Le père Alain Romaine a été nommé par l’évêque, Mgr Maurice E. Piat, il y a trois ans pour développer une Pastorale des funérailles. Il nous en dit plus long sur cette nouvelle mission…(Dossier La Vie Catholique)
La Pastorale des funérailles est un terme nouveau dans notre Église. Pouvez-vous nous expliquer ce que c’est ?
Le mot « Pastorale » dans l’Église signifie une action responsable envers le peuple de Dieu, tel que Jésus a été un bon pasteur pour son troupeau. Une des grandes préoccupations de notre diocèse était l’accompagnement des personnes souffrantes et endeuillées. La Pastorale des funérailles est venue donner un accompagnement et une animation spirituelle pour les personnes plongées dans le deuil et la souffrance de la séparation. C’est un service de compassion. Il vient aussi sensibiliser et former la communauté chrétienne à tout ce qu’elle a comme acquis pour faire le deuil.
Et qu’en est-il à ce jour ?
Aujourd’hui, dans presque toutes les paroisses de l’île, il y a une équipe de funérailles composée de laïcs et religieuses qui assurent présence, prière et accompagnement des familles en deuil. Outre le curé de la paroisse, ces équipes sont accompagnées spirituellement par un mouvement nommé « Communion Lazare », mis en place l’an dernier pour promouvoir la Pastorale des funérailles.
Donc, la Pastorale des funérailles est une proposition de notre évêque. Or, nombreux sont ceux qui pensent que les laïcs célèbrent les funérailles en raison du manque de prêtres dans notre Église…
Certes, cela coïncide avec la pénurie de prêtres, mais l’Église suscite toujours des initiatives quand il y a un manque. Au nom de son baptême, tout baptisé se doit de participer à la vie de l’Église. Il est appelé à être prêtre, prophète et roi et possède en lui tout ce qu’il faut pour participer au service pastoral de l’église en vue du royaume.
Les fidèles ne sont pas préparés à cela. Nombreux sont ceux qui montrent leur déception, voire leur mécontentement quand ils voient des laïcs officier aux funérailles de leurs proches. Avez-vous un mot pour ces gens ?
Dans toute chose, il y a un temps de transition et d’accoutumance. Les gens s’habituent petit à petit, d’autant plus si la célébration est faite d’une manière sérieuse. Il faut aussi savoir que la célébration des funérailles n’est pas un sacrement. Elle peut être faite par des laïcs.
Qu’en est-il justement de la formation de ces laïcs ?
Une première formation a été donnée dans toutes les paroisses. Une deuxième à l’Institut Cardinal Jean-Margéot à Rose-Hill. Il y a aussi la formation continue en lien avec la Communion Lazare.
On assiste aujourd’hui à la transition d’une tradition funéraire issue d’anciennes pratiques vers une nouvelle mode offerte par des entreprises funéraires qui proposent à la famille endeuillée une série de prestations à diverses phases du parcours funéraire. Votre réaction…
La nouveauté et la facilité attirent toujours. La principale question à se poser est : quels sont les enjeux derrière ces propositions ? Il est important de prendre conscience que les familles catholiques dans l’Église ont développé un savoir-faire funéraire à travers une transmission des rites et rituels pour vivre la séparation et gérer le deuil. Confier de telles responsabilités à des entreprises à but lucratif équivaut à leur transférer nos devoirs. En d’autres mots, perdre nos traditions. Nous faisons face certes à de nouvelles conditions de vie, mais il est important d’être maîtres-organisateurs des funérailles de nos proches. Les prestataires ne sont là que pour aider, et non pour organiser.
Et comment éviter cela ?
D’abord à travers la sensibilisation, l’information, la prise de conscience. On démissionne souvent de nos responsabilités par ignorance. Si les gens sont éclairés, ils pourront mieux discerner ce qui est bien pour eux. L’important, c’est que les fidèles réalisent qu’il est essentiel pour eux d’exercer leur devoir envers leurs défunts et non pas de le transférer entre les mains des prestataires.
Pouvez-vous être plus clair sur ces devoirs ?
C’est le devoir de donner un digne enterrement aux membres de sa famille, donner soi-même un bain funéraire, préparer soi-même les prières et la liturgie funéraire, prier, enterrer son mort. Et non pas déléguer ou sous-traiter ses responsabilités à des prestataires qui multiplient les propositions et dépossèdent ainsi les catholiques d’un « savoir-faire-le-deuil » traditionnel.
Quelles pourraient être les conséquences de cette démission ?
