Le sabbat terminé Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques et Salomé achetèrent des parfums pour aller embaumer le corps de Jésus. De grand matin, le premier jour de la semaine, elles se rendent au tombeau dès le lever du soleil. (Mc.16, 1-2)
L’action des femmes, au matin de Pâques, s’empressant d’aller embaumer le corps meurtri de Jésus au saint sépulcre, jette une lumière pastorale sur le scandaleux trafic des cadavres et la violation des tombes qui défraie l’actualité. Elle nous plonge au cœur de la foi chrétienne qui attache une importance capitale au respect du corps humain et au lieu où il gît. Car de même que Jésus est ressuscité dans son corps, de même quand adviendra le Jour de gloire, nous ressusciterons dans notre corps. Tel est le fondement de l’espérance chrétienne traduite dans toute célébration liturgique d’enterrement où le corps enseveli du défunt, du domicile au tombeau en passant par l’église, bénéficie de toutes les révérences.
On mesure ainsi l’outrage qu’occasionnent ces vils trafics du manque de respect dû à ces corps, démembrés parfois, qui se sont retrouvés sans consentement aucun dans les laboratoires des écoles de médecine. Nous pouvons d’autre part imaginer l’effroi des proches qui ont retrouvé le corps de leur défunt dépouillé et jeté en plein air près de son caveau au cimetière de Bois Marchand. Des deux côtés, nous ressentons les effets réels d’un viol et d’une profanation. Il s’agit maintenant de procéder à un travail de réparation tant du côté des défunts, que du côté des vivants qui se trouvent cette fois-ci confrontés à un deuxième deuil. Pour réaliser ces actes de réparation ou de réconciliation, l’Église prévoit, tant dans ses lois que dans ses rituels, certaines procédures canoniques et liturgiques. Elles prennent en général une tonalité pénitentielle suite à la remise en état de ce qui a été souillé.
Dans le cas des cadavres retrouvés illégalement dans les écoles de médecine — à l’issue de l’enquête policière qui doit établir les faits et traduire les présumés coupables devant une cour de justice —, il revient entretemps aux membres des familles et à l’autorité religieuse à laquelle cette personne appartient de lui accorder des funérailles dignes. Il n’y a aucune interdiction de passer à l’église, si les conditions sanitaires de transfert des restes sont réunies. On peut aussi directement aller au cimetière et procéder sur place à une célébration liturgique prévue dans le rituel d’enterrement à la rubrique des circonstances exceptionnelles. La prière prendra une note pénitentielle en mémoire du corps supplicié du Christ en croix. Elle restera axée sur l’espérance de la résurrection du corps et implorera la paix éternelle pour cette personne dans sa nouvelle demeure.
En ce qui concerne les tombes saccagées et les dépouilles profanées, il importe de réagir promptement et de réparer au plus vite les dégâts après avoir porté plainte à la police. Un temps de prière, animé par des acteurs liturgiques de la pastorale des funérailles, sera conduit au cimetière. Cette prière prendra la forme d’une grande demande de pardon pour avoir troublé la paix de la dernière demeure et pour avoir souillé l’humanité par un acte de profanation. L’on aspergera la tombe de l’eau bénite et l’on conclura par un cantique d’espérance en la résurrection. L’on fera aussi dire des messes à l’intention du défunt pour le repos de son âme.
Quant aux proches vivants amenés à constater le corps de leur défunt déterré et profané, ils sont confrontés à un traumatisme à la fois psychologique et spirituel. Il s’agit pour eux maintenant d’entrer dans un deuxième deuil encore plus douloureux. Ils seront en effet hantés par ces images horribles. Ces visions s’avèrent plus insoutenables dans les cas des personnes adonnées au culte et à l’hommage des ancêtres. Un sentiment de culpabilité pèsera sur eux. Ils nécessitent alors un accompagnement et un soutien psychologique. Il importe aussi de les laisser exprimer leur révolte et d’interpeller vivement les autorités censées garantir la surveillance et le respect du cimetière.
De son côté, l’Église à travers les acteurs de la pastorale de compassion peut proposer un accompagnement spirituel à la famille. Ceci prendra la forme de visites et de temps de prière de consolation à domicile sur une base régulière, surtout aux jours d’anniversaire. Participer aux messes de trentaine (30 messes) dites à l’intention du défunt pour laver l’injure, participe aussi au processus de deuil. Et enfin, il faudra aussi entourer les proches lors des visites au cimetière, car ce lieu est désormais pour eux un espace de désolation, voire d’abomination. Par ailleurs, le 2 novembre, jour de commémoration des fidèles défunts, peut être un jour propice de réconciliation avec toutes les tombes visitées et fleuries.
Enfin, ces événements malheureux ont l’intérêt de réveiller la conscience publique et d’interpeller les autorités compétentes sur leur devoir d’assurer la sécurité et la surveillance des lieux où nos défunts attendent de reposer en paix. Nous sommes tous tenus de veiller à l’application stricte de la règle intangible du respect aux défunts. Si de notre vivant, nous ne l’affirmons pas haut et fort, ce n’est pas au fond de la tombe que nous pourrons le faire. Et notre tour viendra…
Alain Romaine
Responsable de la Pastorale des funérailles
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