Le monde célèbre ce samedi 8 mars la Journée mondiale de la femme. Cette journée est teintée cette année à Maurice de deuil. Rien qu’en ce début 2014, pas moins de cinq femmes sont mortes sous les coups d’un époux, d’un compagnon, ou d’un ex… Et ce n’est que la partie visible de l’iceberg…Un travail tridimensionnel est à faire, estime la psychosociologue Mélanie Vigier de Latour-Bérenger ; institutions, éducation et personnel. Le « pa moi sa, li sa », ou « bann-la bizin gete », est loin d’être une attitude qui conduira à un meilleur respect de la femme, à un meilleur encadrement de celles victimes de violence, ou encore à un refus de la violence au quotidien. Alors que les récits de ces femmes mortes sous les coups d’un mari, d’un compagnon ou d’un ex, figurent dans la rubrique « faits divers », la violence contre la femme est un grave problème de société.
Ainsi, selon le Bureau central des statistiques, pour l’année 2012, 1 760 cas de violence domestique ont été rapportés au ministère de l’Égalité des genres. Parmi, 89,2% concernait des cas où les femmes étaient victimes. De ces cas rapportés, 31% étaient liés à de la violence physique, 18% à de la violence verbale − sous forme de maltraitance, d’humiliation, de harcèlement et d’abus − et 16 % de menaces/intimidations.
Au niveau mondial, selon les Nations-unies, « le viol et la violence conjugale représentent un risque plus grand pour une femme âgée de 15 à 44 ans, que le cancer, les accidents de la route, la guerre et de paludisme réunis ». Et que « au moins une femme sur trois est battue, victime de violence sexuelle ou autrement maltraitée par un partenaire intime au cours de sa vie » (source : [http://www.un.org/fr/events/endviolenceday/factsheets.shtml]).
En effet, le spectre de la violence conjugale est plus près des gens que l’on ne croirait. Qui n’a jamais eu une mère, une tante, une cousine, une amie qui avait un compagnon, un mari, avec « enn karakter inpe so »… Les enfants pas baignés à l’heure voulue, le dîner pas à son goût, un éclat de rire trop fort avec un cousin lors d’un rendez-vous familial, un retour à la maison un peu plus tard que d’habitude après le travail, et voilà que pleuvent les insultes, les cris, ou les coups.
Pire encore, face à ces violences – qu’elles soient psychologiques, verbales ou physiques et sexuelles – qui n’a jamais entendu ces sempiternelles excuses : « Parfoi li inpe insinifian me li enn bon mari ; zame mo zanfan finn dormi san manze » ; « to kone so karakter kouma ete… so koler dan bout so nene ; pa pran kont » ; « li fatige, li strese, lalkol ki pe koze » ; « ki skandal to pe fer akoz enn ti klak »… Ou encore, « je suis jaloux parce que je t’aime » ; « l’idée qu’un autre homme puisse s’approcher de toi, peu importe qui, me rend fou » ; « oui, aujourd’hui c’est un sourire et un bonjour… Demain il y aura quelque chose entre vous. Je veux que tu l’ignores… Il n’y a rien de plus important que nous deux ».
Si la violence – qu’elle soit physique et sexuelle, psychologique ou verbale – est souvent justifiée, tant par l’agresseur que par la victime qui finit presque par la normaliser, pour la psychosociologue Mélanie Vigier de Latour-Bérenger, « sauf dans certains cas où la violence peut être pathologique, dans la grande majorité des situations, elle est un choix d’action et une absence de contrôle de soi. C’est le moyen qu’a choisi l’agresseur pour être en relation. Et ce mode de relation conduit à la dépersonnalisation de l’autre. La femme perd confiance en elle, tant elle est dévalorisée. Elle a été isolée de ses amis, de sa famille, souvent de son activité professionnelle car l’agresseur ne veut pas qu’elle soit financièrement autonome, et ce, pour pouvoir encore mieux la contrôler. Elle n’arrive plus à réfléchir et à prendre des décisions seule, se sent perdue, devient dépendante ».
Ainsi, dans les cas de violences conjugales, il ne s’agit pas d’un dérapage ponctuel. « Selon le psychologue Leonore Walker (1979), la violence de couple est en trois phases. La phase de tension, de violence physique et de lune de miel », explique notre interlocutrice.