L’enjeu est culturel et spirituel. Sur le plan culturel, souvent les prestataires nous placardent des modèles de pays occidentaux, de ceux qui vivent dans le déni de la mort. Forcément, cela aura un impact psychique sur les familles endeuillées. Sur le plan spirituel, on n’est plus acteur, mais on devient spectateur de la liturgie car les célébrations deviennent un « show », empêchant les fidèles de participer pleinement. Résultat : le deuil ne se fait pas, la liturgie est dénaturée, l’espace liturgique est dé-sanctuarisé, les fidèles dépensent plus. Or, cela fait longtemps que l’Église a délaissé la pratique des enterrements payants et tarifés. Aujourd’hui, seul un don, une offrande est demandée.
Vous avez évoqué le déni de la mort. À quoi faites-vous allusion ?
C’est vouloir camoufler tout ce qui renvoie à la mort. Par exemple : interdire à ses enfants d’assister aux funérailles des grands-parents sous prétexte qu’ils ne doivent garder que de bons souvenirs. Ou encore choisir d’organiser la veillée mortuaire hors de chez soi et la confier à des entreprises funéraires.
De nos jours, les cimetières se remplissent, les fidèles optent pour l’incinération. Que dit l’Église sur cette pratique ?
Il faut savoir que l’Église recommande l’inhumation pour rester collé au cheminement du Christ qui a été enseveli et mis au tombeau. La religion catholique est une religion de mémoire. Par exemple, à Rome, la Place Saint-Pierre est construite sur le tombeau de Pierre ; d’ailleurs toutes les grandes églises sont bâties sur les tombeaux des grands saints. Or, l’incinération éradique toutes les mémoires, même dans notre tête. Et puis le corps a une place centrale dans la religion catholique. Dieu s’est fait humain. Il a pris un corps. Rappelons-nous : « Tu es né poussière, tu retourneras en poussière. » Pour toutes ces raisons, l’Église recommande l’inhumation. Néanmoins, elle tolère l’incinération sous certaines conditions.
Et quelles sont ces conditions ?
Le corps doit passer d’abord à l’église avant d’être incinéré. Ne considérant pas les cendres comme étant le corps, l’église n’accorde ainsi pas le même traitement aux cendres. Seul le corps est béni et non les cendres, considérées, elles, comme étant des restes. Il y a une liturgie spéciale pour les gens qui viennent de l’étranger avec les cendres de leurs proches défunts pour passer à l’église. De plus, l’Église recommande que les cendres ne soient pas répandues mais qu’elles soient déposées dans un columbarium, lieu dans le cimetière où sont placées dans des niches, avec une plaque tombale, les urnes funéraires contenant les cendres des morts. Il est temps de demander à ce que soient érigés des columbariums dans les cimetières.
Propos recueillis par Sandra Potié
Communion Lazare : une spiritualité aux personnes endeuillées
La Communion Lazare est une spiritualité qui apporte espérance et compassion aux familles en souffrance avant, pendant et après la mort. Née en 2010, la Communion Lazare a été officiellement lancée dans le diocèse par Mgr Maurice E. Piat le 28 octobre 2012, en la résidence Saint-Ignace. Elle regroupe aujourd’hui près de 300 fidèles mandatés par leur curé à travers toutes les paroisses de l’île. La mission de ces derniers est de donner une attention pastorale de l’Église aux personnes marquées par l’épreuve de la mort et du deuil. La Communion Lazare est organisée en cellules paroissiales regroupées en sept fraternités régionales autour d’un Conseil diocésain regroupant une douzaine de membres, y compris l’aumônier, le père Alain Romaine. Deux ou trois personnes de chaque cellule font le lien avec le Conseil.
L’évêque, qui a souhaité cette belle Pastorale, invite tous les fidèles à s’engager dans un service de qualité dans cette mission. Au terme de trois trimestres de formation, les laïcs ont reçu des attestations certifiant leur aptitude à animer la célébration liturgique des funérailles.
La mission de chaque membre d’une cellule est de travailler en équipe locale et de se retrouver une fois par mois en cellule de base pour échanger, relire et prier. Et aussi de se ressourcer dans la prière quotidienne et l’Eucharistie fréquente. De suivre les instructions diocésaines concernant la Pastorale du deuil et de l’espérance. De se former pour un meilleur service de compassion. Pour information, un bulletin de liaison et d’information sur le calendrier d’activités et de ressourcement sera publié chaque année. Le premier a été publié en décembre 2012. Pour consolider la Communion Lazare, une Journée de l’Ami Lazare est célébrée chaque année autour des animateurs des funérailles de diverses paroisses. Cette année, la rencontre a eu lieu au Centre social Marie-Reine-de-la Paix le dimanche 27 octobre dernier.
