Le 11 mai prochain, le cheminement pour l’ordination au diaconat permanent passera une nouvelle étape ; celle de l’institution. En franchissant ce pas, les six hommes actuellement en formation pour devenir diacres quittent l’anonymat.
Le chemin conduisant à l’ordination au diaconat permanent est constitué de plusieurs étapes. Dont justement celle de l’institution qui sera franchie le 11 mai. Parlez-nous de ce parcours…
Nous avons eu l’étape de l’appel il y a un an et demi environ, lors d’une cérémonie privée, à Rose-Hill. Mais le travail avait débuté bien avant cela.
Il y a eu au départ l’appel aux prêtres – en paroisse ainsi que ceux responsables des mouvements – de proposer les noms de ceux qu’ils pensaient avoir les qualités pour devenir diacre. Vingt noms environ ont été soumis. L’étape de présélection a suivi. Mgr Piat, le vicaire général, le Père Labour, ainsi que le Père Roger Billy et moi-même − qui sommes les deux responsables − avons sélectionné sept personnes. Elles ont eu droit à une formation d’un an qui a conduit à la cérémonie d’admission. Cette cérémonie a eu lieu il y a un an et demi.
Ces personnes ont continué à cheminer dans l’ombre. Il était important, après l’admission, de ne pas trop faire de publicité pour ne pas leur mettre la pression ou encore les mettre devant le fait accompli. Des sept qui avaient commencé le parcours, ils sont aujourd’hui six.
Maintenant, c’est l’étape de l’institution. Ils seront institués au ministère de la Parole et de l’autel. Désormais, ces personnes auront un rôle au niveau de la liturgie. Elles seront reconnues et porteront l’aube. Même si elles ne peuvent pas prêcher, elles seront là et se préparent. Ces personnes sont aussi reconnues publiquement comme étant des candidats au diaconat. C’est d’ailleurs pourquoi cette fois, la cérémonie sera ouverte à tous. Elle aura lieu à la chapelle St-Joseph, Terre-Rouge. Un lieu symbolique parce que saint Joseph est le diacre par excellence.
Il a toujours été serviteur, tout en ne se mettant jamais en avant.
Une qualité du diacre est donc de ne pas se mettre en avant ?
Oui et non. Le diacre est en avant parce qu’il a des qualités, mais sa vie ne doit pas être construite sur le « moi je ». Mais en reconnaissant que c’est l’esprit qui fait son œuvre en lui. Jésus-Christ par exemple a toujours été serviteur, même en étant en avant. Serviteur ne signifie pas rester derrière, se cacher et ne rien faire. Le diacre doit servir à la manière du Christ.
Est-ce que des missions seront attribuées à ceux qui cheminent vers le diaconat ?
Ils sont déjà en situation. Il y en un qui travaille auprès des couples, l’autre dans la catéchète, etc. Nous verrons aussi par la suite, en s’appuyant sur ce qu’ils désirent, sur les demandes, etc. Les diacres sont appelés à travailler avec ceux qui sont en périphérie. Ils rappellent la vocation de l’Église qui est aussi celle d’être proche de ceux qui sont loin. Un diacre pourra peut-être travailler auprès des hôpitaux.
Quels ont été les critères considérés pour choisir ces aspirants diacres ?
Le maître-mot qui nous a guidés c’était : le service. Nous nous sommes tournés vers des hommes qui sont déjà au service auprès des couples,
dans le combat contre la toxicomanie, dans le sport, au sein de la catéchèse, etc. Ce sont d’ailleurs des personnes qui n’avaient jamais rêvé devenir diacres un jour. Mais ce sont des personnes qui avaient déjà pris leur place, là où elles étaient. Et ces hommes n’ont jamais demandé à être upgraded. Des personnes qui ont déjà démontré qu’elles ont les qualités de serviteur. Et le diacre permanent, même s’il sera appelé à faire des homélies, devra surtout être au service de ceux en périphérie.
Est-ce très important d’avoir un célibataire parmi les aspirants diacres ?
Nous n’avons pas opté pour cette personne parce qu’elle est célibataire, mais parce que c’est un bon candidat qui a les qualités pour devenir diacre.Ça marque le caractère du diaconat permanent ; un ministère accessible aussi bien aux hommes mariés qu’aux célibataires. Mais chacun devra garder cet état de vie tout le temps.Ainsi, si demain un diacre marié devient veuf, il ne pourra pas se remarier. De même que le diacre célibataire ne va pas se marier après son ordination.
La femme a un rôle important dans toute cette aventure conduisant au diaconat. Pourquoi ?
La femme est une personne-clé dans l’histoire, même si c’est le mari qui devient diacre. Elle est pleinement engagée dans ce que fait son mari.
