Le 12 février dernier, les pères Jean-Michaël Durhône et Jean-Maurice Labour, responsables des deux équipes de discernement du cheminement Kleopas, ont remis officiellement à Mgr Piat un document faisant des propositions pour le renouvellement de l’annonce de l’Evangile dans les paroisses, l’école et la famille. Ci-dessous, l’allocution de Mgr Maurice E. Piat à cette occasion.
Tout à l’heure me seront remis les documents qui contiennent les grandes orientations de Kleopas, et les propositions de décision à prendre pour mettre en œuvre ces orientations dans le diocèse.
Je tiens tout d’abord à remercier chaleureusement tous ceux et celles qui ont participé de près ou de loin aux groupes d’écoute, à l’animation, à la prise de notes et à la compilation des résultats de ces premières consultations. Je remercie très spécialement tous ceux et celles qui ont classé et synthétisé pour nous les données recueillies. Un merci spécial à Henri Derroitte qui les a analysés avec finesse, nous renvoyant, cahier après cahier, à la fois une image encourageante des richesses vécues dans notre Eglise et les interpellations qui remontaient à la surface. Un grand merci aussi à tous ceux et celles qui ont participé aux groupes de discernement ; ils ont pris beaucoup de peine pour étudier ces cahiers produits par Henri Derroitte, pour se documenter à partir des grands textes de l’Eglise sur la catéchèse, la famille, l’Enseignement catholique ; ils ont fait des recherches et ont pris du temps pour discuter ensemble afin d’arriver aux propositions de décisions qui qui me seront remises tout à l’heure.
Maintenant, à partir d’aujourd’hui, va commencer la dernière étape de Kleopas avant qu’il ne devienne formellement le Projet Catéchétique Diocésain. Cette étape est celle de la préparation immédiate des mesures concrètes à prendre pour mettre en œuvre le projet au moment de sa promulgation le 7 août prochain.
Pour m’aider dans cette dernière étape, j’ai nommé un petit groupe de 7 personnes qui seront des « Chargés de Mission » uniquement pour cette période du 12 février au 7 août. Après la promulgation le 7 août interviendront d’autres nominations plus stables pour un temps plus long.
En fait le trajet Kleopas ressemble à un voyage en avion ; il y a eu d’abord le décollage en 2014-2015, un mouvement de consultation de la base vers le haut, un temps pour écouter le peuple de Dieu et s’appuyer sur cette écoute pour décoller ;
Il y a eu ensuite avec le temps de discernement à partir de 2014-2015 une prise d’altitude pour permettre de regarder la base d’un autre point de vue, l’observer dans la perspective d’un horizon plus vaste. Cela a permis de mieux apprécier la beauté du paysage qu’offrait notre Eglise et en même temps de mieux reconnaitre ses faiblesses.
Et enfin arrive maintenant le temps de l’atterrissage, le temps plus délicat.
Mais au fait, comment nous est venue l’idée d’entreprendre un tel voyage ?
J’avoue qu’en relisant l’histoire récente de notre diocèse, j’ai été touché personnellement par plusieurs coïncidences providentielles entre ce que l’Eglise universelle nous demandait et ce que nous découvrions à partir de l’expérience de notre Eglise locale.
Ainsi, en 1997 le Saint-Siège sortait un document fondamental appelé le Directoire Général de la Catéchèse. Dans ce document il demandait à chaque diocèse d’élaborer et de mettre en œuvre un Projet Catéchétique Diocésain : il s’agissait pour chaque diocèse de revoir la façon dont il annonçait vraiment Jésus Christ comme Bonne Nouvelle, et la façon dont il transmettait la foi ; il s’agissait aussi de se donner les moyens d’une annonce et d’une transmission qui répondent aux besoins du monde d’aujourd’hui. J’avoue que je n’ai pas réalisé à l’époque l’importance fondamentale de ce qui nous était demandé.
Au même moment dans le diocèse de Port-Louis s’ouvrait le Synode Diocésain, lequel est arrivé à la même conclusion que le Directoire qui venait de Rome : le Synode nous demandait de prendre comme première priorité l’annonce de Jésus Christ comme sauveur à travers un renouveau de la catéchèse des enfants, des adolescents et des adultes.
J’avoue qu’après le Synode nous n’avons pas pris cette 1ère priorité au sérieux. Nous avons consacré beaucoup de temps à mettre en pratique d’autres orientations comme l’option préférentielle pour les pauvres, la participation des laïcs dans l’animation des paroisses, la coordination de la formation etc. Ce n’est pas que nous n’avons rien fait pour annoncer Jésus Christ mais nous n’avons pas réfléchi explicitement aux moyens à prendre pour que cette annonce et cette transmission de la foi retrouve sa place centrale dans notre manière d’exercer la mission.
Cependant, après le Synode il y a eu plusieurs initiatives qui ont été prises par plusieurs personnes de différentes instances pour proposer aux adultes une annonce plus directe de Jésus Christ en lien avec leur vie concrète. Ces différentes propositions ont touché beaucoup de personnes qui se sont senties transformées. Et ainsi se manifestait une grande soif de découvrir ce qui fait le cœur de notre foi – la personne de Jésus et la Bonne Nouvelle qu’il propose. Je tiens à dire ici ma grande reconnaissance pour toutes ces personnes qui se sont lancées dans une annonce directe de Jésus comme sauveur et pour tous ceux et celles, qui une fois touchées, sont devenues d’ardents promoteurs de ce type d’évangélisation.
