- L’Esprit qui vient sur les apôtres à la Pentecôte c’est l’Esprit que Jésus avait promis. La venue de l’Esprit c’est l’accomplissement d’une promesse.
- Jésus avait dit que l’Esprit Saint serait un « Esprit de Vérité » et quand il viendrait, il conduirait les apôtres vers la vérité toute entière (Jn 16, 13)
- A quelle vérité l’Esprit les conduit ? Qu’est-ce que les apôtres découvrent ? qu’est-ce qui change dans leur vie » ? Le « coup de vent » et « la langue de feu » sont des signes extérieurs d’une profonde expérience intérieurs.
- a) Avant la mort de Jésus, Pierre était fier « Je te suivrais partout où tu iras. Je donnerai ma vie pour toi. » (Jn 13, 37). Il se considérait comme un leader parfait. « Même si les autres succombent, du moins pas moi ». Et les autres disaient de même (Dc 14, 29-31).
Après la mort de Jésus, Pierre et les apôtres sont honteux, ils ont peur, ils sont déçus, ils n’ont pas été à la hauteur, ils sont renfermés sur eux-mêmes.
Quand Jésus vient les rejoindre, il ne vient pas comme un grand chef qui vient demander des comptes, ni comme un grand maître qui vient faire des reproches à ses disciples qui n’ont rien compris ; il vient plutôt comme un homme blessé qui porte encore les marques de ses blessures, et qui vient faire la paix avec ceux qui l’ont abandonné, se sont sauvés et l’ont laissé mourir seul.
En plus de ce pardon extraordinaire, de cette amitié bouleversante, Jésus nous montre un autre aspect de sa miséricorde : il refait confiance à des hommes qui n’ont pas été fidèles, qui n’ont pas eu le courage de le suivre jusqu’à la croix, des hommes craintifs, encore fragilisés par les terribles événements de sa passion et de sa mort, des hommes qui ne méritaient certainement pas une telle confiance. C’est dans leur faiblesse, dans leur difficulté à comprendre le sens de ce qui s’était passé, que Jésus ressuscité leur confie leur mission. Mais en même temps Jésus confie ces hommes si faibles à l’Esprit. C’est l’Esprit qui les conduira vers la vérité de cette immense miséricorde, une miséricorde solide, fidèle, patiente qui les inondera le jour de la Pentecôte et les transformera.
Après la Pentecôte, ils ne vivront plus leur mission comme des grands chefs ou des grands maître sûrs d’eux-mêmes et qui imposent leur pouvoir ou leurs connaissances aux autres ; mais plutôt comme d’humbles témoins de la miséricorde du Seigneur, des témoins qui racontent simplement comment le Seigneur leur a fait grâce, les a relevés quand ils étaient tombés et incapables de se remettre debout, les a éclairés quand ils étaient dans les ténèbres, les a pardonnés et leur a refait confiance alors qu’ils ne le méritaient pas.
Ils découvrent que la mort de Jésus n’est pas une défaite, mais qu’au contraire, dans la mort et la résurrection de Jésus, il y a le déploiement de l’extraordinaire miséricorde du Seigneur qui les touche profondément et qui les pousse à partager gratuitement avec leurs frères et sœurs ce qu’ils ont eux-mêmes reçu gratuitement.
- b) Si je relis ma vie d’évêque, pasteur de ce diocèse depuis 25 ans, je découvre dans ma vie quelque chose qui ressemble un peu à ce que les apôtres ont vécu. Je dois reconnaître que moi aussi au début j’étais un peu comme Pierre. Je me croyais un grand maître qui avait tout compris et je n’avais qu’à expliquer aux autres ; je me croyais un bon disciple déjà arrivé et n’avais qu’à dire aux autres de faire des efforts eux aussi ; je me croyais un grand chef qui n’avait qu’à décider et demander aux autres d’obéir. Mais au fur et à mesure des difficultés et des épreuves que j’ai rencontrées, j’ai senti petit à petit que le Seigneur avec une grande patience me faisait découvrir mes faiblesses, mes limites ; ce qui m’a le plus touché c’est comment malgré mes faiblesses, il revenait vers moi pour me relever, m’éclairer et me refaire confiance alors que je ne méritais pas.
Peu à peu, l’Esprit m’a conduit moi aussi et me conduit encore vers la découverte éblouissante de la miséricorde du Seigneur – cette miséricorde qui m’apaise et m’apprend tous les jours à mettre ma confiance non pas dans mon savoir ou dans mon pouvoir, mais plus humblement dans l’amour gratuit du Seigneur qui m’a touché un jour, me touche encore aujourd’hui, et me comblera de joie pour toujours. J’ai senti plusieurs fois que le Seigneur me disait, comme il a dit un jour à St Paul « ma grâce te suffit car ma puissance se déploie dans ta faiblesse » (2Cor 12, 9). Suffis-toi d’être aimé gratuitement. Seul cet amour te fera tenir.
