Saint Louis : exemple du chrétien engagé dans son siècle
L’année 2014 marque le 800e anniversaire de la naissance de celui qui exercera comme Roi de France pendant 35 ans. Au cœur des options religieuses et politiques du Moyen Age aujourd’hui complètement dépassées, Louis IX demeure le modèle même de la manière du chrétien de s’engager dans la cité des hommes au nom de sa foi, afin de contribuer à la construction de la société. Pour nous inspirer de lui dans le contexte d’aujourd’hui, retenons qu’au cœur de l’exercice de ses responsabilités familiales et politiques, Saint Louis a nourrit une spiritualité chrétienne qui a inspiré ses actions, un attachement indéfectible à son église dont il se fit le serviteur dévoué, une attention et un service aux plus pauvres de son royaume, un ensemble de qualités qui font de lui un modèle du politicien et du chrétien.
Défi majeur de notre siècle:
Ainsi, au fil des siècles, le chrétien cherche toujours à s’inspirer de sa foi pour s’engager dans la construction d’une société de paix, de partage où chaque personne a les moyens de son développement intégral. Dans le siècle où nous sommes, le défi majeur auquel le monde a à faire face c’est le vivre ensemble harmonieux, dans la diversité des religions et des cultures. Ce n’est certes pas l’actualité mondiale secoué par les atrocités en Irak et en Terre Sainte, dans certains pays d’Afrique qui me démentira ! Reconnaissons hélas que les 14 premières années du troisième millénaire se sont ouvertes sur des menaces d’intolérances politico-religieuses débouchant sur des conflits souvent sanglants, devenus incontrôlables au niveau international et que le fondamentalisme religieux, en particulier islamique, devient explosif. Au niveau de notre pays souvent flatté pour sa co-existence pacifique, nous cachons bien souvent un communalisme religieux et culturel, pourtant bien présent et bien agissant. J’en apporte deux témoignages : le rapport de la Commission Vérité et Justice regrette qu’il n’y ait pas eu depuis l’Indépendance, de programme d’éducation à l’inter-culturel pour construire la nation. Le père Goupille, président du Conseil des religions, le souligne également dans une récente interview et met en exergue les difficultés d’un véritable dialogue inter-religieux à l’Ile Maurice. Il dit notamment ceci : « Il y a à ce jour une grande indifférence par rapport à la religion de l’autre. Il n’existe aucun programme qui permette de découvrir correctement celle de son voisin. On apprend les langues mais pas les religions ». C’est pour cela que Le Conseil des Religions a proposé pour la deuxième année à l’UOM, la formation « Peace and Inter faith ». Au sein de l’Eglise, le Centre de Pont Praslin offre depuis 20 ans, des sessions de connaissances inter-religieuses qui ne sont malheureusement pas assez connues. Il faut reconnaître qu’un dialogue pour construire une société de paix devrait dépasser les simples prières inter-religieuses l’espace d’événements ponctuels.
La contribution des religions v/s l’Etat séculier
Ce défi du vivre ensemble inter-religieux et inter-culturel s’appelle chez nous : construire le mauricianisme. Or dans cette construction nationale d’un mauricianisme, ceux et celles qui défendent l’Etat séculier voudraient éliminer les religieux de la sphère publique en les renvoyant à leurs sacristies, mosquées et temples. Se pose alors la question à nous religieux : nos religions ont-elles les ressources spirituelles et théologiques pour apporter leur contribution dans les défis majeurs du monde d’aujourd’hui ou doivent-elles se cantonner à la prière pure sans aucun impact dans la société, comme le voudrait les apôtres de la société séculière qui nous disent que nous faisons de la politique à chaque fois que nous parlons des problèmes de société ? Il est vrai que les extrémistes religieux disqualifient les religions quand leurs fondamentalismes ne sont pas dénoncés par les co-religionnaires modérés ! Cependant il faut le dire haut et fort : les conflits inter-religieux les plus médiatiques et sanglants n’ont pas pour origine des divergences théologiques entre religions mais sont le résultat de l’utilisation politique des religions, souvent avec la complicité des religieux eux-mêmes! Reconnaissons même une instrumentalisation mutuelle de la politique et de la religion : l’une se servant de l’autre à des fins électoralistes pour les uns et « roderboutistes » pour les autres ! Si on dénonce avec raison l’ingérence des religieux dans la politique de parti, il faudrait tout aussi bien dénoncer l’ingérence des politiques dans la religion… avec la complicité de certains religieux il est vrai !
Ceci étant, sans donner des leçons aux politiciens, puisque nous nous inspirons d’un roi qui a puisé de sa foi religieuse une énergie pour construire la société,
Il revient à nous, religieux, de démontrer à ce siècle notre capacité de mettre nos ressources spirituelles, théologiques, et d’engagement social au service de la construction de la paix et de la cohésion sociale chez nous, donc du mauricianisme.
