De la nuit du vendredi 2 avril à ce jour, que de révélations autour de l’affaire BAI ! Et elles continueront encore ces jours-ci. Révélations, contradictions, supputations… Et au milieu de ce scandale financier, des Mauriciens – de tous âges, de toutes les strates sociales, de toutes les communautés – qui, du jour au lendemain, voient toute leur vie chamboulée.
Obligation de tout recommencer avec de nouveaux employeurs… quand ce n’est pas l’angoisse d’un éventuel licenciement devant l’écroulement implacable des diverses compagnies faisant partie du groupe.
Sentiment d’être livrés à la vindicte populaire chez les détenteurs du Super Cash Back Gold envers qui les autorités dégainent un dédaignant « zot tro kontan kass », alors qu’eux ont fait foi à une police d’assurance bénéficiant de l’approbation d’organismes régulateurs. Sentiment d’être complètement largués avec dans les faits aujourd’hui, pour un très grand nombre, tout le labeur d’une vie (quand ce n’est pas aussi celle des générations précédentes !) et toute la planification de l’avenir, pour soi et pour les siens, qui s’envolent en fumée. Oui, au-delà du scandale politico-financier, le démantèlement de l’empire BAI est aussi et surtout un drame humain.
Notre société va mal. Beaucoup l’ont archi-dit et archi-écrit. Les clignotants étaient au rouge, mais nous avons tous choisi de regarder ailleurs. De nous voiler la face. Et cela, Rajen Bablee, directeur exécutif de Transparency Mauritius, le dit bien dans l’entretien en pages 6/7.
Nos démissions sont légion. Nous nous sommes tus devant la démission d’institutions garde-fous/régulatrices qui n’exerçaient pas leur rôle. Nous avons toléré les « manquements au niveau des implémentations ou des suivis, des enquêtes ou en ce qui concerne le rôle régulateur des institutions ». Nous n’avons pas crié halte-là quand les responsables d’institutions indépendantes se sont tranquillement transformés « en des outils au service des dirigeants du jour ». Trop souvent, hélas !, nous avons « escamoté nos faiblesses derrière le rhétorique des spécificités mauriciennes »…
Nous avons regardé ailleurs alors que le jeu démocratique gagnait en perversion et que le principe de séparation des pouvoirs s’amenuisait. Nous avons tablé sur la « culture de clientélisme, une culture de ‘traceur’ (…) qu’importe si quelques fois, notre action est contraire à l’éthique, la loi ou la règle, pour attendre [un] but personnel au détriment des autres ». Nous avons fi de la bonne gouvernance, de la transparence. Nous n’avons pas parlé d’une voix forte, et surtout unanime, pour réclamer du business ethics face à ces politiques et businessmen qui fricotent ensemble, se renvoient sans pudeur l’ascenseur et construisent des nébuleuses…
Comme il a raison Rajen Bablee quand il nous ressort que « les pires choses sont arrivées parce que les personnes bien n’ont pas réagi
à temps et qu’elles ont laissé faire » ! Raison aussi en avançant que « l’impunité n’est pas éternelle ». Saurons-nous tirer leçon de ce qui nous arrive, rectifier le tir et construire notre société sur ces mots-clés que sont intégrité, responsabilité, transparence, accountability ?
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