L’Organisation mondiale du tourisme a proposé comme thème pour cette année : « Le tourisme et l’eau : protégeons notre avenir commun ». Sujet bien choisi, si on pense que plus de 72% de la surface de la terre est recouverte d’eau et que notre corps est composé de 65% d’eau. L’Eglise a voulu donner un regard de croyant à ce thème, tout en proposant une bonne nouvelle : la personne de Jésus. C’est pour cette raison que je me suis demandé : Jésus, comment se serait-il comporté en tant que touriste ? Et si à la place de gagner son pain dans la menuiserie il avait été un professionnel du tourisme et de la mer, comment se serait-il comporté ?Ces deux questions répondent au double souci que j’ai maintenant : d’une part, dire une parole pertinente aux touristes et, d’autre part, vous dire à vous, qui travaillez dans le tourisme, un message de joie et d’espérance.
Mais d’où vient cette prétention de l’Eglise catholique d’avoir une parole juste à vous adresser, hommes et femmes du tourisme ? Encore plus, qu’est-ce que Dieu ou la religion ont avoir avec l’eau ? D’abord mes frères et sœurs, il y a une certitude : tout ce qui concerne l’homme intéresse Dieu, c’est la raison qui explique une pastorale du tourisme. Nous voulons vous dire : Dieu est proche de vous, il est avec vous dans vos métiers. Et je vous rassure : Dieu ne prend pas de vacances. Il est là, il vous accompagne. La Parole de Dieu nous dit : « « Il vit deux barques qui se trouvaient au bord du lac ; les pêcheurs… lavaient leur filets » « and he saw two boats standing by the lake: but the fishermen had gone out of them, and were washing their nets » (Luc 5,2).
Il n’y a pas que la Bible qui nous parle de Dieu. Le beau psaume 8 que nous venons d’entendre nous l’a rappelé, la création est un clin d’œil de Dieu. Sa beauté nous fait émerveiller : « quand je vois… les poissons de la mer, tout ce qui court les sentiers de la mer… Seigneur que ton nom est magnifique par toute la terre » « Se guardo… i pesci del mare, che percorrono le vie del mare.O Signore, nostro Dio, quanto è grande il tuo nome su tutta la terra ». Nous nous sentons si petits.
La mer… est une invitation au silence et à la contemplation. Des questions peuvent alors émerger en nous : pourquoi tant de beauté ? Qui a créé tout cela ? Quel est le sens de l’eau ? Il y a-t-il une sorte de réciprocité eau-homme, homme-eau ?
Les textes de la liturgie de cette journée nous font avancer dans la compréhension du dessein de Dieu dans cette relation homme-nature. Car il faut le dire, la nature nous la recevons, elle nous précède.
Le récit de Jonas (Jon 1, 11.15 – 2.1) nous ramène à la peur de la mer et à un monstre marin. Nous l’appellerons « Moby Dick », paradoxalement c’est lui qui devient l’instrument pour réaliser la volonté de Dieu. Cette volonté est notre conversion et celle de Ninive, « alors le Seigneur dépêcha un grand poisson pour engloutir Jonas », « trois jours et trois nuits » « Y el Señor dispuso un gran pez que se tragara a Jonás; y Jonás estuvo en el vientre del pez tres días y tres noches » (Jon 1,17).
C’est dans ce sens qu’on peut se dire que le travail que nous faisons peut être compris comme un instrument pour réaliser la volonté de Dieu. Sa volonté : ma conversion et pourquoi pas aussi celle des touristes ? En fait de nouveaux types de tourisme sont en train de naître, plus respectueux de l’environnement et des populations locales. On parle même d’un tourisme équitable, écologique ! Dans lequel non seulement les « poches » des actionnaires de grands resorts se remplissent, mais surtout les populations concernées en profitent. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui : développement durable, soutenable, tourisme vert, écologique et équitable.
Mais revenons à ce grand poisson qui engloutit Jonas, c’est tout le contraire de ce que nous faisons avec les ressources de la mer, car elles sont englouties par des bateaux factory, au point qu’on dit que trois-quarts de ressources de la pêche sont épuisées ou en déclin.
Ceux qui vivent en contact avec la mer et les poissons qui l’habitent savent bien comme elle peut-être d’une beauté et d’une délicatesse extraordinaires, comme cette raie qui s’est une fois approchée pour me regarder alors que je faisais de la plongée sous-marine, ou même le requin guitare ou le requin baleine, chaque poisson avec sa grâce et sa légèreté particulières… alors on peut, à juste titre, se demander : c’est qui le vrai monstre ?
Quelque part la nature, nous rappelle un Dieu grand… qui nous dépasse… d’une délicatesse et tendresse absolue. L’histoire de Jonas est comme une métaphore d’un Dieu qui nous porte dans les moments obscurs de l’existence, pour renaître à une nouvelle façon de vivre : plus écologique…
Le récit de la pêche miraculeuse (Luc 5, 1-7), présente la mer comme le lieu de l’abondance : « Ils… capturèrent une grande quantité de poissons ». Mais la mer peut-être aussi un lieu de fatigue : « vous avez peiné toute la nuit sans rien prendre » « And Simon answered and said, Master, we toiled all night, and took nothing: but at thy word I will let down the nets » (Lc 5,5). Lors de l’abondance, le bénéfice doit être partagé : « ils firent signe à leurs camarades de l’autre barque de venir les aider ». Lors de la peine, il faut faire confiance à Dieu : « avance en eau profonde et jetez vos filets ».
