La voie de la réhabilitation est loin d’être un long fleuve tranquille pour les ex-détenus. En effet, il existe de nombreux blocages, tant administratifs que sociaux. D’autres portent un regard de compassion, de miséricorde aux ex-détenus et leur tendent la main sur la voie de la réinsertion. Le point avec le dossier de La Vie Catholique.Les blocages à la réinsertion post-carcérale
La réinsertion post-carcérale est la voie d’un détenu vers sa réintégration dans la société civile. Malheureusement, les chiffres à Maurice révèlent que le nombre de rechutes est élevé : autour de 85%. Nombreux sont aussi les ex-détenus qui souffrent d’exclusion sociale. LVC a fait le tour de la question. Pour mieux préparer la réinsertion d’un ex-détenu dans la société, des procédures démarrent dès l’entrée du détenu en prison, précise Jaganaden Rungadoo, le Commissaire des Prisons par intérim. Ce travail passe d’abord par l’évaluation complète de chaque détenu : l’encadrement familial, le bilan de santé, le niveau d’éducation, les talents et autres connaissances professionnelles. Sans oublier la possibilité de confier ses problèmes sociaux et familiaux en toute confidentialité à un Welfare Officer. Un Sentence Planning, prenant compte de ses besoins, désirs et talents, est par la suite établi durant son temps d’incarcération.
Pendant ce temps, un gros travail d’accompagnement sur plusieurs facteurs est aussi abattu par des ONG au sein de la prison : social, familial, professionnel et l’état psychologique des détenus. Ils sont invités à regagner confiance en eux, à mieux se connaître, mieux connaître l’autre et Dieu à travers des accompagnements spirituels prodigués par des prêtres, imams, pandits et autres. La prison leur donne aussi le libre accès au temple, kovil, église ou mosquée se trouvant dans l’enceinte de la prison.
Toujours pour aider à leur reconstruction, des Vocational Training Courses, débouchant sur un certificat de la MITD, sont proposés : pâtisserie, cuisine, couture, Metal Works, Housekeeping, cordonnerie, ébénisterie entre autres. Ceux qui ne savent ni lire ni écrire ont le choix entre pratiquer le jardinage, l’élevage, l’ébénisterie, ou encore la boulangerie. « Les détenus sont très dedicated… Il y en a même qui se classent premiers lors des examens… Nous fabriquons le meilleur pain à Maurice », relate Jaganaden Rungadoo avec fierté. Alors, pourquoi tant de rechutes à la sortie de prison ?
Si les compétences professionnelles obtenues en prison sont une des forces de la réinsertion, malheureusement le certificat de caractère d’une durée indéterminée (l’ex-certificat de moralité était sur dix ans) est un gros obstacle à la réinsertion. Avec une aide infime et quelques sous pour payer son transport lors de sa sortie de prison, le détenu a un besoin urgent de travailler. Pour faire ce pas, l’aide des ONG est incontestable. Toutefois, ces dernières sont unanimes à dire qu’il est plus qu’urgent de renforcer les dispositifs favorisant cette démarche.
Comme tous les travailleurs sociaux, Joanne Valère, Social Worker à l’association Kinouete, déplore la forme de ce certificat où figurent des détails qui freinent la réintégration professionnelle de l’ex-détenu.
Après cinq ans, ces détails seront enlevés mais le passage de la personne en prison sera toujours mentionné. Une étiquette à vie qui suscitera des questionnements quant au délit commis, fait remarquer Joanne Valère. Si ce certificat est obligatoire pour travailler dans une banque ou avec des enfants, il n’est guère applicable pour tous les types d’emplois, soutient-elle. « Pourquoi le ministère du Travail n’interdirait-il pas aux employeurs de demander un tel certificat pour un travail de nettoyage ou de jardinage par exemple ? Au cas contraire, plusieurs personnes verront leur vie gâchée en raison des délits mineurs. Demande-t-on à ces personnes de faire l’impossible ? La société a le devoir de mettre en place des systèmes adéquats pour encadrer ses citoyens. »
Autres causes de rechute : la cassure ou encore le rejet familial, le regard et les préjugés qui découragent et détruisent la vie des ex-détenus sans oublier qu’ils sont souvent dépourvus de logement. L’an dernier, Kinouete a touché 310 détenus hommes et femmes en prison et 100 ex-détenus en dehors de la prison. L’association offre un service aux détenus à la prison quant à l’acceptation de leur incarcération, l’estime de soi et leur passé, précise Dominique Chan Low, Counsellor et coordonnateur. « Des accompagnements individuels ou en groupe les aidant à tout lâcher et se sentir libre. » 63 enfants ont été touchés et 45 familles suivies à travers un accompagnement psychologique et social : leur trouver une maison, un travail, une carte d’identité, du matériel scolaire et gérer un budget entre autres.