Dans un premier temps, il y a les silences hostiles, les insultes, les jurons. Puis arrive la violence : verbale, psychologique, physique, sexuelle. Puis la phase lune de miel : un rapprochement, des excuses et des cadeaux. « Plus ce cycle se répète, plus la violence gagne en intensité », souligne Mélanie Vigier de Latour-Bérenger. « La victime essaie à chaque fois de justifier ces actes de violence, car l’agresseur est une personne qu’elle aime et que cette phase lune de miel fait qu’elle croit qu’il va changer. Ainsi son seuil de tolérance à la violence augmente. »
L’un des facteurs qui conduit à la violence dans le couple est l’incapacité pour les conjoints violents à mettre des mots sur leurs sentiments. « Une personne qui a passé une mauvaise journée au travail et qui est en mesure de le dire ouvertement en rentrant chez elle est immédiatement beaucoup plus détendue. Mettre ses sentiments en mots permet de relâcher la pression », explique-t-elle. « Mettre des mots sur notre ressenti au lieu de le traduire en actes s’apprend et se transmet. »
Lueur d’espoir heureusement depuis 2012… « Nous avons la chance d’avoir le programme Les Amis de Zippy des écoles primaires catholiques et privées à Maurice, et catholiques et d’État de Rodrigues. À travers cette formation, les enfants apprennent, entre autres, à dire leurs sentiments et à faire face à certaines situations problématiques. Ils développent leurs habiletés sociales. Les résultats sont très concluants. Il faut absolument l’étendre sur le plan national. Il est très positif pour les enfants, les familles de ces enfants et pour les enseignants qui l’animent (et en plus, chaque session est détaillée, cela ne demande donc pas un travail très important en amont) », explique Mélanie Vigier de Latour-Bérenger.
Pour notre interlocutrice, dans l’espoir de vaincre la violence domestique, il est aussi essentiel de condamner toute forme de violence au quotidien. Une responsabilité qui revient à chaque citoyen, à chaque parent et éducateur. « On ne peut pas dire à son enfant de ne pas être violent si nous-mêmes nous en faisons usage à travers une gifle, une raclée, des mots… On ne peut pas être contre la violence mais rire d’un sketch où un des protagonistes se fait taper dessus… On ne peut pas dire à son enfant que la violence a des conséquences importantes et fait souffrir tout en lui permettant de regarder des films, jeux-vidéos et dessins animés où les héros font usage de violence, sans être auprès d’eux pour critiquer ces actes… » Il est capital d’être cohérent en joignant le geste à la parole.
Apprendre à tous le respect de l’autre indépendamment de son sexe est aussi essentiel, estime la psychosociologue. « Que sommes-nous en train de transmettre
à nos enfants ? Quand le garçon est servi à table, et la fille affectée aux taches ménagères, en faisant la cuisine, etc. Ceci sous prétexte que c’est son rôle de fille. Qu’une femme n’a aucune aide de l’homme dans la maison. Qu’il exige que son repas soit prêt, ses vêtements repassés, etc., et que souvent l’environnement social cautionne, bien à tort ! »
C’est aussi aux parents de savoir éduquer leurs enfants. « De prôner l’égalité des garçons et filles en tant qu’êtres humains méritant le respect, la considération. Valorisant la répartition des rôles, des tâches ménagères, etc. Enfin, pour Melanie Vigier de Latour-Bérenger, il faut aussi qu’il y ait plus d’infrastructures, et plus de budget pour les infrastructures existantes afin de venir en aide aux femmes victimes de violence domestique. « La femme est plus en danger quand elle décide de quitter la personne qui lui fait subir de violence. Il est donc essentiel qu’elle dispose d’un lieu d’accueil lui garantissant la sécurité et un encadrement approprié. »
Ainsi, s’il existe à Maurice une ONG visant à venir en aide aux femmes victimes de violence conjugale et à leurs enfants (SOS Femmes), et un cadre légal ainsi que des
ordonnances de protection via le Protection from Domestic Violence Act 1997, il reste encore du chemin à parcourir, notamment en termes de sensibilisation à la violence, à ses conséquences graves et aux ordonnances de protection auxquelles les victimes ont droit. « Nous pouvons tous œuvrer pour apporter un profond changement de mentalité où primera le respect de soi, de l’autre et de l’environnement. Et pour dénoncer toute forme de violence, avoir recours à la police pour protéger une personne victime. »
Martine Théodore-Lajoie
Patricia Rose : « La haine est contraire à ma foi »
à peine après avoir franchi le seuil de cette maison curepipienne, une grande photo vous interpelle. Celle d’une fille au sourire radieux et aux yeux pétillants. Celle de Rachelle Rose, morte le 26 janvier dernier. Sa mère, Patricia, a choisi de transformer sa douleur en force. Une force qui la pousse à interpeller la société sur la violence faite aux femmes.
