Avec le Dimanche des Rameaux, la communauté chrétienne entame la Semaine sainte qui conduira à Pâques. Le père Gérard Mongélard, curé à Notre-Dame-du-Rosaire, Quatre-Bornes, nous en dit plus sur cette semaine si importante dans le calendrier chrétien.
Pourquoi appelle-t-on cette semaine qui précède Pâques, la Semaine sainte ?
À vrai dire, ce n’est pas la semaine qui est sainte, mais bien Jésus. C’est lui, l’acteur principal, qui est saint. Il va être condamné innocemment, rejeté, alors qu’il n’a rien fait, sauf avoir dérangé les bien-pensants de l’époque. Jésus est venu bousculer la façon de penser de ces personnes sur deux points. D’abord, il a dit qu’il est le fils de Dieu. Pour un Juif, c’est extrêmement blasphématoire que de se dire l’égal de Dieu. Deuxièmement, il a dérangé les règles auxquelles ces personnes attachaient beaucoup d’importance. Il a, par exemple, guéri une infirme pendant le sabbat (Luc 14).
Pourtant, Jésus n’est pas un hors-la-loi. Et il sait bien aussi que, à cause de ses prises de décision, il va être jugé. C’est à partir du Dimanche des Rameaux que Jésus entre à Jérusalem. Saint Luc (9 :51) le dit bien : Jésus sait bien qu’en allant à Jérusalem, il va au-devant de la mort, et il y va. Il ne prend pas cette décision parce qu’il souhaite mourir, mais bien parce qu’il veut donner sa vie pour l’humanité.
À Jérusalem, il va être accueilli triomphalement. Mais c’est cette même foule qui va aussi plus tard crier « à mort ! À mort ! », à son encontre.
Cette semaine nous fait aussi revivre les étapes de la vie de ce Christ serviteur jusqu’au bout. Il y aura le lavement des pieds. Et cela ira jusqu’à la mort du Christ par amour pour nous. Jésus dit : « Le Père m’aime parce que je donne ma vie, pour ensuite la recevoir à nouveau. Personne ne me l’enlève, mais je la donne de moi-même ; j’ai le pouvoir de la donner et j’ai le pouvoir de la recevoir à nouveau (…) » (Jean 10 :17). On mesure durant cette Semaine sainte l’amour immense du Christ pour nous.
Justement, cela interpelle que cette même foule qui acclame Jésus va, après, souhaiter sa crucifixion.
Les bien-pensants de l’époque vont jouer un rôle important à ce niveau. Ils vont l’accuser de blasphème et dire qu’il est en train d’embêter les gens. Qu’il est contre César. Bref, ces « personnes bien-pensantes » vont trouver un tas d’arguments pour ternir l’image
de Jésus, « pou sali so papie net net », pour faire croire qu’il est un imposteur.
Si nous nous mettons dans le contexte de l’époque, que diriez-vous de la réaction des Juifs ? Du fait qu’ils se retournent contre Jésus, en se laissant influencer par les bien-pensants de l’époque ?
Oui, on peut quelque part comprendre dans quel état ils sont. Mais ce qu’il est important de souligner en même temps, c’est que les pharisiens étaient remplis d’eux-mêmes. Ils ne sont pas forcément méchants, mais ce sont des personnes qui avaient énormément travaillé pour maintenir la loi, au détriment de l’humain.
Dans l’épisode de la femme adultère par exemple, on voit bien leur manque de compassion. Pour eux, la sanction était incontestablement la lapidation. Idem, dans le cas du paralysé (Marc 2). Là encore, ils voient la loi et pas la personne.
Les pharisiens se croyaient sans péché. Et c’est cela leur drame, aussi bien qu’aux scribes.
Nous sommes nombreux à être des pharisiens aujourd’hui…
En effet. En chacun de nous, il y a un pharisien qui sommeille. Et il faut faire attention à cela. Il y a de nombreuses situations où nous pensons, agissons comme les pharisiens. Prenons par exemple notre système éducatif national qui n’est pas child-centered pour un sou. Contrairement à ce que cela aurait dû être normalement, l’enfant n’est pas au cœur des préoccupations du monde éducatif.