Souvent par désespoir, pour avoir un toit ou de quoi se mettre sous la dent, certains détenus commettent des délits intentionnellement afin de réintégrer la prison. C’est le cercle vicieux.
« Ils sont à genoux lors de leur entrée en prison comme lors de leur entrée dans la société », souligne Josian Babet, officier de prison depuis 25 ans, et membre fondateur de l’association Passerelle. Il précise que la sortie de prison représente une grande peur pour de nombreux détenus. Pour aider les ex-détenus dans le développement et l’épanouissement de leur vie, Passerelle leur offre un toit pour une durée de 12 à 18 mois.
Ces derniers sont ré-initiés à la discipline de vie : la façon de se tenir à table ; la manière de développer des relations humaines ; les priorités pour les achats ; la gestion d’un budget ; la gestion de leurs émotions entre autres, explique Josian Babet. « On essaie d’être avec la personne, de se mettre à sa hauteur et non derrière elle. » Actuellement, quatorze ex-détenus y sont nourris, logés et blanchis. Une activité professionnelle est offerte à certains : atelier de charpentier ; élevage de pondeuses. Pour d’autres, Passerelle frappe avec difficultés aux portes des chefs d’entreprise. « C’est la société qui en sortira gagnante si on reçoit de l’aide dans notre démarche. »
La réinsertion est surtout un processus de longue haleine, fait ressortir Eileen Marie, présidente de l’association Elan, qui compte plus de 21 ans d’expérience dans ce service. « C’est une mission qui requiert beaucoup d’amour, de patience… Il est impératif de croire en la personne avec qui on travaille si on veut vraiment la remettre debout. Une confiance réciproque. Mo fer li konfians, li fer moi konfians. Se sa ki pou donn-li lafors. La réhabilitation ne démarrera qu’à partir de là », précise notre interlocutrice.
Elan aide aussi à rétablir les liens entre la famille et les ex-détenus. Pour pouvoir répondre avec compétence à l’accueil, l’écoute et le soutien des ex-détenus, des formations sont offertes aux proches. Pour la réhabilitation professionnelle des ex-détenus, Elan a mis aussi un lopin de terre de 5 arpents à leur disposition. L’an dernier, ils ont fait une bonne récolte de légumes. D’autres ont suivi des formations auprès de l’Areu. Un projet d’élevage de poules est en cours.
Sandra Rousseau
Deuxième chance pour Ludovic…
La réinsertion est le travail de chaque citoyen mauricien, estime Ludovic, ex-détenu qui rencontre beaucoup de difficultés quant à sa réintégration professionnelle dans la société. Ce jeune de 32 ans a le sentiment que son délit lui colle perpétuellement à la peau, même s’il a payé pour cela.
Ludovic avait son propre business mais en raison d’un chèque sans provision, il s’est retrouvé en prison. À sa sortie, il a pu trouver avec peine un emploi comme Trainee Manager dans un supermarché de renom mais il a dû arrêter le jour suivant car le General Manager a fait part à son directeur qu’il n’était pas d’accord de travailler avec un ex-détenu.
