Il y a plus de 2 000 ans, celui qui allait donner sa vie pour sauver le monde naissait dans l’ignorance de tous. Ignoré et persécuté, il le sera d’ailleurs durant toute sa vie. Et 2 000 ans après, malgré sa mort et sa glorieuse résurrection, il est souvent mis au second rang. Principalement à l’approche des fêtes telles que Noël où le Dieu du commerce et des achats règne en maître. Constat avec le père Gérard Mongelard.
Noël, qui marque la naissance du sauveur du monde, est dans quelques semaines. Quel constat faites-vous par rapport à la préparation de cette fête chrétienne et de la manière dont elle sera vécue ?
Les commerçants nous ont volé la fête de Noël aujourd’hui. C’est beaucoup plus les choses matérielles qui comptent, au détriment du spirituel. D’ailleurs, n’allons-nous pas préparer toutes sortes de choses, changer les rideaux, etc. Et dans la tête des enfants, ce n’est pas la fête de la nativité qui prime, mais bien le souci des cadeaux qu’ils vont recevoir. Et si vous oubliez de leur en donner, ils vous le font savoir. Cette attitude vis-à-vis de Noël me peine beaucoup. L’intérêt pour les choses matérielles, au point d’en oublier la venue du Sauveur, me fait penser à ce poème qui dit que Jésus était là au milieu de nous mais que nous l’ignorions .
Mais aujourd’hui, il n’y a pas que Noël qui soit victime de la frénésie commerciale. Pâques, voire « Divali » ou « Eid » le sont aussi.
En effet, depuis quelque temps, certaines fêtes religieuses comme Noël, Pâques, Eid ou Divali sont considérées comme des célébrations nationales et je trouve cela bien regrettable. Le 12 mars, jour où nous fêtons l’indépendance, est une fête nationale, on est bien d’accord à ce sujet. Mais je ne peux pas imposer à une personne qui ne partage pas ma foi une de mes fêtes religieuses. Noël est un moment où les catholiques célèbrent la venue au monde du Christ, Sauveur du monde, et ce n’est pas la fête des cadeaux. Or, aujourd’hui tout le monde fête Noël parce que tous offrent des cadeaux à leurs proches, à leurs amis, etc. Il n’est pas étonnant d’ailleurs que les marchands ambulants se multiplient en cette période de l’année. Personnellement je connais même quelqu’un qui va prendre congé de son travail pour se transformer en marchand ambulant. Et des gens comme lui, il y en a beaucoup. Je trouve que l’on nous vole vraiment le sens de nos fêtes. Voyons, par exemple, le cas des 40 Heures. Il y a une invasion de marchands ambulants aux environs des églises. Mais, est-ce que c’est ce jour-là en particulier qu’il nous faut absolument acheter des « gâteaux-piments », où il y a les plus beaux rideaux, le meilleur pot en plastique ? C’est illégal, mais on laisse faire. Les policiers tournent en rond et personne n’ose interpeller ces marchands parce que souvent, ce sont des protégés politiques.
Mais il ne faut pas simplement jeter la pierre aux autres. Nous avons aussi favorisé l’invasion des commerçants aux abords des églises durant les 40 Heures, notamment en commençant par tenir des échoppes. Aujourd’hui, dans la paroisse Saint-Sacrement, Cassis, on ne le fait plus. C’est vrai que cela rapportait de l’argent, mais si nous continuons ainsi, nous oublierons le Carême pour faire du commerce.
Enfin, d’autres célébrations chrétiennes sont également victimes du commerce. La première communion et la confirmation sont deux cas flagrants. Avec les boîtes, les napolitaines, etc. Quant aux enterrements, c’est aujourd’hui l’argent qui prime.
Mais les chrétiens ont aussi leur part de responsabilité dans tout ça…
En effet, et c’est pourquoi il faut les interpeller. Il existe des initiatives qui sont prises pour recentrer les fêtes sur leur côté spirituel. Pour le Père Laval par exemple, il y a eu le parcours qui a été proposé cette année. Une manière de retrouver le vrai sens du pèlerinage. Je suis d’avis que si chaque personne faisait son travail comme il se doit : l’Église, les policiers, les politiciens, les fidèles, etc., il n’y aurait pas ce genre de problème.
Pour revenir à Noël, on peut dire que 2 000 ans après, la naissance de Jésus se passe toujours dans une certaine indifférence…
Noël, c’est la fête de Jésus qui vient dans la plus grande simplicité, la plus grande humilité. Il est né dans l’indifférence totale. Les gens étaient occupés à faire la fête. Il n’y avait que les exclus, les bergers qui étaient là. Et lui-même sera d’ailleurs exclu durant toute sa vie. Et pourtant c’est bien lui qui va bouleverser le monde.
Noël aurait donc pu être le moment où nous appendrions à être différents, plus solidaires des autres, par exemple.
Je sens qu’aujourd’hui, pour beaucoup de personnes, s’occuper des démunis, faire la charité ce n’est que l’affaire de quelques personnes. Récemment j’ai fait un appel à l’église en disant qu’à l’approche de Noël, et du fait qu’il y a des familles qui souffrent, nous aurions pu faire un geste en leur offrant quelques provisions. Il n’y a que quelques personnes qui ont répondu positivement. Et heureusement encore qu’elles sont là !
