission Lam Shan Leen, notamment celle qui recommandait le démantèlement de l’ADSU ?
  • Sur les 19 Independant Bodies répertoriés dans le Public Sector Guide, j’en ai classé 11 qui sont des institutions vers lesquelles le public peut se tourner pour soumettre leurs complaintes quand il estime que ses droits sont lésés. Or les boards de ces institutions sont tous nommés par le PM à qui ils doivent faire serment d’allégeance faute de quoi le siège éjectable est actionné. Vous avez dit INDEPENDANT ? je voudrais donc soumettre à la discussion que la violence est enfouie au cœur de notre système dit démocratique, dont les institutions ne fonctionnent pas ; c’est une violence systémique, une violence institutionalisée qu’aucun gouvernement depuis l’Indépendance n’a osé toucher. Il y a une violence d’inertie dans l’ensemble de notre système démocratique à cause des institutions de dialogue démocratique qui ne fonctionnent pas comme elles devraient.

Je voudrais terminer en donnant mon analyse de l’utilisation politique de ces événements. D’abord pour faire remarquer qu’il y a utilisation politique aussi bien de la part des opposants au régime actuel que du régime lui-même. Oui, chacun de son côté fait de la politique ; ceux-ci pour nier les réalités dénoncées, ceux-là pour les utiliser dans un but de pouvoir. Je trouve que les Avengers font du bon boulot s’ils restent dans leur approche d’hommes de loi ; en faisant une affaire politique ils affaiblissent leur crédibilité juridique. Je trouve aussi que le pouvoir en place en analysant les dénonciations uniquement sous l’angle de l’utilisation politique, s’interdit de voir la réalité en face ; il s’aveugle lui-même. On entre alors dans un rapport de forces politicien et on oublie les faits.  Les faits sont les faits indépendamment de l’utilisation que les uns et les autres en font. Est-ce vrai ou non qu’il y a eu tortures répétées de la police qui sont si répétitifs qu’elles s’apparentent à une culture ? Si oui, cherchons les causes et agissons pour assainir notre vivre ensemble.

Pour s’en sortir il convient de prendre de la hauteur et s’attaquer au problème au lieu d’utiliser le problème pour se positionner.

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