26 janvier 2012
Henri est mort comme un vieux marin, sur le pont, fauché d’un seul coup sec.
Malgré son grand âge, il n’aimait pas se retirer dans sa cabine, il préférait rester avec l’équipage, et se donner à fond aux tâches que sa santé déclinante lui permettait encore d’accomplir. Henri aimait être avec ses confrères, se détendre avec eux, discuter ensemble ; il était attentif, fraternel et interpellant à la fois. Même quand il a assumé des responsabilités importantes, il restait un homme simple, qui rayonnait une joie de vivre. Il aimait vraiment sa famille diocésaine. Il savait soutenir et encourager les autres marins – et même le capitaine – qui devaient assumer des tâches plus lourdes. Je me souviens que lorsqu’il travaillait à l’évêché comme vicaire général, puis comme official, et qu’à la fin d’une journée, j’allais lui partager des choses quelque fois difficiles à porter, il m’offrait une écoute, un sens de l’humour, une amitié franche qui me faisait voir les choses dans une autre perspective, et sortir de là comme dopé de courage. Sa dernière parole était toujours « corragio ».
Derrière sa grande simplicité, on pouvait deviner en filigrane les traits d’un grand témoin de la foi. Les textes que nous avons choisis aujourd’hui étaient parmi ceux qu’il aimait méditer. Ils expriment quelque chose de sa foi simple mais robuste. En les écoutant ensemble nous pouvons nous laisser entraîner dans le sillage d’Henri, qui s’était lui-même laissé entraîner dans le sillage du Christ. Aujourd’hui il est appelé à contempler face à face ce Christ en qui il a cru, en qui il a mis toute sa confiance. Aujourd’hui ce Christ l’accueille dans la maison où il lui a préparé une place.
La bonne humeur et la joie de vivre d’Henri faisaient de lui un homme agréable à vivre et à collaborer avec. Cette joie était aussi chez lui comme le reflet d’une espérance : il se savait attendu au bout du chemin. C’est l’espérance qui nous donne la joie de vivre, et le courage de marcher d’un pas régulier et fidèle derrière celui qui nous invite à le suivre. L’amitié que le Christ nous invite à vivre avec lui est tellement forte, qu’elle devient elle-même la vérité la plus profonde de notre vie, la lumière qui éclaire notre chemin ; cette amitié devient même notre chemin, dans le sens où chaque pas fait au coude à coude avec lui nous donne un avant-goût de cette joie qui nous attend au bout du chemin quand nous serons avec lui pour toujours dans la maison du Père. C’est pour cela qu’Henri aimait réentendre ce chant : « Je n’ai d’autre désir que de t’appartenir… ».
L’amitié avec le Christ était aussi chez Henri le secret de sa grande disponibilité. Plusieurs confrères avec qui j’ai échangé depuis hier, soulignent la simplicité, le détachement avec lequel Henri acceptait les ministères très variés qui lui ont été confiés les uns après les autres.
a) Il a été un vrai prêtre de paroisse, un bon pasteur, proche des gens, d’une grande écoute mais aussi capable d’interpeller.
b) Il a été un grand aumônier des Mouvements d’Action Catholique, d’abord de la JOC puis de l’ACI pour terminer comme aumônier international du MIAMSI à Rome. Il savait accompagner fraternellement, s’intéresser vraiment à la vie des gens, il laissait l’Evangile nous interpeller avec force et bonheur, sachant que l’Evangile est une force de salut pour tout homme qui croit.
c) Il a aussi assumé bravement la mission de rédacteur en chef de la Vie Catholique, un poste qui n’était pas de tout repos durant les années de braise de l’état d’urgence qui ont suivi l’accession du pays à l’indépendance. Ce fut à cette époque qu’il eut l’honneur de publier plusieurs numéros de la Vie Catholique où les espaces vides étaient presque plus nombreux que les textes ; témoignage de résistant contre la censure qui opprimait alors le pays.
d) Durant son temps à Rome comme aumônier international de MIAMSI, Henri accepta, encore une fois avec sa grande disponibilité, de faire en même temps des études de Droit Canon pour pouvoir devenir official du Diocèse puis de la CEDOI ; il assume cette tâche avec rigueur, bon sens et fidélité jusqu’au premier week-end de janvier 2012 où devant les évêques de la CEDOI il demandait d’en être relevé – à cause de sa santé défaillante.
e) Henri est rentré de Rome au moment où le Synode Diocésain était lancé chez nous. Avec sa même simplicité, il accepta volontiers la tâche ingrate de secrétaire du Synode. C’est en grande partie grâce à son travail méthodique, à sa souplesse, et à son écoute des uns et des autres que le Synode a pu aboutir, s’exprimer clairement, et nous inviter à prendre un nouveau départ.
f) A un moment où il y avait plusieurs séminaristes et pas assez de Pères sur l’équipe du Séminaire Interdiocésain, Henri accepta volontiers d’assumer ce ministère d’accompagnement et d’enseignement, tout en disant humblement qu’il n’en était pas capable.
g) En plus de ces différents ministères, Henri a toujours accepté volontiers de remplacer des confrères en paroisse même pour de petites périodes. Il quittait facilement une cure, une responsabilité et partait léger, comme un vrai nomade, comme un vrai fils de notre Père Abraham, cet araméen errant habitué à avancer « de campement en campement », confessant ainsi que nous sommes tous « étrangers et pèlerins » sur la terre.
A travers tous ces différents types de ministère, Henri nous laisse le témoignage d’un homme de foi plus attaché à une manière de se tenir debout devant Dieu, et à rester disponible pour le service des frères, qu’à l’importance des fonctions qu’on pouvait lui confier ou lui enlever. Le service, la disponibilité était sa vie, sa vérité, son chemin. Car il avait été saisi par le Christ et il s’était laissé saisir.
Je rends grâce à Dieu pour le frère que tu as été pour nous, les prêtres, pour le bon pasteur que tu as été pour les fidèles, pour le compagnon de route toujours simple, joyeux et plein d’humour parce que plein d’amour. Henri était un homme qui vraiment se suffisait d’être aimé. C’est pourquoi il aimait ce chant : « Je n’ai d’autre désir que de t’appartenir… ».
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