La présence des Filles de Marie sur le sol mauricien depuis 150 ans est un des grands cadeaux que, dans sa Providence, le Seigneur a fait au Diocèse de Port-Louis et à l’Ile Maurice toute entière. Cependant, la valeur de ce cadeau ne se mesure pas d’abord à la longueur du temps passé chez nous par les Filles de Marie, ni au nombre d’œuvres créés par les Filles de Marie, ni à la quantité de sœurs qui ont séjourné à Maurice pendant 150 ans. Sa valeur se mesure plutôt par la qualité de la vie vécue par les sœurs au milieu de nous depuis 150 ans.
– une vie toute donnée à « Jésus Seul », cette devise des Filles de Marie dit de manière simple, mais si profonde, tout le sens, toute la beauté de leur vie consacrée animée par un amour simple mais fort.
– une vie fraternelle entre sœurs de toutes conditions sociales et de toutes nationalités.
– une vie au service des pauvres de diverses façons selon les besoins.
c) Le charisme, i.e la grâce d’origine qui a été faite aux Filles de Marie à la Réunion en 1848 et qu’elles sont venues partager avec nous en 1864 est merveilleusement décrit par le prophète Isaïe aujourd’hui : « Si tu fais disparaître de ton pays le joug, le geste de menace, la parole malfaisante, si tu donnes de bon cœur à celui qui a faim, et si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera comme la lumière de midi. Le Seigneur sera toujours ton guide. En plein désert, il te comblera et te rendra vigueur. Tu seras comme un jardin bien irrigué, comme une source où les eaux ne manquent jamais ».
- Cette grâce du début de la congrégation était comme une source d’eau vive qui a jailli du cœur de Jésus, a irrigué la vie de la Fondatrice, a irrigué les jardins des communautés, de leurs œuvres, de leur entourage depuis 150 ans.
Quelle est cette source ?
a) Cette grâce-source c’est d’abord la grâce qui pousse Aimée Pignolet de Fresnes à quitter une vie familiale confortable, protégée pour se consacrer à Jésus Seul pour la vie.
Cette manière prophétique de reconnaître qu’en Jésus Seul est notre salut a engendré chez les Filles de Marie, cette joie simple et rayonnante qui laisse entendre qu’elles n’ont besoin de rien d’autre que Jésus Seul pour vivre heureuses. Le bonheur de croire en Jésus, de se donner à lui pour la vie, ce bonheur qui rayonne à partir de ce qu’elles sont, donne envie d’être partagé.
b) Cet attachement de Sr Madeleine à Jésus seul a été, dès le début, la source de la force intérieure et du courage qu’il a fallu pour aller à contre courant de la société coloniale de l’époque. Cette société qui, sortait à peine de l’esclavage légal, était encore marquée par des préjugés et des discriminations terribles à l’encontre des noirs. Sœur Madeleine, dans un geste prophétique fort, a décidé que dès le début, ses sœurs, quelles soient blanches ou noires, qu’elles soient issues du milieu possédant ou de familles d’anciens esclaves, vivraient ensemble, sur pied d’égalité, comme des sœurs dans une même famille, sans privilège pour personne. Cette prise de position claire, inscrite non pas dans de grandes déclarations, mais dans le langage concret d’une vie quotidienne partagée a fait un bien immense sans avoir besoin d’aucun tapage médiatique. Comme une eau vive discrète mais efficace, cette vie fraternelle, joyeuse a irrigué les sociétés de nos îles qui pâtissaient sous l’influence des préjugés racistes.
c) L’attachement de Sœur Madeleine de la Croix à Jésus Seul lui a aussi donné le modèle, l’inspiration forte pour une vie au service des plus pauvres.
Ce service désintéressé, gratuit, adapté à des situations les plus diverses, vécues souvent dans l’ombre, a aussi beaucoup contribué à irriguer nos sociétés, qui étaient comme des jardins qui manquaient d’eau allaient se desséchant.
Comme dit Isaïe, cette source est une source dont les eaux ne manquent jamais puisqu’elle vient de Jésus Seul. C’est pourquoi toujours rester en contact avec elle revêt une telle importance dans la vie personnelle des sœurs comme dans la vie des communautés, de la congrégation.