Sandra Potié
Remise de la Croix Saint Maur à chaque membre
Prière et engagement officiel de chaque candidat de la Communion Lazare durant les messes de ce week-end 1er, 2 et 3 novembre 2013 à travers toutes les paroisses de l’île. Chaque candidat répondra à l’appel de son curé en s’avançant à l’autel pour dire le « oui » qui scellera son engagement au sein de la Communion Lazare. Ensuite, le prêtre lui remettra une Croix Saint Maur qui sera bénie. Le prêtre enverra officiellement le fidèle en mission.
Il faut savoir que la Croix Saint Maur est le signe distinctif d’appartenance à la Communion Lazare. Par sa forme spéciale, elle reflète l’amour infini de Dieu, sans début ni fin. Elle forme un entrelacs de douze pointes autour d’un cercle central. Une manière de rendre compte du mystère de l’Église et de la communion des saints qui se déploient autour de l’unité auréolée du Christ. Les quatre pointes de la croix en intérieur renvoient à la vie intérieure et la prière, centrée sur l’alliance du Christ, tandis que les quatre autres pointes en extérieur renvoient à la vie relationnelle et la mission. Rencontre avec une équipe de funérailles
Accompagnement dans la foi
Elie Rivière, Chantal Zaïre, Marie-Pierre Lecordier et Bernard Pigeot, quatre des six animateurs de funérailles de la paroisse Notre-Dame-de-Mont-Roches, Roches-Brunes, se disent heureux de la mission que leur a confiée le diocèse. Mission qui consiste à coordonner les efforts entrepris pour qu’au cours d’un décès, la prière de l’Église et l’accompagnement des familles éprouvées puissent être assurés.
Nos quatre interlocuteurs font tout pour assurer une présence de proximité et de sympathie avant, pendant et après le décès, soit à travers la visite, l’accueil et le suivi des familles. Le tout dans un esprit de foi et de consolation.
Élie Rivière est le doyen de l’équipe. Il s’est lancé dans cette mission il y a plus de cinq ans pour suppléer à l’absence de prêtres sur sa paroisse. Plus tard, il a eu la chance de se former à l’Institut Cardinal Jean-Margéot. Neuf sessions de formation divisées en trois modules, et qui lui ont permis d’avoir une idée anthropologique de la mort, et aussi de voir Jésus face à sa mort. Ce module qui a amené chaque participant à revoir le regard qu’il porte face à la mort. Élie a également eu l’occasion de se familiariser avec les textes bibliques évoquant ce sujet.
Élie est conscient des outils qu’il a reçus pour exercer sa mission. D’ailleurs, son regard sur la mort a changé. « Certes, le choc et le bouleversement sont là, mais on ne se laisse pas décourager. On marche plutôt vers la foi et l’espérance… On essaie de faire voir aux familles endeuillées la mort dans le contexte de la résurrection comme le Christ lui-même l’a expérimentée. » Élie partage aussi avec beaucoup de joie les richesses qu’il a reçues avec les autres membres de son équipe qui n’ont pas encore bénéficié de la formation à l’ICJM.
Sa présence au cœur de la famille endeuillée est le plus grand soutien que Chantal puisse donner aux familles qui souffrent de la perte d’un proche. « J’aime me rendre chez elles pour préparer avec elles la liturgie… Je les invite à participer activement. Je prie avec elles et je suis solidaire avec toutes les familles de mon quartier. »
Au cœur de sa mission, Marie-Pierre a constaté les différents états des familles endeuillées. « Il y a celles qui sont révoltées, d’autres qui ont une lueur d’espérance, malgré le gros chagrin de la séparation, comme s’ils ont déjà vu leur proche être accueilli par le Père. » Enracinée dans sa mission, Marie-Pierre se dit convaincue que la mort n’est que le début de la vie éternelle. Espérance qu’elle essaie de communiquer à tous ceux qu’elle accompagne. « Parfois les mots ne sont pas utiles, un simple geste peut tout dire. »
L’empathie est aussi au cœur de la mission de Bernard Pigeot. « J’essaie de souffrir avec la personne. Avec mon équipe, nous nous efforçons de leur témoigner notre compassion, la compassion du Christ et l’espérance chrétienne tout au long de la célébration. Nous faisons tout pour leur donner une célébration digne et priante. Nous soignons la liturgie d’enterrement par nos paroles, notre comportement. »
Cette équipe prend à cœur l’invitation de son curé, le père Gérard Lajoie, qui leur recommande de s’habiller dignement pour les cérémonies funèbres : veste noire, chemise blanche, cravate, robe ou jupe noire. Bref, un vêtement sobre et classique.
Sandra Potié
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