Un diacre marié doit avoir sa femme à ses côtés pour réussir son diaconat. Il faut qu’il y ait une réciprocité entre les deux dans l’ordination. La femme qui dira « je reconnais que tu as été appelé et que tu as un rôle à jouer », et le mari qui dira « je reconnais que sans toi je n’y arriverai pas ».
Par ailleurs, dans sa mission, parfois c’est auprès de sa femme qu’il trouvera une oreille écoutante. Et cela va beaucoup l’aider. Sans la femme, le
diaconat n’est pas possible pour un couple marié. Les enfants sont aussi impliqués. Nous avons d’ailleurs eu deux réunions avec eux pour savoir
où ils en sont, et faire le point. Ils ont aussi demandé une formation.
Et qu’en est-il du diacre célibataire ?
Il a ses amis diacres. De même qu’il y a le presbytérat, il y aura aussi le corps diaconal.La collaboration avec les prêtres est également essentielle. Il ne faut pas que les prêtres voient dans les diacres des personnes qui vont les remplacer quand ils ne seront pas là.La mission du diacre et celle du prêtre est différente. Le diacre n’habite pas la cure et ne s’occupe pas de la communauté. Il s’occupe de ceux qui sont en périphérie.
Voilà trois ans depuis que vous cheminez avec les aspirants diacres. Comment vivez-vous cela ?
Je suis étonné, touché par ce nouveau type de ministère. Je suis touché de voir des hommes cheminer avec leur femme à leur côté. Des femmes qui ont fait le choix d’être là. Elles sont aussi des interlocuteurs avec leur sensibilité. Tout cela est un beau visage de l’Église. Une Église au service, une Église humaine où la famille est au centre.
Je me rends compte aussi à quel point le diacre peut-être un vis-à-vis très intéressant pour le prêtre dans le sens très humain. Le diacre voit beaucoup
de choses et il peut parler au prêtre. Il peut aussi offrir au prêtre un cadre où il peut se sentir bien, parce qu’il vit au sein d’une famille. Le prêtre pourra avoir un couple qui peut l’entendre sans le juger. Ce n’est pas toujours évident pour le prêtre à ce niveau. Il ne peut pas se confier aux laïcs, et parfois même pas à un autre prêtre. Et là, il se retrouvera avec quelqu’un qui peut lui donner confiance.Au final, je crois que ce sont les diacres qui vont aider les prêtres et non l’inverse. Je le dis par expérience.
Comment justement, est-ce que les prêtres sont préparés à accueillir ces prochains diacres ?
Dès le départ, nous avons commencé cela. Ainsi, ce sont les prêtres qui ont suggéré les noms des potentiels candidats au diaconat.Les diacres sont aussi dans des équipes de vie où ils sont accompagnés par un prêtre ou un religieux. Nous allons aussi continuer avec les prêtres. C’est essentiel.
Après la cérémonie d’institution, quelle est la suite du cheminement des aspirants-diacres ?
Ils vont poursuivre la formation pour encore deux ans. L’ordination au diaconat permanent est prévue pour début 2018. S’ensuivra encore trois ans d’accompagnement.
Propos recueillis par Martine Théodore-Lajoie
Témoignages – Six hommes, six histoires, un appel
Ils sont six hommes à avoir été appelés par l’Église pour être candidats au diaconat permanent. Cinq sont mariés et un est célibataire (voir leur profil en page 8). Ils sont heureux de nous partager l’histoire de leur appel. Etre choisi et appelé. Critère fondamental pour répondre à la mission du diaconat. C’est ainsi qu’en novembre 2013, cinq hommes mariés et un célibataire issus de diverses paroisses de l’île, ont été appelés à cette nouvelle mission qui démarrera en 2018 dans notre Église. Notons que les candidats répondent directement à l’évêque qui leur donnera une mission spécifique à la fin de la formation selon leurs aptitudes et leurs capacités. Après une année de discernement en 2014, ils reçoivent chaque semaine une formation avec leurs épouses.
Cadress Rungen : le visage d’Étienne
À travers cette formation, Cadress Rungen se dit heureux de découvrir l’origine de la mission du diaconat qui a pris naissance lorsque les apôtres ont découvert les grands problèmes de société d’alors, tandis qu’ils annonçaient la Bonne Nouvelle. Ils virent, entre autres, beaucoup de veuvage et prirent conscience qu’il fallait avoir, en parallèle, des chrétiens pour s’occuper des plus démunis. D’où l’envoi de sept diacres, y compris Étienne, visage que Cadress Rungen prend plaisir à découvrir durant sa formation au diaconat. C’est une mission qui va dans le même sens que sa vie professionnelle, précise-t-il. Il ne manque pas de remercier sa petite équipe de vie qui le soutient spirituellement, moralement, humainement.
