L’accès à la communion de personnes ayant une tendance homosexuelle a suscité dernièrement un débat dans La Vie Catholique, amenant beaucoup de chrétiens à s’interroger sur l’attitude juste à avoir envers ces frères et ces sœurs. Même si aujourd’hui beaucoup de tabous sont levés, il reste que lors de rencontres avec ces frères et ces sœurs dans nos familles, nos mouvements de jeunes, nos lieux de travail ou de loisir, dans nos Eglises, des questions demeurent et font souvent interférence.
Je voudrais ici donner quelques indications sur la manière juste de se situer aux côtés des personnes qui se présentent avec une tendance homosexuelle chacune, avec son parcours personnel, sa recherche spirituelle, ses combats. Cette manière de se situer doit toujours s’inspirer de l’Evangile qui, à la fois, nous transmet une vérité sur la vie humaine et nous invite à un accueil gratuit chaleureux envers toute personne, quelle que soit la situation dans laquelle elle se trouve.
Le respect de la personne homosexuelle
Un premier repère clair, fondamental, c’est le respect profond, total, que je dois à cette personne humaine, mon frère, ma sœur qui présente une tendance homosexuelle. Un respect qui pousse à accueillir chaleureusement la personne telle qu’elle est, avec comme chacun d’entre nous, son « mix » unique de qualités et de défauts, de souffrance et de joie, de zone d’ombre et de lumière. Un respect inspiré et nourri par la conviction que cette personne a été créée par amour, et qu’elle est destinée à connaître le bonheur de vivre en communion avec notre Dieu dont elle est le fils ou la fille bien aimé. Un respect qui reconnaît la place unique qu’occupe ce frère, cette sœur, dans ma famille, dans mon groupe d’amis ou de collègues, dans mon Eglise. Un respect qui refuse et récuse toute remarque désobligeante, toute suggestion d’ostracisme, de rejet, de moquerie. Un respect franc, fraternel chaleureux.
Dire la vérité
Ce même respect nous encourage aussi à dire la vérité à tous, y compris à un frère, une sœur qui présente une tendance homosexuelle. Aujourd’hui, il est de bon ton, et ce jusque dans les plus hautes sphères de la gouvernance mondiale, de présenter toutes les orientations sexuelles comme étant de valeur égale. Dans cet esprit, chaque personne aurait le droit de choisir son orientation sexuelle ou de passer de l‘une à l’autre selon son gré. Or, autant toute personne, peu importe son orientation sexuelle, possède une égale dignité aux yeux de Dieu, autant il est important pour un chrétien de reconnaître que la différence sexuelle a été créée par Dieu précisément pour que l’homme et la femme se laissent attirer l’un par l’autre, pour qu’ils se choisissent par amour pour s’entraider mutuellement et engendrer ensemble de nouvelles vies humaines. Par rapport à cette donnée anthropologique majeure, la tendance homosexuelle qu’un frère ou qu’une sœur ne choisit pas mais découvre en lui, en elle, reste un mystère et constitue pour beaucoup une épreuve. Devant ce mystère, nous sommes tous invités à rester humbles et respectueux et à refuser à tout prix de jeter la pierre à qui que ce soit.
Les différents genres d’homosexualité
La genèse d’une tendance homosexuelle chez une personne reste largement inexpliquée[1]. Certains évoquent un possible débalancement hormonal. D’autres pensent qu’elle provient d’une difficulté à l’adolescence de dépasser une phase homosexuelle par laquelle nous passons tous, et d’arriver pour un garçon à s’identifier à son père, et pour une fille à s’identifier à sa mère.
Mais il peut arriver aussi que, par curiosité, ou pour suivre un certain air du temps, une personne – encore jeune souvent – se trouve peu à peu comme embarquée dans une expérience homosexuelle qu’elle n’a pas vraiment choisie et dont elle n’arrive plus à se détacher.
C’est pourquoi on ne peut pas vraiment parler d’homosexualité en général. Les uns découvriront qu’ils sont porteurs de cette tendance qui fait partie de leur réalité psycho affective, d’autres devront reconnaître qu’ils se sont laissés embarquer dans une expérience passagère. Chacun a son histoire, avec ses propres tâtonnements, ses grandeurs et ses misères.
C’est pourquoi aussi la position de l’Eglise par rapport aux personnes homosexuelles ne peut se cantonner à un simple rappel de la doctrine, mais doit aussi comporter une écoute respectueuse de la personne, un discernement attentif aux circonstances particulières dans chaque cas et un accompagnement patient.