La mer est aussi une école de vie. Première leçon : nous ne pouvons pas tout maîtriser, elle nous échappe, nous sommes soumis à ses caprices et ses rythmes… pluie, soleil, mauvais temps…
Malgré notre organisation pour suivre les réservations, gps, marketing et autres… nous ne pouvons pas tout maîtriser. Nous ne pouvons pas, par exemple, acheter en avance le beau temps.
Dans la vie, il ne suffit pas de faire confiance à nos compétences, c’est pour cela qu’après un travail bien fait, il faut s’abandonner dans les mains de Jésus, qui en principe n’a pas de licence de skyper, ni brevet de moniteur de plongée et qui cependant ne cesse de nous dire : « avance un peu… avance en eau profonde et jetez vos filets» (Lc 5,4).
La foi nous rappelle que même si les touristes pensent que le plus beau de notre pays, ce sont la mer et ses paysages, la chose la plus belle de l’Ile Maurice, n’est pas une chose, ce sont les Mauriciens, notre peuple. Nous devons avant tout le croire nous-mêmes et ensuite permettre aux touristes de nous rencontrer. Le tourisme, ne doit pas priver les vacanciers de la rencontre humaine… car l’homme a besoin de rencontres pour exister…
Certains considèrent la fatigue normale du travail comme une corvée : « vous avez peiné toute la nuit sans rien prendre ». La foi a encore une bonne nouvelle : le travail peut-être un lieu d’épanouissement personnel et même de sainteté ! Dans la mesure où nous contribuons au bonheur des autres et nous nous réalisons en tant que personnes. Continuez à travailler avec beaucoup de dévouement, en gardant le sourire, même dans les moments où vous devez porter de lourdes souffrances, parfois en famille. Le travail bien fait, fait partie du chemin de sainteté.
Certes vous faites un métier parfois un peu artificiel… vous pouvez penser à un certain moment de votre parcours professionnel que l’idéal de vie : c’est le luxe et le style de vacances. Soyez attentifs, les vacances ne sont pas la vie réelle. En contact avec les touristes, avec des horaires pas toujours favorables à la vie de famille, avec la tentation de beaux garçons et de jolies filles… vous risquez de détruire par une aventure ce que vous avez construit avec tant de sacrifices et d’amour.
Le gaspillage et le luxe peuvent parfois choquer et sont aussi des tentations à maitriser. Car ce n’est pas parce que je peux payer, que tout est permis et que tout est à vendre. Le respect de lois concerne tout le monde, sans exception.
Si la rencontre des dauphins est merveilleuse et magique, elle doit suivre un protocole de respect de l’environnement. A la limite il nous faut sentir comme si c’était plutôt ces beaux cétacés qui nous observent… il y a du chemin à faire, n’est-ce-pas ?…. afin que cela ne suscite pas la fin de Flipper le dauphin qui, selon Ric O’Barry (un de ces dresseurs et aujourd’hui célèbre écologiste), se serait suicidé ! Je cite : « Elle était vraiment déprimée… Il faut comprendre que les dauphins et les baleines ne respirent pas inconsciemment comme nous. Chaque souffle qu’ils prennent est un effort conscient. Ils peuvent mettre fin à leur vie à chaque fois (qu’ils respirent). Elle a nagé dans mes bras et m’a regardé droit dans les yeux, a pris une grande inspiration et n’en a pas pris une autre. Je l’ai laissé aller, et elle a coulé sur le ventre au fond de la cuve ». []L’appât du gain, à tout prix tue le tourisme, mais tue aussi les relations humaines et la relation avec l’environnement. Vous et notre pays, nous ne méritons pas cela.
Enfin, faisons mémoire du touriste « râleur »… celui qui trouve toujours la manière de se gâcher ses propres vacances : « il n’y a pas assez de requins », « le temps est trop chaud », « trop froid », « le bateau bouge trop », « trop peu »… les éternels insatisfaits… qui ne savent pas profiter du moment présent et qui devront apprendre à leur dépens, que le rythme de saisons on ne le maîtrise pas… oui, windguru peut nous donner les prévisions du vent… mais il n’y a pas de certitude, la nature est toujours pleine de surprises…
Le tourisme à Maurice, a fait de la mer, sa poule aux œufs d’or, à condition qu’on ne fasse pas griller la poule dans le barbecue du catamaran… pour qu’elle disparaisse comme le Dodo.
La mer ne peut pas être un privilège réservée aux touristes. Eux en venant de si loin, nous interpellent, nous qui sommes si proches. Il nous faut découvrir ce cadeau de Dieu et le protéger. Si certains l’ont fait devenir un terrain de braconnage et une poubelle publique, beaucoup d’autres la découvrent avec respect. A nous de choisir notre camp.
Que l’accueil légendaire des Mauriciens, ne s’éteigne pas ! C’est votre originalité… et on sait combien le monde en a besoin. Car, il n’est pas dit dans l’évangile que Jésus se reconnaît dans l’étranger ? « j’étais un étranger et vous m’avez accueilli » « I was a stranger and you welcomed me » « ero forestiero e mi avete ospitato » «fui forastero, y me recibisteis» (Mt 25,35).
Merci au Père Heriberto pour cette homélie si pertinente avec le thème de la journée mondiale du Tourisme ainsi qu’avec les Lectures.
Cela nous dit qu’en tant que chrétiens nous sommes appelles à juger toute circonstancesde la vie à partir de notre foi en Jésus Christ, Fils de Dieu.