Nous avons tous aussi tendance à nous croire meilleurs que les autres. Bann-la ki move. Voilà une autre manière de se comporter en pharisien.Or, c’est contre tout cela que Jésus s’est insurgé. Aux Pharisiens qui voulaient lapider la femme adultère, il les renvoie à eux-mêmes (Jean 8, 1-11). « Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle », leur dit-il.
Tout cela devrait nous ramener à nous-mêmes. Il y a d’abord des choses à changer en nous. C’est exactement ce que nous dit Jésus : « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? » (Luc 6 : 41)
Pourquoi parle-t-on de la « Passion » du Christ ?
Quand on entend le mot Passion, on pense toujours à la croix, à la souffrance. Or, le mot Passion est synonyme d’amour. Ainsi, quand on dit que le Christ entre dans sa Passion, c’est en d’autres mots que le Christ va faire voir au monde son amour pour les hommes. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jean 15, 13).
Le sacrifice que Jésus fait est un sacrifice d’amour. Si on comprend le sens qu’il donne au mot Passion, on comprend tout de Jésus. Il nous montre que l’amour est plus grand que la haine. L’amour que le Christ a pour nous me fait penser à une maman qui a passé une nuit blanche avec son enfant malade. Ce qui pousse cette maman à ne pas dormir, c’est principalement l’amour qu’elle a pour son enfant. L’amour vient avant la souffrance.
Y a-t-il des exemples de la manière vivre cet amour dans le quotidien aujourd’hui ?
Par exemple, cela se vit quand vous arrivez à pardonner à une personne qui vous a offensé. La haine pour quelqu’un détruit, fait souffrir. Le pardon libère. Certes, cela ne veut pas dire que vous devez aller lui sauter au cou… On n’a peut-être pas la même force que Jésus. Mais donner son pardon soulage.
Idem quand on a offensé quelqu’un. On peut être habité pendant des années par un sentiment de culpabilité. Là aussi, demander pardon libère. Se pardonner libère. Il s’agit là d’être comme Pierre et non comme Judas. Judas n’a pas reconnu l’amour de Dieu pour lui.
Il n’a pas cru que Jésus voulait lui pardonner. Il est allé à sa perte. Pierre, lui, s’est repenti et a continué la route aux côtés du Christ.
Parlez-nous de ce pardon du Christ…
Quand Jésus pardonne, il ne dit pas à la personne que ce qu’elle a fait est bon. Jésus condamne le péché, mais pas le pécheur. Comme dans le cas de la femme adultère où il ne la condamne pas. Jésus nous dit : « Tu es coupable, mais tu es capable d’avenir. » Jésus ne t’enferme pas dans ton passé. Il te dit au contraire que tu es capable de mieux. C’est ce qu’il dit à Pierre par exemple. À celui-là même qui allait le renier, Jésus donne de grandes responsabilités. « Sois le berger de mes brebis » (Jean 21 :15). Tout cela me fait aussi penser à la Lettre pastorale de Mgr Maurice E. Piat pour ce Carême 2015, Familles, Dieu vous aime et qui parle bien de l’amour que Dieu a pour tous. Peu importe la situation dans laquelle vous êtes – divorcé, remarié, battu… – Bondie pa rezet toi. Bondie inn mor pou toi. C’est cela la Bonne Nouvelle.
Cette Semaine sainte est aussi marquée par le Chemin de Croix. D’où vient cette pratique, et pourquoi la vivre plus intensément pendant la Semaine sainte ?
Le Chemin de Croix est pour moi une pédagogie. À l’époque des premiers temps de l’Église, peu de personnes étaient éduquées. Il s’agissait donc de trouver comment permettre à des personnes qui ne savaient ni lire, ni écrire, de connaître la vie de Jésus. D’où le Chemin de Croix et ses images, de même que les vitraux dans de nombreuses églises. Il y a donc toute une catéchèse à partir du Chemin de Croix. C’est l’Évangile que tu mets à la portée des gens.
Propos recueillis par Martine Théodore-Lajoie
Triduum pascal : Les trois jours du Mystère
Du Jeudi saint au dimanche de Pâques, les chrétiens célèbrent le mystère central de leur foi : la mort et la résurrection du Christ. Le Triduum pascal est la période de trois jours durant laquelle les chrétiens célèbrent le cœur de leur foi, la résurrection de Jésus-Christ. Ce terme vient du latin (tres, « trois », et dies, « jour »).