On ne pense pas suffisamment aux autres. Ce sont des valeurs qui se perdent et c’est notre responsabilité à tous parce que nous ne véhiculons pas suffisamment de valeurs. Dans l’Église, il y a des cas de pédophilie. C’est minable ce que l’on entend du monde politique. Dans ces circonstances, quel exemple donnons-nous ? C’est le chacun pour soi qui domine. Demandez d’ailleurs à quelqu’un de venir faire du volontariat. À un enfant de vous rendre un service. Il vous demandera certainement ce que cela va lui rapporter. Dans quelle mentalité sommes-nous en train de faire grandir nos enfants ?
Aux chrétiens, l’évangile dit que nous devons toujours continuer à lutter à contre-courant de l’esprit du monde.
Mais comment faire ?
Il faut continuer à dire et à redire ce en quoi nous croyons. C’est certains que nos voix ne seront entendues que de peu de personnes, mais cela ne veut en aucun cas dire que nous devons suivre la tendance.
Noël c’est la fête de l’amour, de la joie, de la paix, de la solidarité. Comment faire pour lui redonner cette splendeur ?
Il y a d’abord cette conversion personnelle à faire et c’est pour cela que l’Église, dans sa grande sagesse, nous donne ces quatre semaines de l’Avent. C’est la période où chaque personne peut faire son chemin en se demandant : Noël arrive, qu’est-ce que le Seigneur me demande à moi ? Si chacun faisait son chemin, je crois que nous changerions la face du monde.
Nous sommes dans l’Année de la Foi et nous sommes invités à revoir notre manière de fonctionner. Si chacun fait cette démarche de manière personnelle, il y aura nombre de changements et beaucoup pourront ainsi rendre témoignage.
Par ailleurs, si chacun fait la démarche de se recentrer sur cette fête, on verrait qu’il y a tellement de souffrances dans le monde actuel et autant de choses à faire pour aider à soulager ces peines. Il y a, par exemple, les visites aux malades à l’hôpital. Mais pour cela, il faut aussi que chacun réalise que nous sommes tous responsables les uns des autres, que « tout homme est mon frère ».
Les billboards, la publicité nous assaillent depuis des mois avec les promotions de Noël. Les jeux de hasard vont vous promettre des millions de roupies. On vend du rêve aux personnes. Or, le vrai trésor, le vrai cadeau de Noël, qui est la venue au monde du sauveur, passe à côté.
Les cadeaux sont en effet très « importants » en cette période. Tentants, coûteux… Quel sens devons-nous leur donner ?
Un cadeau, c’est quoi ? Ce n’est surtout pas le prix que nous y mettons. Il y a un dicton kreol qui affirme : « Mem to donn moi enn latet zeping mo pou kontan. » Nous, chrétiens, ne devons pas oublier que Jésus est venu nous faire un cadeau inestimable : Il ne faut pas qu’en nous offrant mutuellement les choses les plus somptueuses, nous passions à côté de ce qui est essentiel.
L’importance, la valeur accordée à chaque cadeau est aussi une question d’éducation. N’est-ce pas la une responsabilité des parents ?
Sans généraliser, il y a beaucoup d’enfants, de jeunes, qui manquent d’affection. À cause du divorce des parents, parce qu’ils sont victimes d’abus sexuels, etc. On voit par ailleurs, chez certaines personnes, une apparente richesse derrière laquelle se dissimule une grande pauvreté. Il peut s’agir d’échecs scolaires, d’un manque d’attention, etc. Et souvent, nous pensons que pour pallier à ces souffrances, pour combler ces vides, la solution c’est d’offrir des choses matérielles.
Je me souviens du cas de cet enfant dont les parents se disputaient beaucoup. L’enfant fait une tentative de suicide. Je rends visite à cette famille. Un des parents m’emmène dans la magnifique chambre de l’enfant et me dit : « Monper, ki li manke ? ». Les parents étaient certes de bonne volonté, mais ils n’avaient pas saisi le message que voulait leur faire passer leur enfant en faisant cette tentative de suicide. L’enfant voulait leur dire d’arrêter de se chamailler, qu’il avait besoin de leur affection.
Si les enfants ne reçoivent pas l’amour de leurs parents, comment veut-on qu’ils puissent aussi plus tard aimer ! Comment donner ce que l’on n’a pas reçu ? Ils vont alors chercher des échappatoires. Se tourner vers l’alcool. Fumer, et faire comme les autres.
Heureusement aussi que Noël est une fête d’espérance…
En effet, et Jésus nous rappelle cela. Il vient dans le dénuement. Et en même temps, il vient bouleverser le monde. De la crèche au crucifiement, il n’a pas été compris. Mais heureusement qu’avec la résurrection, la vie continue. Si vraiment nous croyons dans le Christ, nous devons donc aller contre l’esprit du monde qui veut nous faire croire que la richesse se trouve dans les choses matérielles et non dans le dénuement.
Par ailleurs, aujourd’hui encore Jésus se donne en nourriture dans la pratique du sacrement de l’Eucharistie. Et c’est ce qui va nous donner le goût pour être comme le levain dans la pâte. À être comme la petite graine de moutarde. À être lumière et à ainsi apporter nos petits rayons de soleil au monde.
En ce temps de Noël, il est aussi important de prendre un temps pour se dire des choses profondes. Pour dire aux personnes qui nous entourent combien elles comptent pour nous et que nous les aimons. Ce sont les plus grands cadeaux que nous puissions offrir à une personne.
« Je t’aime » devrait donc être le cadeau le plus offert à Noël.
Je t’aime comme tu es. Dieu est amour. Ce sont les messages du Christ.
Propos recueillis par Martine Théodore-Lajoie
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