Steve Dursoniah : reconnaissance de l’Église
Cet appel au diaconat est comme une reconnaissance de l’Église, rappelle, quant à lui, Steve Dursoniah. « Ce que nous faisons déjà devient une mission d’Église. » Steve se réjouit de l’œuvre de l’Esprit-Saint dans la mission. Ce dernier a beaucoup hésité quand le prêtre l’a contacté. Son épouse et lui ont alors fait la première année de discernement sans vraiment s’engager. En cours de route, Steve a découvert que l’accompagnement spirituel l’a beaucoup éclairé sur ce ministère de diaconat. « J’ai compris que ce qu’on me demandait, c’était le ministère de service, chose que je faisais déjà au sein de ma paroisse dans la Légion de Marie et dans mon quartier. »
Josian Labonté : l’être plus que le faire
Le diaconat est plus dans l’être que dans le faire, explique Josian Labonté. « L’Église ne te reconnaît pas dans ce que tu fais mais dans ce que tu es. » Cette réponse d’un prêtre a été un éclairage à ses questionnements quant à l’appel qu’il a reçu. Josian s’interrogeait beaucoup sur ce qu’il pourrait donner dans cette mission alors qu’il est plutôt engagé dans le social. Il avait l’idée préconçue que cette mission était plus destinée aux personnes engagées dans la liturgie : lecteurs et donneurs de communion. Si bien que ces paroles du Christ, « ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis », l’ont travaillé durant toute l’année de discernement.
Lindsay Lapoul : Jésus m’appelle avec mes limites et mes capacités
« C’est un service auquel Jésus m’appelle avec mes limites et mes capacités », tient à préciser Lindsay Lapoul. « Jésus m’appelle seul, en couple, en famille pour faire ce parcours avec lui. » Comme l’apôtre Pierre, il a entendu cette phrase de Jésus résonner en trois fois dans sa vie : « Lindsay, m’aimes-tu ? » Sa réponse au Seigneur fut positive. À travers l’appel de son curé en novembre 2013, il sentait que le Seigneur lui demandait de prendre soin de ses brebis. « Dieu est venu nous déranger dans notre zone de confort alors que ma femme et moi pensions être bien au service de Couples for Christ. »
Georges Othello : le Seigneur en a décidé autrement
Idem pour Georges Othello qui avait déjà fait son plan pour sa retraite. Il se disait qu’il ferait le tour de l’île pour rendre visite à ses neveux
et nièces, mais le Seigneur en a décidé autrement pour ce célibataire qui n’avait aucun engagement d’Église. À partir du discernement, il a « senti
que lapat-la pe monte. J’ai pris goût quand j’ai compris le sens de cette mission ». À partir de là, Georges s’est laissé guider par l’Esprit. Il se dit serein et plein de confiance. « S’Il m’a choisi, je suis sûr qu’Il va me donner les outils nécessaires pour accomplir ma mission. »
Désiré Farla : doublement heureux
Désiré Farla ne dira pas le contraire. « Quand le Seigneur appelle, Il te donne les grâces nécessaires. » Et ça, il en a fait l’expérience. Lorsqu’il a été appelé, c’était hors de question pour Désiré de donner une réponse positive. Car fin 2013, il faisait le va-et-vient entre l’hôpital et la clinique pour subir une opération. Avec son « oui », le Seigneur l’a comblé de bénédictions. Sa santé s’est nettement améliorée. Désiré est doublement heureux car cet appel vient répondre au désir de son couple : celui de prendre ensemble un engagement.
Sandra Rousseau
Qui sont-ils ?
Cadress Runghen, 57 ans, marié à Ragini, 52 ans. 30 ans de mariage. Père de deux fils (26 et 21 ans). Ils habitent à Petite-Rivière et fréquentent la paroisse Saint-Sacrement, Cassis. Pas d’engagement paroissial. Cadress est responsable de l’hôpital au niveau de la prison de Beau-Bassin. Ragini est coordinatrice au Groupe ‘A’ de Cassis/Lacaz A.
Steve Dursoniah, 49 ans, marié à Rozelle, 46 ans. Bientôt 25 ans de mariage. Père d’un fils et d’une fille (22, 21 ans). Ils habitent à Pailles. Steve, ex-membre de l’EAP, est engagé sur la paroisse Saint-Vincent-de-Paul dans la Légion de Marie. Il aide aussi pour le projet Kleopas. Rozelle est membre de l’Équipe d’animation pastorale (EAP) et est responsable de l’aile jeune de la Légion de Marie au niveau national. Steve est mentor des éducateurs au ministère de l’Éducation, tandis que Rozelle est fonctionnaire.
