La paix est l’un des biens les plus précieux de l’humanité aussi bien au niveau personnel-familial, qu’au niveau social, local ou international. La personne humaine vit en paix quand elle entretient des relations de dépendance et de responsabilité harmonieuses avec elle-même, avec les autres, avec la nature et avec Dieu. Je sais que je dépends des autres pour beaucoup de choses mais que les autres aussi dépendent de moi. La famille est le premier lieu de cette interdépendance qui apporte la paix.
L’harmonie sociale aussi dépend d’une interdépendance où les biens et les services sont échangés pour le bien de tous. Tensions et frustrations naissent de l’inégalité dans la répartition des biens. Au niveau international, la recherche de la paix fait l’objet de beaucoup d’efforts devant les nouvelles sources de conflit entre les nations, les cultures et religions. La paix écologique vient d’une relation de dépendance/responsabilité avec la nature. Mal traitée, la nature se révolte et tue.
Mais cette paix est fragile, elle est constamment menacée. Pour le Pape François, la plus grande menace contre la paix est l’indifférence ; l’indifférence provoque surtout une fermeture et un désengagement, et finit ainsi par contribuer à l’absence de paix avec Dieu, avec le prochain et avec la création
Aux niveaux individuel et communautaire, l’indifférence envers le prochain prend l’aspect de l’inertie et du désengagement qui alimentent les situations d’injustice et de déséquilibres sociaux. Ces situations, à leur tour, peuvent conduire à des conflits, ou en tout cas, générer un climat d’insatisfaction qui risque de déboucher tôt ou tard sur des violences et de l’insécurité.
Dans son encyclique « Evangelii Gaudium », le pape François exprime cette crainte que l’indifférence institutionnalisée au niveau du système économique dont le credo n’est que rentabilité financière sans préoccupations sociales, aboutisse à la révolte des exclus qui, tellement « largués », sont comme poussés à la révolte.
La bible manifeste une remise en question constante de cette indifférence : en interpellant Caën sur sa responsabilité envers son frère Abel : qu’as-tu fais de ton frère? Caën justifie son indifférence : suis-je le gardien de mon frère ?
Toute la vie de Jésus manifeste sa proximité et arrache à l’indifférence une femme au bord du puits, une autre qui enterre son fils unique, un petit homme qui cache sa honte dans un arbre, un mendiant, aveugle marginalisé, un collecteur d’impôts ou des enfants qui jouent sur la place.
La Bible nous appelle donc à une conversion; CONVERSION qui concerne aussi bien les personnes que les systèmes de fonctionnement.
Nous voyons bien que l’indifférence a aussi bien une dimension individuelle que sociale, économique et même politique. Elle s’insinue aussi dans la religion avec d’ « excellentes » raisons. Il s’agit bien d’une mondialisation de l’indifférence devenu une culture mondiale. J’entends dire par exemple que des patrons étrangers, européens ou non sont en train d’introduire à Maurice une culture d’entreprise qui détruit un style mauricien de relations humaines dans des entreprises jadis dirigés par les Mauriciens; l’ économie néo-libérale est en train de se fonder de plus en plus sur une indifférence par rapport à l’humain sous prétexte d’efficacité financière.
N’y a-t-il pas une culture politique d’indifférence par rapport à Agalega qui attend depuis 20 ans son désenclavement par une piste d’atterrissage ? Peut-être même que notre fameuse co-existence pacifique cache une culture d’indifférence par rapport à une connaissance réelle et profonde des autres religions de notre arc-en-ciel. Reconnaissons que la vraie rencontre inter-religieuse reste difficile à Maurice. Les soupçons, les calculs, la méfiance demeurent malgré les bonnes intentions ventilées l’espace de prières interreligieuses dans les messes de fin d’année ou à l’occasion de fêtes religieuses.
Face à cette globalisation de l’indifférence, le Pape propose de promouvoir une culture de la solidarité, de miséricorde et de compassion. La paix sera le fruit cueilli sur l’arbre de la miséricorde et de la solidarité. Il n’oublie personne; les jeunes et les parents, les chefs d’entreprises et les décideurs politiques, les journalistes et les enseignants et éducateurs, les prêtres et les missionnaires.
Il en appelle à une attention spéciale envers les détenus. Il valorise aussi les agents des services caritatifs et sociaux, des ONGs.
La résignation vient du constat de la fragilité de nos moyens par rapport au mal pernicieux qui resurgit, qui se réinvente comme ces antibiotiques mutants qui trouvent toujours la parade devant nos médicaments ultra performants. Et la résignation mène à l’indifférence, et l’indifférence à son tour mène à la guerre froide ou chaude. Devant la tentation de nous résigner, le Pape prend le parti d’espérer dans les capacités humaines à trouver des solutions et de les appliquer.
Laisser un commentaire