En même temps à Rome le Pape Benoît XVI convoquait un Synode sur la Nouvelle Evangélisation i.e sur la nécessité de ne pas prendre la foi pour acquise chez beaucoup de baptisés et de repenser une annonce de Jésus Christ qui s’adresse à ceux et celles qui étaient restés longtemps éloignés, et qui baignaient dans une culture séculaire.
Cette 2ème coïncidence nous a beaucoup interpellés parce que nous nous rendions compte que notre Eglise, nos paroisses, nos écoles, nos mouvements ne vivaient plus comme autrefois dans un contexte porteur où l’on était encouragé par son entourage à embrasser la foi et à la mettre en pratique. De plus en plus, pour être croyant et pratiquant, cela relevait davantage d’une décision personnelle et de moins en moins d’une tradition. D’où la nécessité de repenser notre manière d’annoncer l’Evangile et de transmettre la foi dans ce contexte de sécularisation.
En relisant notre histoire récente, nous avons vu clairement le fil rouge qui nous conduisait clairement à prendre au sérieux l’appel qui nous était fait depuis notre Synode en 1997.
En même temps nous rencontrions le prof. Henri Derroitte qui était de passage à Maurice ; nous parlions de tout cela. Il était disposé à nous aider. C’est ainsi qu’est né le projet Kleopas. Je tiens ici à exprimer encore mon immense reconnaissance envers Henri Derroitte, qui a été pour nous non seulement un expert, mais un grand frère qui nous a accompagnés avec beaucoup de patience.
J’avoue personnellement qu’en relisant encore aujourd’hui cette histoire, je suis touché par la patience de Dieu à notre égard. Même s’il nous l’avait dit explicitement depuis 1997, ce n’était qu’en 2013 que nous avons senti vraiment que le Seigneur nous demandait de retourner à ce qui fait le cœur de notre mission et d’y mettre toute notre énergie en prenant le chemin de Kleopas.
Mais au fait de quoi s’agit-il dans ce projet Kleopas ?
Il s’est agi en fait de revoir concrètement la façon dont notre Eglise annonce l’Evangile et transmet la foi ; d’apprécier ce qu’il nous a été donné de vivre depuis des décennies; de se laisser interpeller aussi par la sagesse de l’Eglise et réviser ce qui mérite d’être révisé ; et enfin se donner les moyens d’une annonce de l’Evangile et d’une transmission de la foi qui soit plus en phase avec la réalité du monde et de l’Eglise d’aujourd’hui.
Le cœur de notre mission ce n’est pas une liste de choses qu’un responsable quelque part à Rome nous est demande de faire ; c’est plutôt un élan qui nous vient de ce grand bonheur d’être aimé si gratuitement et si fidèlement, une joie qui nous pousse à partager la Bonne Nouvelle de cet amour gratuit qui nous touche au cœur et qui transforme nos vies.
Ce n’est pas nous qui décidons d’assumer cette mission. Jésus nous le dit délicatement « Je ne vous appelle plus serviteurs car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; mais je vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon père, je vous l’ai fait connaitre. Ce n’est pas vous qui m’avez choisi; mais c’est moi qui vous ai choisis et vous ai établis pour que vous alliez et portiez du fruit et que votre fruit demeure ».
Nous recevons cette mission de Jésus lui-même non pas comme d’un maître mais comme d’un ami. Malgré nos faiblesses et nos limites évidentes nous voulons lui être fidèles, d’une fidélité qui sache s’exprimer de manière toujours nouvelle selon les besoins toujours nouveaux de notre temps et de notre pays.
C’est cette fidélité créatrice qui a été la grande motivation derrière tout le travail autour de Kleopas – priez pour moi et mes collaborateurs afin que ce type de fidélité nous guide et nous motive encore au moment où nous nous préparons à l’atterrissage.
Conclusion :
J’avoue que depuis que je suis évêque jamais jusqu’ici je n’ai entendu avec autant de force et de pertinence l’appel contenu dans ma devise « Pousse vers le large ». Je peux comprendre ce que ressentait Pierre quand, après avoir travaillé toute la nuit, Jésus lui demande de jeter les filets encore une fois. Après avoir servi le diocèse depuis 45 ans on a quelque fois l’impression d’avoir fait tout ce qu’on pouvait. Et cependant même si nous pouvons être fatigués, l’appel résonne encore et il nous ramène à un peu plus d’humilité. Il nous demande de « repartir du Christ », de se baser sur sa parole et non pas sur notre simple sentiment d’être en forme ou non ou sur notre simple analyse de la situation pour jeter les filets encore une fois.
Mettre en œuvre le projet Kleopas consiste ainsi à poser un immense acte de foi « sur ta parole je jetterai les filets ». Mais on ne jette pas des filets tout seul. C’est quelque chose qui exige un travail en équipe, une coordination, un soutien mutuel. Je suis heureux de faire cet acte de foi avec vous ; je vous remercie tous d’avance de bien vouloir « vous mouiller » avec moi. Et je suis plein d’espérance pour les fruits que le Seigneur voudra bien nous donner.
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