Outre la presse qui l’a accusé d’escroquerie, Ludovic souffre aussi du regard des autres. « L’étiquette que la presse a collée sur mon dos m’a mis à terre. De plus, les gens me prennent pour un monstre.» Ludovic condamne le certificat de caractère qui est un obstacle permanent à toutes ses
démarches pour obtenir un emploi décent. « Le regard des employeurs change une fois qu’ils sont au courant que j’ai fait de la prison… et personne ne veut me donner une chance. »
Presque quatre ans après sa sortie, Ludovic a dû faire face au problème de sa séparation avec son épouse. Ce père de trois enfants se dit triste de la tournure de sa vie. Ce dernier n’a pas tardé à rechuter et s’est vu encore une fois entre les quatre murs de la prison. « Certes, on a beaucoup de formations en prison… entre autres le leadership mais dans la vie réelle, on rencontre d’énormes difficultés pour les mettre en pratique. »
Ludovic travaille actuellement dans un centre d’appels. « J’ai eu la chance d’avoir un employeur qui ne marginalise pas les ex-détenus. Je fais tout pour être à la hauteur de mon salaire… Je n’ai qu’une envie : rattraper le temps. »
La Vie Catholique souhaite bonne chance à Ludovic !
Cadress Rungen – La réinsertion : une question de mentalité d’abord
La réinsertion professionnelle des détenus reste un combat souvent plombé par de nombreuses difficultés administratives et légales. Mais un des plus grands obstacles est sans aucun doute le regard de la population sur les personnes qui veulent se reconstruire. Le travailleur social Cadress Rungen nous livre son analyse.
Tout travail mérite salaire, comme toute initiative mérite considération. Hélas aujourd’hui, cela ne s’applique pas à tout le monde. Pour ceux qui ont commis des délits, la situation est beaucoup plus difficile. La réintégration, à savoir, donner une deuxième chance, est un acte noble.
La réinsertion des détenus est cependant un travail difficile pour de nombreuses raisons car un des facteurs primordiaux reste avant tout le besoin de se trouver un emploi pour se remettre en selle. Cependant un des obstacles majeurs est certainement l’acquisition d’un certificat de caractère. Les démarches nécessaires à son obtention restent un long parcours, souvent régi par des contrôles stricts de la police et des agents de probation qui devront s’assurer de la bonne volonté du détenu.
« Mo lopinion se ki ena travay ki demann sa sertifika-la me pa tou travay ki demande. Ena boukou ex deteni ki pe travay dan sekter prive. Fodre pa ki akoz zot pa gagn sertifika karakter ki sa vinn enn obstak pou zot pa travay. Mo konsey bann deteni ki pena sertifika, pa bizin ki sa vinn enn exkiz pou zot pa travay e ena osi bann patron ki konpran travay reinsersion e zot dakor pou pan bann ex deteni. Si aster zot pe anvi gagn enn sertifika, ena bann linstans kot kot zot kapav ale pou faire bann demars malgre ki li ress ase long et konplike », explique Cadress Rungen, travailleur social.
Retrouver la dignité
Des formalités que plusieurs personnes ont eu à cœur de faciliter afin que les détenus soient justement traités plus équitablement sur le marché du travail : par exemple les frères Aza, l’ancienne ministre Jocelyne Minerve et Arvin Boolell, entre autres.
Malgré tout le bon vouloir, un des problèmes majeurs dans la lutte pour la réinsertion professionnelle reste le combat contre la drogue et le manque de soutien de la famille. « Problem ki ena se ki ena enn gran mazorite deteni ki bann droge e kan zot pa gagn soutien avek zot fami, li boukou pli fasil pou ki zot fer enn resit. Ena osi lamizer e la povrete ki form parti ladan. La plipar de foi kan li sort prizon li pena okenn plas po li ale e li retrouv li ansam ek sa bann mem dimounn ki finn fer li al dan prizon-la », confie le président du groupe A de Cassis-Lakaz A. Et de poursuivre : « De lot kote mo konn osi deteni ki finn gagn bon lankadreman dan prizon e ki finn aprann enn metie. Me li pena soutien so fami, si li sorti li konn enn metie me li pena lakaz, otomatikman li pou retourn kot sa bann dimounn ki li ti pe frekante avan li ti al dan prizon. E premie zafer ki zot pou dir li se ‘kas enn yen ; 4-5 an tonn priv toi’. Me kan li fer sa li replonze e apre 2-3 zour bannla pou dir li be pran sa to al vande e li rant dan sa serk visie-la. Bann dimounn ki ti bizin akey li pann fer li, be ki li pou fer e kot li ale ? Malerezman la sitiasion li boukou pli dramatik pou bann madam ki ena ankor moins sans ki zot fami repran zot ki enn zom. »
Cela démontre en somme comment le fait de juger une personne sur ses erreurs passées peut être le coup de grâce. Cependant cette mentalité de juger ne s’arrête pas à la famille car même si le détenu a pu trouver un emploi, rares sont les employeurs assez compréhensifs pour lui faire confiance. « Mantalite dimounn zoue enn gran rol dan reinsersion profesionel. Mo konn bann anployer kinn pran bann deteni e kan zot aprann ki bannla finn deza fer prizon, bann anployer met zot deor. Parfoi kan ariv enn vol dan travay, kouma lapolis vini se ex-d teni-la mem premie sispe parski lapolis konn li. Eski kan linn kondann pou 2 moi ou 2 zan prizon, linn kondann pou lavi ? », poursuit Cadress Rungen.