Du jour au lendemain, Patricia Rose, couturière divorcée qui vivait seule avec ses deux enfants – Rachelle et Michael – est sortie de l’ombre. Elle aurait sans aucun doute souhaité ne pas avoir à vivre cela. Mais la vie semble en avoir décidé autrement. Le dimanche 26 janvier, son monde a basculé. « Rachelle m’avait dit qu’elle partait chez sa demi-sœur. Quand la nuit a commencé à tomber et qu’elle ne rentrait pas, je me suis inquiétée. Plus grande a été mon appréhension quand j’ai appris qu’elle m’avait menti. Et puis il y a eu ce coup de téléphone de la police. L’officier m’a demandé mon âge et si j’étais seule à la maison… Puis il a voulu parler à mon fils… Et voilà comment on a su que Rachelle avait été tuée. »
Patricia Rose parle de sa fille, de sa mort, avec un calme qui interpelle. Et cela fait un mois à peine que le drame s’est joué. Un mois depuis qu’elle essaie, à sa manière, d’apprivoiser le vide laissé par sa fille. « Rachelle était pleine de vie. Elle était intelligente, aimait écrire. D’ailleurs, elle attendait sa réponse pour aller étudier le journalisme en France. Son père y est et il se faisait une joie de l’accueillir (…) Je la revois assis dans le fauteuil à regarder la télévision (…) Vous sentez bien qu’elle n’est plus là. Et pourtant, vous auriez tant aimé qu’elle y soit, qu’elle me prenne dans ses bras… Il ne me reste que des photos d’elle. Ça fait mal, très mal… »
Le garçon qui a ôté la vie à sa fille, Patricia Rose le connaît. « Il a mangé chez moi. Il nous est arrivé de rire ensemble. » Les deux jeunes se connaissaient depuis le collège. « Ils s’aimaient… Mais moi, il y avait toujours quelque chose chez lui qui me mettait mal à l’aise et que je ne pouvais comprendre. »
« Je confie Rachelle à Marie »
Les mois qui suivirent le début de cette idylle donnèrent raison aux intuitions de Patricia Rose. « Ce garçon se montrait possessif. Rachelle avait fini par couper les ponts avec ses amis. Elle avait par la même occasion perdu sa joie de vivre. Elle trouvait tout le temps des prétextes pour ne pas rester dans un travail. Et passait tout son temps chez lui. Elle ne m’a jamais dit qu’il la battait… » Cette relation a duré deux ans environ. De nouveau libre, Rachelle se reconstruit, selon sa mère. Et rencontre même quelqu’un d’autre… Tout va pour le mieux jusqu’au mois de janvier de cette année.
La réapparition de cet ex, et le drame…
Après le choc de cette violente disparition, les nombreuses larmes versées, Patricia Rose se pose aujourd’hui beaucoup de questions. Et elle ne cache pas le fait de s’être sentie coupable et responsable à un moment donné. « Est-ce qu’il y a des choses que j’aurais dû avoir faites en tant que mère, et que je n’ai pas faites ? Est-ce que je n’ai pas été suffisamment présente ? » Mais pouvait-il en être autrement quand on a deux enfants à sa charge, un loyer à payer, une cuisine à rouler… « J’ai tout le temps été obligée de travailler. »
Ayant toujours eu une foi solide, c’est encore une fois dans la prière et dans la certitude que Dieu ne la laissera jamais seule, que Patricia Rose puise aujourd’hui la force d’avancer. « Avant, je priais pour l’éducation, la vie de mes enfants. Aujourd’hui pour Rachelle, je la confie à Marie, notre mère à tous. Je lui demande de s’occuper de ma fille ».
