Nous reproduisons ci-dessous une interview de Mgr Maurice E. Piat parue dans La Vie Catholique du23-24 mai 2015.
- Pourquoi avez-vous convié les familles à Marie-Reine-de-la-Paix ce dimanche 24 mai?
Dans la grande consultation Kleopas, il est ressorti très clairement que pour la majorité des chrétiens à Maurice, c’est la famille qui a le premier rôle dans la transmission de la foi. Cette conviction bien ancrée chez beaucoup de Mauriciens rejoint la grande attention que le pape François a manifesté pour les familles. Beaucoup d’entre elles subissent pas mal de pressions et ont du mal à assumer leur rôle. Le grand défi pour notre Eglise c’est de donner aux familles le soutien, l’amitié et les outils dont elles ont besoin pour assumer leur rôle avec bonheur. C’est pourquoi j’ai voulu convoquer les familles mauriciennes à cette messe le jour de la Pentecôte. Nous rendrons grâce au Seigneur pour ce qui se vit déjà dans les familles et qui a une grande valeur, même si on en parle peu. Nous demanderons aussi à l’Esprit de nous éclairer dans les moyens à prendre pour accompagner les familles dans leur mission de transmettre la foi. Quand les familles sont heureuses dans leur vocation ça fait une grande différence pour la vitalité de l’Eglise et aussi pour la santé de notre société.
- Quelles sont vos attentes par rapport à ce grand rassemblement ?
D’abord, qu’il soit joyeux, fraternel et priant. Je souhaite que les familles prennent conscience de la beauté et de la grandeur de leur vocation, découvrent aussi combien l’Eglise compte sur elles pour accomplir sa mission. Plus concrètement, je souhaite que nous puissions vivre ce rassemblement comme une grande fête de famille : ne restons pas une foule anonyme mais cherchons à rencontrer nos voisins à Marie-Reine-de-la-Paix, à faire un peu connaissance. Que nous soyons des familles recomposées, monoparentales, divorcées remariées, pratiquantes ou non, ou encore qui ont de lourdes croix à porter, découvrons ensemble la joie d’être tous invités par le Christ. Il nous accueille tous, comme nous sommes, sur les terrasses de Marie-Reine-de-la-Paix. Nous voulons lui exprimer notre reconnaissance et lui dire toute notre confiance.
- Il y a parmi celles présentes à Marie-Reine-de-la-Paix, mais aussi ailleurs, beaucoup de familles qui souffrent pour diverses raisons. Quel message est-ce que vous avez pour elles ?
Je dirais aux familles qui souffrent et qui ont quelque fois de gros problèmes, de ne pas croire qu’elles sont seules à vivre ces difficultés et de ne pas en avoir honte. Le Christ se fait proche d’elles, s’arrête à leur côté, comme le bon Samaritain s’était arrêté auprès de l’homme blessé au bord de la route. Je dirais aussi aux familles qui se « sentent bien » de sortir d’elles-mêmes pour aller à la rencontre de celles qui portent un lourd fardeau. De cette rencontre jaillit souvent la découverte que les familles dites « à problèmes » vivent aussi de très grandes valeurs mais dans la discrétion. Et d’autre part, les familles qui se disent « sans problèmes » découvrent qu’elles ont, elles aussi, leur lot de souffrances. Se rencontrer nous ouvre les yeux sur le fait que nous sommes membres d’une même famille, frères et sœurs, chacun avec ses joies mais aussi son fardeau. C’est dans la rencontre qu’on découvre aussi que nous sommes tous accompagnés par le Christ et que c’est Lui qui nous donne le courage de continuer la route.
- Dans votre lettre pastorale 2015 – Famille, Dieu vous aime – vous vous adressez aux familles monoparentales, recomposées, ou avec des enfants victimes de la drogue, ou homosexuels. En ce faisant, vous rompez aussi avec un style de discours adressé uniquement aux familles traditionnelles. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?
C’est vrai que pendant plusieurs années, moi-même j’avais tendance à penser que ma responsabilité envers ces personnes ou ces familles dites « en situation irrégulière » consistait simplement à les aider à se « mettre en règle ». Mais petit à petit, je me suis rendu compte que la réalité était souvent plus complexe et que dans ces familles, il y avait aussi beaucoup de valeurs qui étaient vécues dans la discrétion. Bien sûr, il ne s’agit pas de renoncer à proposer la Bonne Nouvelle à ces familles mais j’ai réalisé qu’il fallait, en même temps, reconnaître qu’elles avaient un long chemin à faire et que chaque pas de ce chemin a sa valeur. Ma responsabilité n’est donc pas simplement de les mettre en règle mais de les mettre en route, et surtout de les accompagner sur cette route. Et ce, en fidélité à Jésus qui ne s’est pas présenté seulement comme la vérité mais aussi comme le chemin, voulant dire par là qu’il était avec chaque personne à chaque pas sur son chemin vers la vérité toute entière.
Par ailleurs, c’est vrai aussi que l’approche que le pape François a prise pour parler des défis que rencontrent les familles aujourd’hui m’a beaucoup interpellé et m’a fait comprendre plus en profondeur comment ma responsabilité consistait à tenir ensemble « la miséricorde et la vérité qui convergent dans le Christ ».
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