Ainsi, afin de pallier à cette mentalité, la réinsertion doit se faire à l’extérieur de la prison, en l’occurrence, avec la population. Un travail avec les organismes privés et publics aussi afin que les ex-détenus retrouvent une certaine liberté et dignité professionnelle.
Tendre la main
Un travail qui a déjà était fait auparavant, explique Cadress Rungen, du temps où il travaillait au Centre de Solidarité. Plusieurs directeurs des ressources humaines du secteur privé travaillaient de concert avec les ONG pour la réinsertion professionnelle des détenus. Un travail de longue haleine, mais qui a pour but d’aider les détenus et la population dans son ensemble. « Ki lakaz kapav aranze san met antivol ? Komie dimounn met alarm dan so lakaz ? Ena dimounn ena bizou lor pa mete. Me si bann deteni resi travay, li pe pey tax, li pe kontribie dan lekonomi, ena sertin vol pou diminie et tou sala, li pou enn bon kiksoz pou la kominote », nous explique le travailleur social.
Ainsi, la réintégration professionnelle et sociale d’une personne passe par la nécessité de justifier de sa moralité, mais il est tout aussi nécessaire pour nous de ne pas la juger et de lui tendre la main, d’être miséricordieux comme le Christ envers quelqu’un qui est dans le besoin et qui cherche peut être un nouveau souffle à son existence. Il faut lui donner cette chance.
Christopher Sainte-Marie
La parole à Imran Dhanoo
Imran Dhanoo directeur du Centre Dr Idrice Goomany et travailleur social confie : « L’emprisonnement pour délit de drogue compte pour au moins 60% de la population carcérale de Maurice et c’est là une des difficultés à faire de la réinsertion car il y a un fort taux de rechute. Cependant, il y a aussi le fait que la loi n’est pas toujours en faveur de la réinsertion. Par exemple, un jeune qui a ététrouvé coupable d’un délit à 17 ans verra toute sa vie basculer et ne pourra peut-être jamais entrer dans la fonction publique. Même s’il a de bons résultats, son casier judiciaire le suivra partout. Dans certains pays, après un temps, le casier est effacé et cette option a été considérée à une époque ici, mais le projet n’a jamais abouti. Toutefois ils peuvent aussi faire la demande auprès de la Commission for the Prerogative of Mercy qui initiera une enquête avec la police et les Probation Officers. »
Zoubeyr Beehary, de « Batietanche ltd »
« Cela fait 6 mois que j’ai accueilli un ex-détenu dans mon travail. Ce n’est pas toujours facile parce qu’il arrive qu’on ne soit pas d’accord. Cet ex-détenu ne connaissait rien à ce travail mais je n’ai aucun reproche à lui faire. Il fait bien son job et le plus important, c’est qu’il respecte les clients
parce qu’on travaille dans le waterproofing. Nous sommes une petite équipe de 18 personnes et nous sommes tous au courant de son passé. C’est vrai qu’au début j’étais méfiant et un peu réticent, mais si jamais je devais recruter je ne serais pas contre l’idée d’accueillir des ex-détenus. »
Œuvre de la miséricorde – « J’étais en prison et vous m’avez visité »
Cette phrase de Jésus-Christ (Mt 25, 36) résume une des œuvres de la miséricorde que le pape François nous invite à vivre depuis le 8 décembre 2015, jour de l’inauguration de l’Année sainte de la Miséricorde. Le Père Eddy Coosnapen, aumônier des prisons, et quelques laïcs qui s’adonnent à cette mission, nous en parlent. A travers sa parole, ses gestes, et toute sa personne, Jésus de Nazareth révèle la Miséricorde de Dieu. » Paroles du pape François qui nous invite à entrer dans cette mouvance en cette Année de la Miséricorde. Le Père Eddy Coosnapen définit la miséricorde en deux mots : cœur et misère. « Le cœur de Dieu souffre tellement devant la souffrance humaine qu’Il décide de nous visiter à travers Son fils Jésus pour nous tirer de notre misère. »
La prison est le lieu par excellence où hommes, femmes et enfants sont écrasés par la misère. D’où la visite qui représente une des œuvres de la miséricorde. En posant un regard miséricordieux sur le détenu, la personne prend part à sa misère. L’objectif est d’aider l’homme écrasé à se remettre debout comme Dieu l’a fait avec nous en nous envoyant Son fils Jésus, nous rappelle le Père Eddy.
