« Je suis en train de perdre mes repères », lance quelqu’un de notre entourage. Et de reconnaître que « c’est là quelque chose de très grave ». Invitée à s’expliquer, la personne en question ne peut s’empêcher de faire état de sa colère devant ce foisonnement de scandales politico-financiers. De décrier cette collusion entre les politiciens et les poches de leurs copains/copines. Ainsi que le privilège dont jouissent certains autour de l’accès aux informations de première main ; privilège qui leur permet alors de monter des projets et de bâtir des empires en un tour de main…Ce coup de gueule fait, notre amie revient à ses propos du début. Ce, en nous racontant un récent incident. Elle est dans la file d’attente dans une structure de l’État. Arrive un monsieur qui s’agite un peu, beaucoup, cherche du regard… Un préposé s’approche, lui tient trois-quatre mots et subrepticement, s’opère un échange de billets entre ce membre du public
et le premier nommé. Et voilà notre bon monsieur qui brûle la politesse à tous ceux qui ont pour qualités la patience et le respect des premiers arrivés !
Notre amie est prise par un haut-le-cœur. Elle veut tempêter. Mais la personne qui l’accompagne joue au modérateur. Elle finit par se calmer, vaque à ses devoirs administratifs. Mais plus tard, elle ne peut s’empêcher d’entrer dans une phase de questionnements : pourquoi avoir souhaité faire tout un ramdam si ce préposé recueille, dans son porte-monnaie à la fin de sa journée de travail, quelques billets de plus ?
Pourquoi lui en vouloir, alors qu’ailleurs, les plus grands, ceux censés donner l’exemple, ceux à qui le peuple a confié son destin, s’en mettent plein les poches ? Pourquoi crier au scandale pour quatre/cinq billets de Rs 50 /Rs 100, alors qu’ailleurs, les pratiques corruptrices se chiffrent en millions ? Pourquoi enclencher une levée de boucliers, mettant à mal le gagne-pain de ce préposé ? Pourquoi le prendre en grippe s’il a pu « faciliter » quelqu’un qui était – peut-être, qui sait – pressé d’aller au plus vite avec ses démarches ? …
Plusieurs jours après, notre amie porte encore cette histoire. Et aujourd’hui, elle craint qu’une autre manière de voir les choses s’installe en elle. « Je me montre tolérante vis-à-vis de la corruption, de ce qui est illégal et immoral… Je justifie certains agissements malhonnêtes tant ils paraissent un moindre mal comparés à ceux que dénonce au quotidien la presse… Je suis en train de perdre mes repères… »
Mais comme le veut le proverbe, qui vole un œuf, vole un bœuf. Et la perte des repères, voilà un des signes d’une société qui pique du nez…
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