Josian Labonté, 51 ans, marié à Claileen, 53 ans. 22 ans de mariage. Père d’un fils, Laurent, 17 ans. Il habite à Cassis et fait partie de l’EAP de la paroisse Saint-Sacrement. Josian est responsable de la formation au sein de Caritas, Ile Maurice tandis que Claileen est self-employed et n’a aucun engagement sur la paroisse.
Lindsay Lapoul, 57 ans, marié à Franchette, 53 ans. 28 ans de mariage. Père de deux fils et d’une fille (26, 24 et 21 ans). Il habite Flacq. Le couple est responsable de Couples for Christ sur la paroisse Sainte-Ursule. Ils préparent les couples qui vivent en concubinage au Sacrement de mariage. Lindsay fait aussi partie de l’équipe de miséricorde sur sa paroisse. Il est ajusteur, tandis que Franchette est infirmière.
Georges Othello, 63 ans, célibataire. Il habite Tranquebar. Sa paroisse : la Cathédrale. Pas d’engagement paroissial. Il est Associé spiritain et est engagé auprès des toxicomanes au Centre d’accueil de Terre-Rouge. Sportif, engagé dans le judo depuis 1969 jusqu’à 2003. Georges est retraité de Mauritius Telecom.
Désiré Farla, 58 ans, marié à Marylyn, 56 ans, bientôt 25 ans de mariage. Père de trois filles et deux fils (24, 22, 20, 17, 13 ans). Il habite Petite-Rivière et est membre de l’EAP de la paroisse Saint-Cœur-de-Marie. Marylyn est dans l’Équipe noyau qui s’occupe de la préparation des enfants pour la première communion et de la confirmation. Désiré est responsable de la Commission catéchèse, tandis que Marylyn est secrétaire.
Témoignages : Les épouses en parlent…
Elles accompagnent leur époux dans l’ombre vers la mission du diaconat. Un appel qui les invite à cheminer spirituellement avec ces derniers aux côtés de deux accompagnateurs spirituels et d’un prêtre qui constitue leur équipe de vie. Et aussi de recevoir des formations une soirée par semaine. Rencontre.
Franchette Lapoul voit la main de Dieu dans l’appel qu’a reçu son époux. Elle avoue qu’elle n’a pas été surprise lorsque Lindsay lui a annoncé qu’il a été appelé pour être candidat au diaconat. Elle pressentait déjà cette mission pour son époux. Franchette est infirmière, en plus d’être mère de trois enfants et grand-mère d’un petit-enfant. Ses heures de travail sont indues, ce qui l’oblige à faire des arrangements afin
de se libérer pour l’accompagnement et la formation.
Claileen Labonté, mère d’un fils de 17 ans, doit aussi faire les arrangements dans sa vie. Une fois par semaine, le couple doit laisser leur fils seul à la maison pour aller suivre les formations du soir. Une formation que Claileen a reçue comme un catéchisme complet et qui l’a aidée à grandir spirituellement et humainement. Elle se dit heureuse que, désormais, la prière en famille soit incontournable. Cette mission leur a donné aussi une grande famille.
Marylyn Farla salue l’initiative de donner la parole aux enfants. Mère de cinq enfants, elle trouve qu’en les invitant à participer à la démarche, cela fait grandir leur intérêt, tout en consolidant la relation en famille. « Les enfants sont avec nous, ils s’intéressent à ce que nous faisons, ils nous encouragent. »
Ragini Rungen trouve que l’appel de son époux ne fait que renforcer la foi et les relations de son couple. Dean et Sean, leurs deux enfants, comprennent bien que leur soutien est tout aussi important pour leur père. Le soutien et la prière sont aussi essentiels pour Ragini, qui précise qu’ils ne sont pas des personnes parfaites. Un petit clin d’œil de l’Esprit-Saint pour ce couple à travers leur rencontre, tout à fait par hasard, avec un diacre mauricien qui exerce sa mission en France. Le diacre est infirmier en prison comme Cadress. Il était en visite dans la paroisse Saint-Cœur-de-Marie. Un cadeau de Dieu, voire une grande richesse pour le couple.
Rozelle Dursoniah, mère de deux enfants, rappelle, quant à elle, que la formation (relation de couple ; relation parents/enfants ; travail ; prière ; argent ; préparation des enfants, entre autres) ne fait qu’enrichir sa foi et l’aide à grandir spirituellement. « L’accompagnement, l’équipe de vie et la formation nous ont rapprochés, on apprend à mieux se connaître et à mieux s’exprimer. On réalise que l’un est un cadeau pour l’autre. »
Sandra Rousseau
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