- Mais la Pentecôte n’est pas simplement une expérience que chacun fait dans son coin. C’est quand les apôtres étaient réunis ensemble pour attendre ensemble l’Esprit que le Christ avait promis, qu’ils ont été conduits à accueillir la miséricorde du Seigneur comme le roc de leur vie. Cela s’apprend d’attendre l’Esprit ensemble. Pour les apôtres, ce fut sous l’influence discrète, et toute maternelle de la Vierge Marie qu’ils ont appris d’elle comment accueillir l’Esprit comme elle l’avait elle-même accueilli à l’annonciation, quand elle avait dit « qu’il me soit fait selon ta parole ».
J’avoue que moi aussi, c’est au milieu de vous et grâce à vous que j’ai appris petit à petit à écouter l’Esprit, à me laisser conduire par lui, à essayer d’être un humble témoin de la miséricorde du Seigneur. Et plus j’avance en âge, plus je sais que j’ai encore beaucoup à apprendre.
C’est pourquoi je voudrais dire ici un grand merci à mes frères prêtres qui ont été des collaborateurs loyaux, fidèles ; ils ont souvent pris patience avec moi ; ils m’ont interpellé aussi quelquefois mais ils m’ont toujours soutenu. Merci au Cardinal Margéot qui m’a ordonné prêtre, puis évêque et qui a guidé mes premiers pas dans le ministère presbytéral comme dans l’épiscopat. Merci aux autres confrères qui sont déjà décédés. Merci à mes aînés actuels dans le clergé, ainsi qu’aux confrères contemporains à moi qui portent le poids du jour et de la chaleur et qui ne cessent de se renouveler, de s’adapter, de servir ; merci aux jeunes prêtres qui apportent beaucoup par leur créativité pastorale et leur enthousiasme dans le ministère.
Sans vous, je ne serais pas où je suis aujourd’hui, sans vous je n’aurais jamais pu assurer ce service spécial du peuple chrétien qu’on appelle le service pastoral. C’est grâce à vous que j’ai pu apprendre peu à peu à aimer l’Eglise qui est à Maurice telle qu’elle est et non pas telle que j’aurais rêvé qu’elle soit ; merci de m’avoir souvent ramené les pieds sur terre et invité à marcher non pas seulement devant le peuple pour lui montrer le chemin, mais aussi au milieu du peuple pour se laisser inspirer par lui et quelquefois même derrière le peuple pour le soutenir.
Je voudrais également dire un grand merci aux religieux et aux religieuses qui participent à la mission. J’ai appris à apprécier la grande valeur du témoignage d’une vie consacrée, ce que peut apporter le rayonnement d’une vie donnée pour l’annonce de l’Evangile. J’ai eu aussi l’occasion de collaborer plus étroitement avec certaines d’entre vous et j’ai beaucoup appris avec vous, surtout en découvrant la grande valeur d’une approche féminine, maternelle, dans le travail pastoral.
Enfin, merci à vous tous, les hommes et les femmes laïcs qui donnez tellement de vous-mêmes dans divers domaines de la vie et de la mission de l’Eglise. Cela a été un bonheur de travailler avec vous dans la catéchèse, dans le caritatif et le social, dans la liturgie, dans les médias, dans la formation, dans l’éducation, dans la pastorale des familles, dans l’animation des paroisses, des mouvements, dans le service des malades, des prisonniers, des plus pauvres, des blessés de la vie et, last but not least dans l’administration du diocèse à l’Evêché.
C’est avec vous que j’ai pu faire l’expérience heureuse de faire partie d’une famille qui s’appelle le corps du Christ et qui porte ensemble la mission de l’Eglise où chacun a une contribution unique à apporter. C’est vous l’Eglise qui m’avez porté autant et bien plus que je ne vous ai portés.
- Mais à la Pentecôte, l’Esprit nous conduit aussi à découvrir le bonheur de la mission, i.e., le bonheur de donner gratuitement ce que nous avons reçu gratuitement. C’est l’Esprit qui a poussé les apôtres qui étaient restés enfermés sur eux-mêmes après la mort de Jésus à sortir sur la place publique pour partager avec les autres les merveilles que Jésus avait fait pour eux et voulait faire aussi pour tous les hommes. C’est comme cela que l’Eglise a commencé : dès le départ, elle a été une famille missionnaire ; une famille qui avait tellement reçu de la miséricorde de Jésus, qu’elle a voulu partager gratuitement ce qu’elle avait reçu gratuitement.