« J’ai de la pitié pour lui »
C’est sa foi aussi qui fait qu’elle ne ressent pas de haine à l’égard de celui qui a tué sa fille. « J’ai de la pitié pour lui. Il est vivant, jeune et en prison. Je ne pense pas que sa vie sera comme avant. Certains parlent de la peine de mort. Je n’y crois pas. Je ne crois pas dans le principe œil pour œil, dent pour dent. Je ne veux pas le haïr non plus. La haine rend faible. La haine est contraire à ma foi. Une religieuse m’a même conseillée de prier pour lui. Ce que je veux, c’est qu’il réponde de ses actes devant la justice. »
Parlant de ce dimanche fatidique, Patricia Rose dit être habitée par beaucoup de questions. « J’ai envie de savoir ce qu’il a ressenti quand il s’est acharné sur Rachelle. Comment a-t-il pu en arriver là alors qu’il disait l’aimer ? Où était passé son humanité ? » Au-delà de tout cela, Patricia Rose ne veut pas que la mort de Rachelle soit vaine. « Il y a tant de femmes qui ont été tuées cette année. Tant d’autres mortes avant. Je veux dire non à la violence contre la femme. » C’est ainsi que n’écoutant que son cœur de mère, elle se laisse habiter par un combat. Du coup, en environ un mois, Patricia Rose a participé à deux marches pacifiques : à Port-Louis et à Curepipe. Et elle répond aux invitations pour être présente à d’autres initiatives allant dans ce sens.
La mort de Rachelle fera-t-elle naître définitivement chez elle cette hargne de s’engager dans le combat contre la violence faite aux femmes ? Patricia Rose souhaite surtout interpeller et faire réagir. Ceci afin que d’autres femmes ne connaissent pas le même sort que Rachelle, et d’autres mamans, la même douleur qu’elle. « J’ai 57 ans. Et parfois
je me demande : pourquoi Rachelle ? Elle n’a pas connu le bonheur d’avoir une famille à elle, des enfants… Elle est morte alors qu’elle avait encore tant de belles choses à vivre. »
Martine Théodore-Lajoie
Il y a une chanson de Dalida et Alain Delon: je crois Paroles, Paroles. Excusez-moi d’etre cru, mais tout ce que subit les femmes, on en a rien a faire, blabla blabla. Tous les institutions, les autorites concernees, les personnes etc allant meme aux parents des victimes dans certains cas ce n’est qu’apres la mort d’une proche qu’on realise combien la victime etait torturee et souffrait, alors larmes et grincement de dent, colere, cri de vengeance. Et nous dedans quand cela ne nous concerne que par les nouvelles, nous sommes choques, horrifies, en colere, ecoeurer.Nous avons les reponses, les solutions, nous moralisons, nous banalisons.Et la redemmarre le debat de la peine de mort jusqu’a la prochaine statistique de victime.Parfois meme nous osons juge que les victimes ont cherches ces situations de drames. Au lieu de ma part de moraliser et de faire moi aussi du blabla, au lieu de parler au pluriel, c’est a la premiere personne que JE dois faire mon mea culpa et aussi me poser les bonnes questions au lieu de reponses toutes faites, car c’est une fille, une soeur, une mere dans chacunes des victimes et une vie c’est la chose la plus grave a ote. Au lieu de dire que moi c’est pas la meme chose je suis un bon vivant. La ou je suis en tant que personne, de ma place, ma fonction et ma responsabilite dans ma vie personnelle, dans ma famille, dans vie professionnelle, dans le pays, est ce que j’agit pour changer quelquechose face a ces drames? Est ce que je reflechis et recherche les causes? Est ce que c’est ma priorite de vivre dans une societe de respect et de dignite ou bien ma priorite est d’etre premier a tout prix et sans faire la queue, passer au dessus de l’autre, trouver que les petits delits comme bruler un feu rouge ou avoir la meilleure ecole pour mon enfant meme s’il faut tricher etc… c’est pas grave, c’est normal meme si c’est au detriment de l’autre. Du JE au NOUS, nous sommes dans un meme barque, si nous ne realisons pas le plus tot que nous avons un DEFI prioritaire, la construction de la vraie societe mauricienne humaine. Ces victimes ne sont pas des objets, des statistiques, des souffres douleurs, mais des etres humains qui avaient une vie, un reve, des ambitions qui avaient DROIT a la VIE, alors que JE sois un individu, surtout si JE suis un homme, surtout si JE suis une femme, si J’ai une fonction, si JE suis une institution, si JE suis une autorite, si JE suis une ONG, si JE suis une association,si JE suis une communaute,si JE suis une religion, si JE etc… je demande pardon aux victimes pour seulement mon choc, mon degout, ma colere,mon indifference, mon Parole et parole,mon blabla et mon semblant d’action .