En février dernier, le pape François a effectué une visite historique de trois jours aux Emirats arabes unis. Le souverain pontife est le premier chef de l’Eglise catholique à fouler le sol de la péninsule arabique. L’objet de la visite du pape n’était pas principalement de rencontrer les chrétiens, mais bien d’encourager le dialogue interreligieux. Ibrahim Koodoruth, sociologue, donne son point de vue.Pour la première fois, un chef de l’Eglise catholique a posé le pied sur la péninsule Arabique, berceau de l’islam. Le pape François manifeste ainsi la volonté d’écrire « une nouvelle page d’histoire dans les relations entre les religions ». Que vous inspire cette initiative ?
C’est un discours très riche qui demande à être réapproprié par chacun de nous dans notre vie quotidienne en tant que citoyen, jeunes, parents, chef religieux, leaders politiques et décideurs économiques. Je retiens trois axes de ce message bien qu’il y en ait bien d’autres.
Premièrement, à la fin de son discours, le Pape Francois nous rappelle que ‘Dieu est avec l’homme qui cherche la paix’.
Deuxièmement, dans notre quête de nous rapprocher de Dieu le souverain pontife énumère les facteurs qui nous éloignent du Seigneur : justifier la haine et la violence contre le frère au nom de Dieu, l’individualisme, l’indifférence, et un développement purement utilitariste entre autres.
Enfin, il souligne ce que nous sommes appelés à faire, en tant que croyants, ‘c’est nous engager pour l’égale dignité de tous, au nom du Miséricordieux qui nous a créés et au nom duquel doit être cherché le règlement des oppositions et la fraternité dans la diversité. ’
Il fait l’appel suivant ‘Ensemble, frères dans l’unique famille humaine voulue par Dieu, engageons-nous contre la logique de la puissance armée, contre la monétisation des relations, l’armement des frontières, l’édification de murs, le bâillonnement des pauvres; à tout cela opposons la douce force de la prière et l’engagement quotidien dans le dialogue.
En effet, de ce message je considère que le Pape nous guide sur ce qu’est la vraie religiosité : ‘le fait d’aimer Dieu de tout son cœur et le prochain comme soi-même.’
N’y pas de risques que les différents discours prônant la coexistence pacifique entendus durant cette visite historique ne restent qu’en haut de la hiérarchie des instances religieuses et politiques et trouvent peu d’écho dans les populations déchirées par des conflits d’ordre ethnique et religieux ?
C’est triste de constater qu’aujourd’hui le monde est mû par des intérêts économiques à court terme, par des calculs géopolitiques ; nos dirigeants sont aveuglés par des activités mondaines qui leur rapporte des biens matériaux et se soucient très peu du sort de leurs citoyens et ceux qui se retrouvent dans le besoin. Cette dite religiosité est instrumentalisée à des fins politiques au point où comme nous rappelle le Pape citant un écrivain moderne : «celui qui se ment à lui-même et écoute ses propres mensonges, arrive au point de ne plus pouvoir distinguer la vérité, ni en lui-même, ni autour de lui, et ainsi il commence à ne plus avoir d’estime ni de lui-même, ni des autres». Ainsi le risque est considérable car non seulement la justice et la paix sont le cadet des soucis de nos dirigeants mais pir,e ils deviennent des victimes de leurs mensonges et fausses promesses.
Le pape a voulu convaincre des acteurs musulmans de se prêter à un dialogue interreligieux fondé non sur des débats théologiques, mais sur la rencontre interpersonnelle et le « faire ensemble ». Pensez-vous que cela est possible à Maurice ? Quels défis cela nous demande-t-il ? Qu’est-ce qui selon vous n’a pas été tenté jusqu’ici pour aller plus loin ?
Nous avons la chance de vivre dans une société où vivent plusieurs groupes ethniques qui se côtoient dans le quotidien. L’ethnicité d’une personne n’est pas un obstacle dans l’interaction des Mauriciens. Que ce soit dans les villes ou dans les villages, le Mauricien ne fait pas de différence sur le critère de l’ethnicité et de la religion. Nos ONGs qui œuvrent dans le social, consolident la nation mauricienne. Cependant, nous avons un système politique qui instrumentalise notre diversité ethnique et crée par là des mobilisations à caractère communal et donne lieu à des reflexes et pratiques discriminatoires. Cette rencontre interpersonnelle est bel et bien présente à l’ile Maurice mais la mobilisation politico-religieuse peut s’avérer tres dangereuse dans ce village planétaire avec les moyens de l’information et des nouvelles technologies. A chacun d’assumer sa responsabilité car une fois que le mal est commis on ne peut pas réécrire l’histoire.
Les défis on en a plusieurs : repenser notre système politique, favoriser un développement durable, revoir la politique éducative, revisiter le combat contre la pauvreté, promouvoir l’accès à l’information et plus de transparence dans le fonctionnement de nos institutions. A ce jour, il est triste de constater qu’aucun des défis mentionnés plus haut n’a eu la considération appropriée. Pour aller plus loin il nous faut apporter une réflexion approfondie sur ces défis et adopter une approche holistique afin de consolider la fraternité dans le cœur des Mauriciens.
Le message que nos décideurs politiques doivent retenir, à mon avis, est comme le dit le Pape : ‘Investir dans la culture favorise une diminution de la haine et une croissance de la civilisation et de la prospérité. Education et violence sont inversement proportionnelles.’
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