Notre évêque, Mgr Maurice E. Piat, lance le projet catéchétique diocésain, baptisé Kleopas, ce 24 novembre, jour de la fête du Christ Roi, au pied du monument Marie-Reine-de-la-Paix. Kleopas est le nom d’un des deux disciples qui rencontre Jésus sur la route d’Emmaüs. Cette rencontre avec le Christ ressuscité les transforme et leur rend la vie, si bien qu’ils font demi-tour, regagnent Jérusalem pour annoncer la Bonne Nouvelle. De même, le projet Kleopas, c’est présenter Quelqu’un qu’on aime à quelqu’un qu’on aime. Présenter ce Jésus que nous avons rencontré, qui nous a donné un sens, un espoir, un goût de vivre aux gens qu’on aime. Pour entrer dans cette démarche, l’évêque convie tous les baptisés à revisiter leur propre histoire de foi. Ce projet s’étalera sur trois ans. Son objectif : rendre notre Église plus vivante, une Église missionnaire et servante pour les hommes et les femmes à Maurice. La Vie Catholique a rencontré Mgr Maurice E. Piat qui nous en dit plus sur le projet Kleopas.
L’Église célèbre la clôture de l’Année de la Foi. Quel bilan faites-vous de cette année ?
L’Année de la Foi ne nous est pas tombée comme quelque chose d’imposé de l’extérieur. Elle est venue rejoindre et comme confirmer tout un chemin qui avait déjà
commencé dans notre Église. Avant l’annonce de l’Année de la Foi, bien des initiatives pastorales avaient permis à de nombreux chrétiens éloignés de retrouver avec bonheur le chemin d’une foi personnelle au Christ. Parmi beaucoup d’autres exemples, de nombreux parents, après avoir suivi une session ou une retraite spirituelle, ont retrouvé les bienfaits d’une pratique régulière et ont pris l’habitude de prier et d’écouter la Parole de Dieu avec leurs enfants. C’est surtout dans le terreau de la famille que la petite graine de moutarde confiée à l’ouverture de l’Année de la Foi a commencé à germer et à porter du fruit.C’est aussi avec émerveillement que d’autres personnes ont découvert la beauté du Credo, traduit en créole pour l’Année de la Foi et présenté de manière active dans des sessions élaborées par le père Alain Romaine et mises en œuvre par le Foyer Fiat. Ou encore ceux et celles qui, ayant été réveillés à la foi, ont pu goûter aux conférences sur les Dix Commandements données par le père Flavio Caloï, ainsi qu’aux sessions sur Les Sacrements données par la Fraternité Shalom dans différentes paroisses. L’Année de la Foi voulait aussi célébrer le 50ème anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II. L’heureuse initiative du département de Théologie et de Pastorale de l’Institut Cardinal Jean-Margéot a permis de faire connaître le Concile à beaucoup de personnes. Et ce, sous différents aspects, à travers son histoire et ses documents. Ces sessions mensuelles au Montmartre leur ont ouvert les yeux sur le grand tournant pris par l’Église à l’occasion de ce Concile. Au-delà de ces nombreuses initiatives, des gestes de foi, simples mais de grande valeur, ont été posés dans la discrétion durant l’Année de la Foi. On ne peut en faire le bilan. Ce qui vaudrait la peine, c’est que nous puissions partager entre nous, en équipes ou en paroisses, ce qui a été vécu durant l’Année de la Foi.
Si on comprend bien, le projet Kleopas se présente comme un fruit de l’Année de la Foi ?
En effet, le projet Kleopas a été un des grands fruits de l’Année de la Foi dans notre diocèse. Un fruit d’autant plus précieux qu’il n’était pas programmé. Alors que quelques collaborateurs et moi réfléchissions ensemble sur la suite à donner à l’Année de la Foi, il nous est apparu de plus en plus clairement que tout ce qui avait déjà commencé à bourgeonner chez nous était en fait un début de réponse à l’appel de notre Synode diocésain qui nous demandait de donner priorité à l’annonce de Jésus-Christ. C’était en même temps une réponse à l’appel du pape Benoît XVI de s’engager dans une nouvelle évangélisation. Cette concordance entre l’appel qui monte de la soif spirituelle à la base, qui avait déjà résonné dans notre Synode, et qui était confirmée par le pape, nous a frappés. Nous y avons vu là comme une invitation à aller plus loin encore. C’est ainsi que le projet Kleopas est né et nous a mis en route.