C’est un peu dans ce sens qu’il y a 25 ans j’ai pris comme devise « Pousse vers le large ». Au début je croyais que c’était moi qui allais entraîner l’Eglise à pousser vers le large. Mais aujourd’hui, je vois que c’est vous qui me poussez à pousser vers le large. Comment cela ? Depuis 10 ans environ, j’ai été très touché par toutes ces personnes, hommes et femmes, jeunes, enfants, qui allaient suivre différentes sessions ou retraites et qui en sortaient transformés (ZVZ, Regard de Jésus, Groupe 40 Adultes et Jeunes, Vie Spirituelle et Rencontre Jésus Christ, Alpha Jeunes, Alpha Adultes, Alpha pour couples, différentes sessions pour couples, des sessions aussi pour jeunes en grande difficulté et puis aussi la catéchèse pour des parents des enfants de Première Communion et de Confirmation, toutes les retraites, les temps de formation du Renouveau, ces sessions bibliques dans les quartiers, etc., etc).
Je voyais ces personnes redécouvrir avec bonheur la présence bienfaisante de Jésus dans leur vie, je voyais que leur vie de famille était transformée, mais aussi la vie dans le quartier, dans le travail, dans la paroisse. Je voyais aussi que les prêtres, les religieux et les laïcs qui animaient ces sessions ne se plaignaient jamais, qu’ils étaient heureux de faire ce travail même si c’était exigeant, qu’ils en parlaient beaucoup, que cela les dynamisait.
Alors je me suis dit mais c’est l’Esprit Saint qui est en train de nous pousser vers le large. Il choisit des hommes et des femmes simples pour nous pousser, pour nous mettre sur le chemin de la mission où Jésus nous envoie. Et là, je me suis rappelé notre Synode qui nous avait dit de donner priorité à l’annonce directe de Jésus Christ comme Sauveur, et je reconnaissais que je n’avais pas tellement donné priorité à cela depuis le Synode.
J’ai compris aussi que l’Esprit Saint choisit des personnes simples pour la mission. Pour lui il n’y a pas de « grand dimoune », de « moyen dimoune » et de « ti dimoune » dans l’Eglise ; nous sommes tous des « ti dimounes » devant Dieu car nous sommes tous ses enfants. Et lui quand il nous pousse vers le large il nous pousse tous ensemble. Car il sait que « beaucoup ti dimoune, dans beaucoup ti l’endroit capave faire beaucoup ti quitchose ».
Quand j’ai vu que, poussée par l’Esprit, l’Eglise qui est à Maurice, était en train de pousser vers le large, quand j’ai vu que c’était cela que notre Synode nous avait demandé depuis 13 ans, quand j’ai vu que c’était cela que les Papes Jean-Paul II, Benoît XVI et François nous demandaient depuis 20 ans, alors je me suis senti entraîné par vous et je me suis dit il faut suivre cette Eglise qui me pousse vers le large.
C’est alors que nous avons décidé de lancer le projet Kleopas. Kleopas est comme le bateau qui nous a été donné pour pousser vers le large ensemble. Pour jeter les filets, il faut une bonne organisation, une bonne collaboration. Kleopas veut nous donner un cadre pour vivre avec bonheur cette grande collaboration missionnaire. Je sais que je peux compter sur vous pour répondre oui au Christ pour lui dire « sur ta Parole je jetterai les filets ». Je suis sûr que vous me donnerez un coup de main pour « mette nous bateau dans dilo ».
J’ai pris conscience concrètement de ce grand appel assez tard dans ma vie d’évêque. Je croyais que j’avais déjà fait tout ce que je pouvais pour servir l’Eglise. ET un peu comme pour les apôtres fatigués après toute une nuit de pêche peu fructueuse, Jésus me dit encore plus clairement aujourd’hui qu’il y a 25 ans « pousse vers le large ». Mais je dois dire qu’aujourd’hui, je suis plus tranquille parce que je vois qu’il y a beaucoup qui veulent monter dans le bateau, que chacun a une contribution unique à apporter. Alors avec joie et avec confiance, nous pouvons dire ensemble « Oui, Seigneur, sur ta parole je jetterais les filets ».
Alors « donne moi la main mette mo bateau dans dilo ».
Je rends grâce à Dieu pour notre Evêque Mgr Maurice Piat. J’ai rarement rencontré un homme qui possède un titre et un rôle aussi important et qui est resté aussi simple, humble, à l’écoute et disponible pour tous. C’est une chance vraiment extraordinaire pour notre Ile Maurice , ou dirais-je plutôt une Divine Providence?