Il revient à nous, religieux modérés, de ne pas laisser les fondamentalistes extrémistes mener notre monde à sa perte comme en témoigne ce qui se passe en Irak, en Syrie, et en RCA et ailleurs.
Il revient à nous, religieux, de montrer à ce siècle que la diversité culturelle et religieuse, loin d’être une menace pour la cohésion sociale, est une source d’enrichissement pour construire la civilisation de l’amour.
KLEOPAS : des laboratoires de dialogue inter-religieux et culturels
Devant cet énorme défi, l’Eglise catholique à Maurice s’est lancée depuis 2013 dans un travail de révision de sa mission dans les paroisses, les familles et les écoles. Comment faire de nos 63 institutions scolaires des laboratoires de dialogue inter-religieux et culturels. C’est sur les bancs de l’école que se construit la connaissance juste de l’autre dans sa différence, condition pour un dialogue fructueux et constructif de solutions. Le projet Kleopas est une démarche de l’Eglise Catholique à Maurice qui veut faire une révision de sa présence dans la société en regard aux défis majeurs posés au monde d’aujourd’hui. Cette révision de sa mission et de son identité n’a pas pour but de remettre en question ses engagements dans le sens où l’Eglise douterait d’elle-même et voudrait se retirer ! Non ! Il s’agit pour elle, en revisitant les fondements bibliques, théologiques de ses engagements dans la société, de prendre acte des défis que pose ce siècle avec ses immenses transformations, aux familles, à l’école et à la société. Il s’agit d’un long processus qui durera 4 ans, de 2013 à 2016. 15000 personnes consultées en ce moment dans les familles, les paroisses et les écoles ; un discernement pendant l’année 2015 et la définition de propositions de nouvelles manières de faire début 2016. Dans notre engagement de plus de 150 ans dans l’éducation, là où nous travaillons le plus en direct avec nos compatriotes de religions et de cultures différentes, nous nous sommes fortement inspirés des directives de la Congrégation du Vatican pour l’Education Catholique qui elle-même, avec ses 209670 écoles et ses 57,7 millions d’élèves dans le monde, se trouve confrontée aux défis mondialisés de la pluralité croissante des sociétés modernes. L’éducation catholique se trouve ainsi engagée à « rendre possible la coexistence entre la diversité des expressions culturelles et promouvoir un dialogue qui favorise une société solidaire et pacifique non seulement sans abdiquer son identité mais en y puisant ses inspirations ».
Comment entrer dans un véritable dialogue qui permet une saine intégration des différentes cultures, sans qu’aucune ne se sente méconnue et que toutes soient valorisées, capables d’apporter sa contribution ? Comment faire des écoles catholiques un lieu privilégié́ d’apprentissage aux diverses modalités du dialogue entre jeunes de cultures et de religions différentes ? Tous les enfants et les jeunes doivent y avoir la possibilité d’accéder à leur propre religion et aux éléments caractéristiques des autres religions. Telle sont les questions majeures auxquelles répondra l’école catholique de demain. Elle prendra ses distances de deux approches, l’une relativiste qui prône la neutralité et la tolérance mais sans chercher à promouvoir l’échange fécond entre les cultures. On co-existe pacifiquement sans se rencontrer vraiment. L’autre, assimilationiste, qui accepte la différence à condition que les cultures minoritaires fassent l’effort de s’adapter à la culture dominante, à forte prétention universaliste. L’école catholique privilégiera l’approche inter-culturelle dans une perspective éducative qui implique un dialogue réel et fécond, en favorisant la transformation réciproque, et rend possible le vivre ensemble en réalisant l’intégration des cultures dans la reconnaissance mutuelle.
Afin de réaliser cet immense défi, nous puisons dans nos convictions théologiques que toute personne humaine créée à l’image et à la ressemblance de Dieu est essentiellement un être de relation : une personne-communion ouverte et tournée vers ce qui est autre que lui. Elle ne se comprend et ne s’épanouit que dans un rapport d’amour marqué par la différence.
Le cheminement Kleopas donne aujourd’hui l’opportunité à l’école catholique d’entrer résolument sur la voie de l’interculturel et contribue à faire advenir la « civilisation de l’amour » en terre mauricienne.
St Louis, toi qui a puisé dans ta foi chrétienne le courage prophétique d’être un roi serviteur, donne nous aujourd’hui de puiser dans cette même foi le même courage pour que aujourd’hui, nous soyons des semences de la construction d’un mauricianisme respectueux des différences culturelles et religieuses.
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