Et quel sentiment vous habite alors que vous lancez le projet Kleopas dans notre diocèse ?
J’ai pris conscience qu’il fallait se jeter à l’eau et pousser vers le large. Il y aura sans doute beaucoup de passes délicates à négocier, mais le départ se fait avec enthousiasme, beaucoup d’élan et de confiance. Je suis très reconnaissant envers tous ceux et celles qui s’embarquent avec moi, en réponse à l’appel du Seigneur. J’avoue que vers la fin de mon épiscopat, je suis heureux de cette aventure qui s’annonce à la fois exigeante, mais aussi pleine de promesses.
Kleopas nous invite à reconnaître Jésus sur notre route, ce Jésus qui veut entrer en conversation avec nous tous. La Parole de Dieu nous aide grandement dans cette démarche. Qu’est-ce que l’Église compte faire afin de mettre les fidèles davantage en contact avec la Parole de Dieu ?
Oui, c’est grâce à un contact vivant avec la Parole de Dieu qu’on peut reconnaître Jésus comme un ami qui marche avec nous sur notre route. Le rencontrer ainsi est l’essentiel de la foi. C’est ce qui se passe dans toutes les sessions d’évangélisation, dans les parcours de formation et dans les différentes retraites spirituelles aujourd’hui dans notre diocèse. Je remarque avec bonheur que dans notre Église aujourd’hui, la Parole de Dieu retrouve sa place centrale. En nous faisant rencontrer Jésus comme une personne vivante, l’écoute de la Parole de Dieu nous fait passer, comme Kleopas, d’un certain découragement à la découverte de Jésus Ressuscité. Cette découverte suscite un désir de partager cette Bonne Nouvelle avec les autres.
En même temps, comment aider les fidèles à rechercher Dieu dans Sa Parole, à vivre la découverte de la Parole comme une présence vivante de Dieu qui nous parle et non comme un objet d’études ?
Quand on parle d’écouter la Parole de Dieu, il ne s’agit pas d’une étude, mais de se rendre disponible pour une rencontre personnelle avec Jésus Ressuscité. On ne peut pas programmer une rencontre personnelle comme on peut programmer un parcours d’études. D’où le rôle capital de ceux et celles qui ont déjà goûté à cette rencontre et qui, seuls, peuvent
inviter d’autres à se rendre disponibles pour s’ouvrir à une rencontre eux aussi. Comme dans l’Évangile, c’est le « venez et voyez », c’est le bouche à oreille qui répand la Bonne Nouvelle.
Lors d’une session de formation en juillet dernier, le professeur Henri Derroitte a souligné haut et fort que la famille est la pierre d’angle. Je le cite :
« Nous voyons combien la transmission de la foi est liée au système familial. Si celui-ci est vivant, la religion sera un ferment de cohésion et elle sera vécue comme tel par les enfants. » Votre réaction…
Le professeur Derroitte exprime en des termes contemporains la même conviction qui animait le père Laval lorsqu’il disait : « Si vous voulez de bons enfants, il faut faire de bons parents. » Je constate aujourd’hui le changement fondamental qui intervient dans une famille lorsque les parents redécouvrent la foi. Ce n’est pas qu’ils imposent à leurs enfants la foi qu’ils viennent de redécouvrir, mais leur témoignage parle, leur bonheur de croire est contagieux. Ce n’est pas par hasard que le Christ privilégie l’image de la semence qui pousse plus ou moins bien selon que le terreau où elle tombe a été bien préparé. La famille est comme un jardin qu’il s’agit d’entretenir en le binant, en l’arrosant, en enlevant les mauvaises herbes. Quand le jardin est bien préparé, la petite graine de moutarde a toutes les chances de germer et de porter du fruit.