- Cette grâce du début, cette source jaillissante a été tellement forte que, très vite, elle a cherché à partager son eau dans la direction de l’Ile Maurice ; Comme vous savez, la société mauricienne de l’époque elle aussi était comme un jardin pas très verdoyant et il avait bien besoin d’un peu de cette eau vive.
C’est le Père Laval qui, en fin observateur, a tout de suite remarqué la valeur de la nouvelle congrégation qui venait de naître à la Réunion. Il allait se reposer à la Rivière des Pluies et c’est là qu’il a connu les Filles de Marie. Il demande alors à Mgr Collier de les faire venir à Maurice. Il y a eu quelques tergiversations, mais heureusement que la vision prophétique du Père Laval a prévalu et les Filles de Marie sont arrivées. Elles avaient d’abord participé à l’effort de l’Eglise qui, à cette époque, créait des écoles primaires gratuites pour les pauvres partout dans les campagnes.
Les Filles de Marie, en même temps que les BPS qui, elles aussi, participaient à cet effort, ont beaucoup contribué à la création de ce premier réseau d’écoles primaires qui est à l’origine des Ecoles RCEA d’aujourd’hui.
C’est dans une de ces écoles crées par les Filles de Marie à Bel Air que Sir Seewwoosagur Ramgoolam âgé de 7 ou 8 ans a été accueilli gratuitement, et a pu faire ses études primaires.
Après ces débuts dans l’éducation, les Filles de Marie ont vite diversifié leurs œuvres pour répondre, dans la mesure de leurs moyens, aux nouveaux besoins qui se manifestaient. C’est ainsi qu’elles ont été très présentes dans les paroisses, qu’elles ont ouvert des orphelinats, des hospices et finalement la crèche du Saint-Cœur-de-Marie à Quatre Bornes, sans tambour ni trompette.
Les Filles de Marie ont aussi été envoyées en mission au-delà de la Réunion et de Maurice – à Rodrigues, à Madagascar, à Bagamoyo, aux Seychelles.
- Il faut croire que la grâce d’origine des Filles de Marie à l’origine, peut encore attirer des jeunes filles mauriciennes, rodriguaises aujourd’hui.
a) Regarder l’Evangile d’aujourd’hui :
– Jésus appelle Mathieu, un publicain, un collecteur d’impôt, fonctionnaire au service des Romains, la puissance coloniale d’alors. Cet appel va à contre courant des préjugés des juifs de son époque. De plus cet appel ne s’adresse pas à un homme convenable mais à un pécheur public.
– Jésus n’a pas peur d’aller à contre courant dans la proposition qu’il lui fait. Sa pastorale des vocations est un peu déroutante ; il appelle des pécheurs, des personnes que personne ne pensait qu’elles pourraient être intéressées à le suivre.
– Et cependant, il y avait une attente chez Mathieu et Mathieu l’a suivi.
b) Aujourd’hui nous aussi nous sommes invités à vivre notre charisme avec confiance, même et surtout s’il va à contre courant. Il faut faire confiance à la valeur de ce charisme. Et faire confiance aussi aux jeunes d’aujourd’hui. Il y a des attentes chez eux pour une vie plus authentique, basée sur des valeurs plus sûres. Ils veulent vivre pleinement leur vie de jeune en la donnant totalement à Jésus Seul.
Ce n’est pas contradictoire : il faut faire confiance à leur soif d’authenticité, à leur désir d’une vie fraternelle forte, à leur vision de service à rendre aujourd’hui.
Cet anniversaire est un appel fort à un retour à la source, la source d’eau vive qui a donné naissance à la Congrégation. Un retour dans l’action de grâce, un retour dans une grande confiance. Cette capacité de cette eau vive, toute simple, toute discrète, a donné une vie nouvelle à de jeunes plantes de tant de jardins à la Réunion, à Maurice, dans les îles de l’Océan Indien. Pourquoi pas aujourd’hui ? C’est le même Seigneur qui appelle aujourd’hui. Seul son amour peut donner sens à nos vies. Faisons lui confiance.
Cathédrale St Louis le 8 mars 2014
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