Le triduum pascal commence le Jeudi saint et se termine le jour de Pâques (…) Successivement, les chrétiens commémorent le dernier repas du Christ avec ses disciples, son arrestation, sa crucifixion et sa mise au tombeau, puis sa résurrection d’entre les morts.
Ces trois jours ont un caractère fortement symbolique : ils rappellent ceux évoqués dans l’Évangile de Jean. Jésus ayant chassé les marchands du Temple, des Juifs lui demandent de manifester l’autorité au nom de laquelle il remet en cause le lieu saint de Jérusalem, et il leur répond : « Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai. » Préfigurant de la résurrection, l’évangéliste précise : « Il parlait du sanctuaire de son corps » (Jean 2, 18-21). (…)
Que célèbre-t-on le jeudi saint ?
Dans la soirée du jeudi avant Pâques, les catholiques célèbrent la Cène, l’ultime repas du Christ avec ses disciples, où il leur annonce le don qu’il va faire de sa vie, librement et par amour. Ce don est signifié de manière différente selon les quatre Évangiles. Marc, Matthieu et Luc montrent Jésus partageant aux Douze du pain et du vin, dont il fait les signes de son corps et de son sang livrés.
Dans l’Évangile de Jean, cette scène est absente, et le don de Jésus est traduit au travers du geste du lavement des pieds. Jésus se place ainsi dans la situation du serviteur et laisse à ses disciples ce testament : « C’est un exemple que je vous ai donné pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j’ai fait pour vous » (Jean 13, 15).
Fidèle à la mémoire du Christ, l’Église procède, le soir du Jeudi saint, au rite du lavement des pieds et célèbre solennellement l’Eucharistie. À la fin de la messe, les fidèles poursuivent leur prière en accompagnant le Christ dans la nuit de son arrestation au Jardin des oliviers. « Voilà ce qui distingue les chrétiens des païens », écrira le théologien Dietrich Bonhoeffer. ‘Ne pouvez-vous veiller une heure avec moi ?’, demande Jésus à Gethsémani. C’est le renversement de tout ce que l’homme religieux attend de Dieu. » (…)
Le vendredi saint est un jour de deuil et aussi celui où les chrétiens célèbrent l’amour de Dieu allant jusqu’au bout de lui-même. Ils célèbrent son abaissement qui va jusqu’à la croix pour rejoindre les hommes. Dans ce geste radical d’humilité, qui renverse la vision païenne d’un dieu dominateur, les chrétiens reçoivent la révélation d’un Dieu qui n’est qu’amour.
Durant cette journée, les chrétiens accompagnent le Christ en sa Passion, relisant ensemble le récit de son arrestation et de sa mise à mort. Au cours de l’office, la liturgie prévoit un geste de vénération de la croix. Depuis la fin du Moyen Âge, la pratique du Chemin de Croix s’est, par ailleurs, largement diffusée. Celui-ci a lieu dans l’après-midi du vendredi et consiste en une pérégrination en quatorze (ou quinze) étapes à la suite du Christ.
La journée du Samedi saint est la seule de l’année liturgique qui ne comprend aucun office collectif, hormis la liturgie des heures (prière du bréviaire). Aucun sacrement n’est célébré. C’est un jour de silence et de recueillement, un jour d’attente. (…) La journée du Samedi saint est aussi consacrée aux préparatifs de la fête de Pâques dans les familles et les communautés chrétiennes.
À Pâques − aussi bien lors de la liturgie nocturne du Samedi saint qu’au dimanche de Pâques −, l’Église célèbre la résurrection de Jésus, son « passage » de la mort à la vie. Selon la foi chrétienne, Dieu n’a pas laissé son Fils crucifié aux mains de la mort. « Dieu a ressuscité », « Dieu a glorifié »,
« Dieu a relevé » de la mort − tels sont les termes utilisés en grec par le Nouveau Testament − celui qui a donné sa vie par amour pour son Père et pour les hommes.
Pour les chrétiens, cette victoire sur la mort concerne toute l’humanité. « Nous le savons, celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus, nous ressuscitera nous aussi avec Jésus »,
écrit Paul aux Corinthiens (2 Co 4, 14). Cette annonce d’une vie surabondante, plus forte que la mort, est le salut, la « bonne nouvelle » fêtée à Pâques. (http://www.la-croix.com/)
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