C’est cette mission gratifiante que lui et Patrick Dacruz de la Pastorale de la prison, ainsi que Patrick Bonne et Fleuriot Flore de l’association Mains Ouvertes, ont choisi de vivre. « À chaque fois que j’entre en prison, je vois la figure du Christ souffrant sur le visage de ces personnes défigurées par la misère », nous rappelle le Père Eddy. « Le Christ défiguré se retrouve au cœur de toutes ces souffrances et détresses qui se vivent à la prison. » Le prêtre invite ainsi les fidèles à changer leur regard sur les détenus et ex-détenus en prenant conscience qu’ils sont avant tout leurs frères et sœurs. La mission de la Pastorale de la prison, c’est d’aller à la rencontre des détenus pour finalement rencontrer le visage du Christ souffrant.
Aimés de Dieu
Outre la visite en semaine avec des laïcs, chaque semaine, le prêtre célèbre l’eucharistie en prison. « Il n’y a pas de plus grand moment dans la vie d’un prêtre que de vivre cette communion profonde au cœur de la détresse humaine… C’est le Christ qui se donne et les détenus nous montrent qu’ils ont faim et soif du Christ. » Le prêtre se dit touché par leur présence et la profondeur des détenus dans la préparation de l’eucharistie, aussi bien que leur disponibilité et leur oreille attentive dans l’écoute de la Parole. De plus, la relation entre le prisonnier et la Vierge Marie est grande. Chaque détenu a son chapelet. C’est la plus grande prière du pauvre.
Patrick Dacruz fait aussi partie de la Pastorale de la prison depuis 18 ans. « Ma mission consiste à rassurer les détenus qu’ils sont aimés de Dieu malgré leurs fautes et que cet amour passe à travers des visages humains. Et aussi qu’il y a des personnes qui croient en eux et qui leur font
confiance. Je leur fais également prendre conscience que le pardon est possible pour eux comme pour moi. Dieu m’a aimé d’un amour gratuit et inconditionnel. Il m’a accueilli et m’a pardonné, j’en fais de même pour les plus marginalisés de la société. »
À travers sa mission, Patrick essaie de mettre en pratique cette parole du Christ : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. » Il se dit triste pour les détenus qui ne retrouvent pas des bras ouverts lors de leur sortie. Souvent ils sont abandonnés par la famille, n’ont ni logement ni travail et se voient condamnés à vie par le regard de la société. Face à cette grande souffrance, ces derniers retombent facilement et se revoient malheureusement encore une fois derrière les barreaux.
Créée depuis 2002, l’association Mains Ouvertes permet, quant à elle, à vingt-cinq laïcs d’avoir un cadre légal pour visiter les détenus en prison, pour les écouter et les évangéliser. Une mission que Patrick Bonne, le président, fait avec beaucoup de passion. « C’est la mission qui m’a choisi. Le Christ m’attend en prison et je fais la réhabilitation de la personne avec lui… Sans lui, c’est impossible. » Patrick se dit habité par la phrase de saint Paul : « Qui es-tu pour juger le serviteur d’autrui ? » Sans un regard miséricordieux, il n’y aura point de bras ouverts pour accueillir l’ex-détenu, dit-il.
