Homme libre, toujours tu chériras d’ériger des frontières et des murs pour te protéger, mais au nom de cette même liberté tu passeras ta vie à les traverser… à les briser. Au nom de cette même liberté, des guerres n’arrêtent pas entre ceux qui revendiquent le droit d’asile et ceux qui brandissent leur droit de nationalité.
L’homme est l’animal migrateur et sédentaire depuis qu’il existe. À deux ou trois ou générations près, ne sommes-nous pas tous parfois des migrants
et d’autres fois sédentaires ? L’Europe, les États-Unis, les pays du continent asiatique et de l’Afrique n’existent que par migrations successives.
L’histoire de l’humanité s’organise par la construction des murs et des frontières. Toutes les guerres ne sont-elles pas la défense ou la revendication de frontières ? Frontières géographiques, religieuses, raciales, idéologiques. Toutes les constructions nationales ne sont-elles pas fortifications de défense ou revendications de frontières de plus en plus étendues ?
La mondialisation n’a pas supprimé les frontières, elle les a, au contraire, multipliées. Ce que le pape appelle la globalisation de l’indifférence est la mondialisation de la construction des murs de protection contre l’envahissement de l’autre. L’arrivée massive en Europe de réfugiés fuyant les zones
de guerre est en train de déclencher en Europe comme une guerre implosive entre ceux qui veulent construire des murs et ceux qui veulent des ponts. Le pape craint comme une Troisième Guerre mondiale à l’intérieur des frontières.
Au cœur du spectacle des crispations identitaires ou des replis nationalistes exacerbés par la situation, on constate que des murs, apparemment les plus infranchissables, se révèlent toujours poreux et finissent par céder sous la pression d’initiatives citoyennes d’origine religieuse ou non. Exemple : la chute du Mur de Berlin.
Pourtant, des murs poussent partout dans le monde contre les flux migratoires : au sud des États-Unis comme entre les deux Corées, dans le Sinaï comme à la frontière de l’Inde et du Bangladesh, sans parler de celui tout récent entre la Hongrie et la Serbie… Des géographes en ont recensé plus d’une cinquantaine, s’étendant sur plus de 20 000 km au total.
Pour gérer les migrations à Maurice, il faut créer de plus en plus de ponts. Ponts qui font circuler les idées, les convictions. Ponts de solidarité dans le travail, les loisirs, la religion. Mais un monde sans frontières est utopique. Aujourd’hui que l’universel traverse les murs de nos maisons, à travers les réseaux sociaux, nous sentons le besoin de préserver notre identité.
Jean Maurice Labour
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