Un des enjeux de Kleopas est aussi d’ouvrir le dialogue entre le monde scolaire et familial. Qu’avez-vous à ajouter ?
J’ajouterai que le dialogue à ouvrir est non seulement entre le monde scolaire et familial, mais aussi entre l’école, la famille et la paroisse. En effet, ce sont là les trois lieux où adultes, parents, enseignants ou animateurs paroissiaux sont appelés à témoigner de l’Évangile auprès des jeunes. Dans cette perspective, ce dialogue prend toute son importance. Car, encore une fois, l’annonce de l’Évangile n’est pas un programme à suivre, mais un témoignage à donner. Or, la cohérence est la première qualité du témoignage que les adultes doivent donner aux jeunes dans différents lieux. Du point de vue de l’enfant ou du jeune, savoir que ses enseignants, ses parents et les responsables de sa paroisse sont sur la même longueur d’ondes est une source de sécurité et une condition du développement humain et spirituel.
En même temps, le projet Kleopas vient concrétiser le souhait du Christ qui est de construire une vie d’Église fraternelle, tous et toutes frères et sœurs dans le Christ…
C’est vrai, la première condition pour témoigner de l’Évangile avec authenticité, c’est tout simplement que les chrétiens s’aiment entre eux. Cela paraît tout bête, mais c’est dessus que Jésus insiste au dernier repas, juste avant de quitter ce monde. Par exemple, il dit : « Si vous vous aimez les uns les autres, alors tous sauront que vous êtes mes disciples » (Jn13, 35).
Puis dans sa prière à la fin de ce même repas, il dit : « Que tous soient un afin que le monde croit que tu m’as envoyé » (Jn 17,21). Pour annoncer l’Évangile, rien n’est aussi parlant que l’amour fraternel à l’intérieur de la communauté chrétienne. Ce qui m’encourage beaucoup, c’est de voir la grande fraternité qui existe déjà entre tous ceux et celles qui s’engagent sur le chemin de Kleopas. Je souhaite de tout cœur que cette fraternité soit contagieuse et devienne de plus en plus « parlante ».
Cette fraternité, l’Église nous invite aussi à la vivre envers ceux qui vivent la précarité… ceux qui vivent dans les ghettos. Le pape François nous invite à aller
à la périphérie, à sortir de nous-mêmes, à ne pas rester dans le circuit de l’Église. À l’heure où vous lancez le projet Kleopas, comment est-ce que cette phrase vous interpelle ?
En effet, le pape François nous invite à sortir de notre enclos pour rencontrer nos frères et sœurs qui sont loin et les écouter. Car eux aussi ont des choses à dire. Cela me rappelle la fameuse question que le père Raymond Zimmerman aimait poser : « Est-ce les hommes qui se sont éloignés de l’Église, ou est-ce l’Église qui s’est éloignée de l’Évangile et n’arrive plus
à rejoindre les hommes ? » Cette question de Raymond Zimmerman fait écho à l’Évangile où Jésus répète souvent que beaucoup qui semblent être « dehors » de l’enclos prendront place à table dans le Royaume de Dieu avant ceux et celles qui croient qu’ils y seront admis d’office. « Ceux qui sont maintenant les derniers seront les premiers… » (Luc 13, 29-30).
Souvent, nos frères les plus pauvres qu’on rencontre peu à l’église vivent de l’Évangile autant, si ne n’est plus que nous. Dans le cadre du projet Kleopas, nous voulons les écouter eux aussi. Sommes-nous ouverts à ce qu’ils ont à nous apprendre ? Le pape François, lorsqu’il était archevêque de Buenos Aires, allait visiter les quartiers pauvres de la ville. Là, il rencontrait les pauvres, non pas comme des personnes à qui il devait apporter une aide, mais comme des personnes de qui il pouvait apprendre. Cette attitude du pape devra nous inspirer dans la mise en œuvre de Kleopas.