« Stop » à l’indifférence
En cette Année de la Miséricorde, Patrick invite le public à dire « stop » à l’indifférence, au manque d’amour envers les détenus comme pour ceux qui sortent de la prison. Il se dit triste devant la phrase d’un jeune qui lui a dit qu’il a été obligé de voler un 30 décembre afin de retourner en prison. Il n’avait rien à manger pour le Nouvel An. Ou encore l’autre jeune qui une fois sorti de la prison a été obligé d’aller mendier à la gare du Nord. Fleuriot Flore a fait le saut de l’association Elan à Mains Ouvertes. Il se dit tout aussi affligé d’entendre un détenu lui dire en larmes : « Ki mo pe al fer deor ? » Fleuriot juge que c’est invraisemblable : « Kan zot anferme zot ena manze, boir. Kan zot lib zot pena ni manze, ni boir, ni lakaz, ni travay, ni fami. »
Devant toutes ces misères humaines, Patrick pense à une coopérative qui pourra aider ces personnes à trouver un emploi. « On peut inviter les gens de bonne volonté à y investir… Au lieu d’embaucher les travailleurs étrangers, donnons une deuxième chance aux ex-détenus qui sont une main-d’œuvre qualifiée : boulangerie, jardinage, imprimerie entre autres. »
Sandra Rousseau
Être « Half Way Home »
La Half Way Home, service sous l’égide de l’African Network for the Protection and Prevention of Child Abuse and Neglect (ANPPCAN) est ouvert à Maurice depuis 2003. C’est une structure de réinsertion sociale pour les jeunes filles venant des shelters ou Centres de réhabilitation. Certaines d’entre elles n’ont pas de famille pour les accueillir.
La mission du Centre est d’aider ces jeunes filles à retrouver leur valeur dans la société. Il vise aussi à les aider à enlever leurs peurs, leurs craintes et à devenir responsables. « C’est toute une acclimatation à faire auprès de ces jeunes. Elles ont été entre quatre murs pendant des années et elles se retrouvent libres… Il y a tout un chemin pour leur apprendre à vivre librement », partage Marie-Josée Baudot, coordinatrice du Centre.
Ce chemin se fait à travers des choses simples, mais tellement importantes. Exemple, l’ouverture d’un compte bancaire, suivre une formation professionnelle ou chercher un emploi stable. Ensuite, il y a aussi pour certaines le renouement avec la famille.
« Nous ne sommes pas là pour voir les erreurs et les problèmes du passé. Nous avons tous des problèmes… mais il faut un jour les déposer et regarder l’avenir », soutient Marie-Josée Baudot. « Nous ne prétendons pas être des superhéros qui peuvent tout faire, mais nous essayons de notre mieux en collaboration avec les institutions et les filles elles-mêmes », soutient la coordinatrice. De plus, dès leur arrivée au Centre, les jeunes filles sont mises au courant que c’est grâce à leur propre volonté et leurs efforts qu’elles pourront se battre pour y arriver.
Il faut savoir que plus d’une centaine de jeunes filles auraient occupé le Centre depuis son ouverture. Par faute de moyens financiers pour ouvrir un Centre pour garçons, cette structure accueille uniquement les jeunes filles.
Toutefois, le Centre s’occupe aussi de celles dont les frères sont en Shelter. Afin qu’elles puissent garder les liens fraternels et passer du temps ensemble. Le but du Centre est également de leur permettre de retrouver tous les aspects d’une cellule familiale, sans pour autant oublier que les accompagnateurs ne remplaceront jamais leurs parents biologiques.
NH
Le pape a dit…
« Le pape est un homme qui a besoin de la miséricorde de Dieu. Je l’ai dit sincèrement, y compris devant les détenus de Palmasola, en Bolivie, devant ces hommes et ces femmes qui m’ont accueilli avec chaleur. Je leur ai rappelé que saint Pierre et saint Paul aussi avaient été des prisonniers. J’ai une relation spéciale avec ceux qui vivent en prison, privés de leur liberté. J’ai toujours été très attaché à eux, justement à cause de la conscience que j’ai d’être un pécheur. Chaque fois que je franchis le seuil d’une prison, pour une célébration ou pour une visite, je me demande toujours : pourquoi eux et pas moi ? Je devrais être ici, je mériterais d’y être. Leurs chutes auraient pu être les miennes, je ne me sens pas meilleur que ceux qui sont en face de moi…»
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