S’adapter aux différentes situations
Pour ceux et celles qui ont été tentés de faire une expérience homosexuelle et se sont laisser prendre, il arrive souvent qu’à un stade de leur vie, ils décident de se reprendre en main et de se mettre en route pour redevenir eux-mêmes. Quelquefois c’est un médecin ou un éducateur attentif qui les a éclairés. Il arrive aussi que, lors d’une retraite, le fait d’entendre parler clairement du projet de Dieu sur l’homme et la femme, les interpelle et ils reconnaissent que ce projet correspond mieux à leurs aspirations profondes. Même s’ils ont été touchés, ils ont encore besoin d’un frère, d’une sœur qui accepte de faire un bout de chemin avec eux, les aide discrètement à se retrouver eux-mêmes et entrer en confiance dans une vie d’époux, d’épouse.
Mais l’expérience montre aussi que d’autres frères et sœurs ayant une tendance homosexuelle et qui ne l’ont pas vraiment choisie n’arrivent pas à s’en détacher. Ils ne peuvent envisager leur vie, qu’au sein d’une relation d’amour avec une personne du même sexe. Ces frères et ces sœurs ne sont pas pour autant des personnes de grade inférieur. Mais comme chaque être humain, ces personnes aussi sont invitées par Dieu à faire un chemin dans la foi pour répondre toujours mieux aux appels que le Seigneur adresse à chacun de nous dans sa situation concrète : homme ou femme marié, célibataire hétérosexuel ou homosexuel. Nous sommes tous appelés à la sainteté. Ce chemin est souvent cahoteux, ponctué de chutes et de relèvement. Mais nous sommes invités à découvrir comment le Seigneur nous accompagne sur ce chemin, par son pardon et par sa manière de nous nourrir de son amitié à travers les sacrements de la réconciliation et de l’Eucharistie. Un des aspects sur lesquels nos frères et sœurs homosexuels seront appelées à s’interroger c’est justement la qualité de leur amitié avec une personne du même sexe. L’amitié entre hommes ou entre femmes est une des grandes richesses de l’expérience humaine. Cependant l’expérience montre que l’érotisation d’une telle amitié, à la longue, fragilise les relations et ne se révèle pas très porteuse d’avenir ; elle menace même souvent la durabilité de cette amitié comme en témoignent certains homosexuels eux-mêmes[2].
Au sein d’un dialogue confiant avec un accompagnateur, au long d’un chemin de discernement animé par une foi profonde et priante, plusieurs de nos frères et sœurs homosexuels arrivent peu à peu à assumer la vérité de l’Evangile et à découvrir son grand potentiel libérateur. D’autres ont plus de difficulté, mais le fait même de se mettre en route est déjà un pas, et à chaque pas du chemin, le Seigneur est là qui accompagne chacun, l’aide à se relever et lui donne le courage de continuer sa route. C’est ainsi que le pape François a pu dire : « si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? ».
Semer l’amour et la vérité
L’Eglise ne peut pas se contenter de tenir un discours général sur l’homosexualité, ni simplement agir « comme un bureau de douane » qui ne fait que vérifier si quelqu’un est en règle ou non. L’attitude chrétienne envers nos frères et sœurs homosexuels doit être marquée par la miséricorde, par un accueil respectueux des personnes et en même temps par un souci de proposer la vérité que Jésus nous a révélée pour nous libérer. En effet, la vérité que nous avons à transmettre s’annonce avec délicatesse, elle ne s’assène pas à coup de citations péremptoires ou de preuves. La vérité de l’Evangile, qui s’adresse à tous, quelles que soient leurs orientations sexuelles, est plutôt comme une semence qu’un semeur a jeté dans le terreau de nos vies. Tout semeur sait bien que chaque terrain où il sème a besoin de l’eau de la miséricorde pour lui permettre d’accueillir la semence qu’il reçoit. De même, la vérité de l’Evangile se laisse entendre, au fur et à mesure qu’on avance ensemble dans un accompagnement fraternel, adapté au rythme de chacun, patient devant les tâtonnements et disposé à attendre le bourgeonnement de la grâce.
C’est pourquoi, nous qui voulons être auprès de nos frères et sœurs homosexuels des témoins de l’Evangile, devons adopter, comme Jésus, cette posture du semeur où l’amour et la vérité s’embrassent[3].
Cardinal Maurice E. Piat
28 juin 2017
[1] Catéchisme de l’Eglise Catholique, 2357
[2] « Ils (les homosexuels) ont les mêmes problèmes que vous, à cette nuance près, rarement évoquée car très sensible et que je constate autour de moi : la non-altérité de leur relation me semble souvent être un terreau moins favorable à une complétude de la relation, et donc souvent sa durabilité ; cette souffrance est souvent niée en bloc car insupportable » – Jean-Marc Veyron La Croix, homosexuel, Maire de Chasselas, devant la préfecture de Saône-et-Loire le 2 février 2013
[3] Psaume 84
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