Le pape François nous rappelle aussi que le catéchiste est celui qui est la mémoire de la rencontre avec Dieu, et qui sait l’éveiller dans le cœur des autres, et non pas une personne qui met sa sécurité en elle-même et dans les choses. Comment entendez-vous cette phrase du Saint Père ?
Le ou la catéchiste n’est pas quelqu’un qui apporte le Christ aux autres. Le Christ est déjà présent dans le cœur de chaque homme et de chaque femme. Il est là parce qu’il désire très fort dire à chacun son amour personnel, un peu comme sur la route d’Emmaüs, lorsqu’il se fait proche de Kleopas pour se faire reconnaître.
La qualité première du catéchiste est de croire que le Seigneur est déjà à l’œuvre avant lui auprès de ceux et celles à qui il annonce l’Évangile. Il doit être témoin de cette présence du Seigneur et chercher à réveiller son interlocuteur à cette présence. Le catéchiste est appelé à être discret : il doit croire que c’est la rencontre avec le Seigneur, et non pas avec lui, qui transforme la vie de quelqu’un. Il doit simplement refléter la présence du Seigneur et s’effacer pour laisser la rencontre se faire.
En même temps, il n’y a pas que les catéchistes, tous les chrétiens sont appelés à partager la Bonne Nouvelle. Garder le message d’amour et de salut de l’Évangile pour soi, c’est aller à l’encontre de notre vocation de baptisé. Est-ce que l’Église réfléchit à un projet en vue d’encourager les fidèles à aller vers le partage ?
La première étape du chemin Kleopas, c’est de nous écouter les uns les autres, y compris ceux qui sont les plus éloignés. À la lumière de cette écoute, nous découvrirons à la fois que la Parole de Dieu transforme déjà beaucoup de personnes, mais aussi qu’il y a encore beaucoup de nos frères et sœurs qui restent sur leur soif. Il faut entendre leurs attentes pour imaginer ensuite comment les rejoindre dans les circonstances concrètes du monde contemporain. Les rejoindre les réveiller à la présence du Seigneur qui est déjà avec eux.
C’est ainsi que l’année 2014 sera consacrée à la première étape, celle de l’écoute. Durant la deuxième et la troisième étape du chemin Kleopas, nous réfléchirons aux moyens à prendre pour inviter chaque baptisé à aller plus loin dans le partage de la foi qui l’a rendu heureux.
Kleopas coïncidera finalement avec la fin de votre épiscopat. Doit-on comprendre que c’est un autre évêque qui élucidera les retombées des rencontres Kleopas ?
Le projet Kleopas n’est pas seulement mon projet. Il est né d’une réflexion commune et a été largement accueilli par les prêtres et les Forces vives du diocèse. Il est devenu le projet de notre Église. C’est vrai que dans un peu moins de trois ans, lorsque j’aurai 75 ans, la loi de l’Église prévoit que je présente au Saint-Père ma démission en tant qu’évêque de
Port-Louis. C’est au pape de décider alors s’il accepte tout de suite cette démission ou s’il me demande de rester encore quelque temps. L’Église, peuple de Dieu, est plus importante que les évêques qui ne sont là que pour servir cette Église pour un temps. C’est elle qui est appelée à durer ; nous, ses serviteurs, ne sommes que de passage. Le moment venu, nous devons passer le témoin avec sérénité et dans la confiance. Nous sommes un peuple en marche. Le chemin, Kleopas nous le rappellera constamment durant les années qui viennent. Ce qui compte, c’est de ne pas s’arrêter sur le chemin, mais de suivre fidèlement le Christ qui nous invite, comme il invitait Kleopas à lui faire confiance.
Propos recueillis par Sandra Potié
Kleopas seras une enseigment a presenter Le Christ dans notre vie quotidien. Dans notre temps actuel nous sommes tous concerne par les evenements qui derangent voir les scandales , la corruption, le deliquence et aussi la monte des sectes qui achetent la conscience.
Cessons d’être des chrétiens passifs. Cessons de regarder la vie comme un film et être des simples mangeurs de popcorn. Impliquons-nous et soyons missionnaires. En avant avec le projet KLEOPAS ! — http://j.mp/1jxGP7z