Année après année, depuis 2006, au lendemain du 1er février qui coïncide avec la publication des résultats HSC, force est de constater la lente disparition des noms créoles sur la liste des lauréats adulés. Que doit-on en déduire ? Les candidats créoles seraient-ils moins doués que les autres ? Ne préfèrent-ils pas « amize kreol », telle la cigale de la fable de La Fontaine ? Ou bien, sont-ils fatalement condamnés à la remorque sociale ? Non. Les lauréats, ils existent dans les familles créoles. Ils sont légion à être aujourd’hui le premier ou la première de la famille à bien réussir leur HSC et à s’engager dans une formation tertiaire. Ne nous méprenons pas. L’arbre de « classés » ne doit pas cacher la forêt de bonne volonté et de sacrifice qui anime les familles créoles aujourd’hui. En réalité, celles-ci connaissent un progrès constant en matière de réussite aux examens de HSC par rapport à dix – quinze ans de cela. Le travail de conscientisation à l’intérieur de la communauté créole rapporte des fruits. Les parents créoles font preuve d’abnégation et accordent de plus en plus priorité aux études de leurs enfants. Sachons reconnaître l’effort des familles créoles. Qu’elles en soient félicitées et encouragées.
Le mal qui écarte les candidats créoles des listes de lauréats tient au système élitiste et discriminatoire qui fut mis en place avec des slogans creux et trompeurs tels que « world-class education. La réintroduction du “ranking” – déguisé et opacifié – et l’instauration des collèges nationaux élitistes ont exacerbé la mentalité compétitive. Le renversement de la réforme Obeegadoo est l’une des causes majeures de la marginalisation sociale, non seulement des Créoles, mais de tous ceux qui ont des résultats moyens et performants. Cette réforme avait pourtant jeté les bases nécessaires pour garantir, au moins, des chances, non seulement égales, mais équitables à tous pour exceller. Elle s’engageait sur une réelle démocratisation de l’éducation secondaire. Le rapport Truth & Justice Commission, au volume 3, Part iv – Education as a tool for réparation, au chapitre 5, The post-independence and the démocratisation of Education – établit comment la mise à pied de la Réforme Obeegadoo mue par des “vested interests and lobby groups” perpétue les préjudices, surtout à l’égard des Créoles, slave-descents.
Mais plus fondamentale, la rareté des noms créoles sur la liste des classés tiendrait à une sorte d’inadéquation (mismatch) entre leur potentialité réelle et les filières académiques privilégiées par le système. Nous appuyant sur la théorie d’intelligences multiples conçue par Howard Gardner, il s’avère que les Créoles, en sus des arts et des métiers, excellent dans les secteurs qui relève du “service aux personnes” : ex. travail social, monde des soins (caring industry), animations et communications sociales, hôtellerie, secteur éducationnel, activité relationnelle, etc. Or, ces filières ne sont guère valorisées ni même proposées dans les collèges. Et dans le système classificatoire d’octroi des bourses, elles sont ignorées, si ce n’est pas écarté. Le choix pour les décideurs de privilégier telle ou telle filière n’est jamais neutre dans une société multiculturelle. Des études en politique culturelle de l’éducation nationale le démontrent. C’est la marginalisation culturelle et elle peut conduire au pire.
Alain Romaine
Père Romaine,
Ces sujets de réflexion sont très profonds, et méritent d’être pris au sérieux pour l’avenir de nos jeunes. Il est très important de tenir compte dès maintenant du développement de nos ressources humaines,qui ne peut que faire du bien a notre pays.
Je réagis en tant que parent
Maria Coulon