Fête de la Ste Famille Année B
Lc 2, 22-40
Introduction
La « Lectio Divina » est une manière de chercher à entendre la parole que Dieu nous adresse à travers un passage de la Bible, et à y répondre. Elle comprend 3 parties :
- une lecture attentive du texte dans son contexte ;
- une écoute intérieure de la Parole de Dieu, de l’appel qu’il nous fait aujourd’hui à partir de ce texte ;
- un temps de prière (personnelle ou en groupe) pour donner sa réponse à l’appel que nous fait le Seigneur.
- 1. Lecture d’un texte (Lc 2, 22-40)
1.1.Contexte
L’Evangile de l’Enfance dans Luc est construit selon un schéma simple, qui est suivi parallèlement pour Jean-Baptiste, et pour Jésus. Dans chaque cas, nous avons successivement
a) l’annonce de la naissance par un ange
pour Jean – Lc 1, 5-25
pour Jésus – Lc 1, 26-38
N.B. Elizabeth et Marie, qui ont accueilli ces annonces avec foi, se rencontrent à la Visitation où il y a comme une explosion d’action de grâce (Lc 1, 39-56)
b) la naissance elle-même
pour Jean – Lc 1, 57-66
pour Jésus – Lc 2, 1-21
c) la manifestation de l’enfant et de son rôle futur dans l’histoire du salut
pour Jean par le cantique prophétique de Zacharie (Lc 1, 67-79)
pour Jésus, lors de sa présentation au Temple, par le cantique et la prophétie de Siméon (Lc 2, 22-35)
d) la vie cachée
pour Jean – Lc 1, 80
pour Jésus – Lc 2, 39-40 ; 51-52
Le passage de l’Evangile de Luc qu’il nous est donné à lire et à méditer aujourd’hui est en fait le récit de la manifestation de l’enfant Jésus et de son rôle dans l’histoire du salut à l’occasion de sa présentation au temple de Jérusalem 40 jours après sa naissance.
Dans l’Evangile de l’Enfance, Luc ne se contente pas de nous donner un simple récit des faits. Le récit de la naissance de Jésus est encadré, d’une part, par l’annonce de cette naissance qui se situe dans le secret de la vie intime de Marie, et d’autre part, par la manifestation de l’enfant Jésus qui se situe dans l’espace public du temple de Jérusalem. Et l’annonce de la naissance, et la manifestation de l’enfant après la naissance expriment le sens, et les conséquences immenses pour l’humanité de cet événement, en apparence banal, qui s’est passé dans une écurie perdue à la sortie d’un village de la montagne de Judée.
L’annonce de la naissance et la manifestation de l’enfant donnent aussi un avant goût du rôle capital que devra assumer l’enfant qui vient de naître dans l’histoire du salut.
1.2.Déroulement du texte
Notre texte se divise en 4 parties distinctes :
a) la présentation de Jésus au temple (Lc 2, 22-24)
b) l’intervention de Siméon (Lc 2, 25-35)
c) l’intervention d’Anne (Lc 2, 36-38)
d) le retour à Nazareth et la vie cachée (Lc 2, 39-40)
a) La présentation de Jésus au temple
Lc 2, 22-24 : La loi de Moïse prescrivait (Lev. 12, 1-8) que 40 jours après la naissance d’un enfant, la mère, devait se rendre au Temple pour offrir un sacrifice dit de « purification ». L’offrande prescrite était un agneau d’un an ; mais si la famille n’avait pas les moyens, elle pouvait se contenter d’offrir 2 tourterelles ou 2 petites colombes. C’est cela « le sacrifice prescrit par la loi » auquel Luc fait allusion au v. 24. Marie et Joseph étaient des gens modestes, et offrent le sacrifice prévu pour les pauvres.
La loi de Moïse prescrivait aussi (Ex 13, 11-16) que tout premier enfant mâle de la famille devait être consacré au Seigneur, en souvenir et en reconnaissance au Seigneur qui avait libéré le peuple juif de l’esclavage d’Egypte. C’est à cela que Luc fait allusion au v. 23.
En fait, Joseph et Marie viennent au Temple de Jérusalem environ 40 jours après la naissance de Jésus pour accomplir ces deux obligations : l’offrande de purification pour Marie, et la consécration de Jésus leur fils premier né au Seigneur.
Joseph et Marie sont des gens pieux et croyants qui observent la loi juive, non pas par simple ritualisme (i.e. pour montrer qu’ils sont des gens bien qui observent la loi) mais poussés par une motivation de foi et d’amour. En « consacrant » leur enfant au Seigneur, ils viennent simplement exprimer leur reconnaissance à Dieu qui leur a donné l’enfant dans des circonstances si spéciales. Ils viennent aussi dire à Dieu leur disponibilité par rapport à la vocation et la mission que cet enfant pourra avoir un jour.
b) L’intervention de Siméon
Lc 2, 25-35
v.25. Siméon est décrit comme un homme juste et pieux qui attendait la consolation d’Israël. Cet homme incarne en lui toute l’attente d’un peuple : cette grand attente de la consolation promise par le Seigneur à travers le prophète Isaïe (Is 40, 1-11). Car le peuple d’Israël avait été très humilié par l’expérience traumatisante de l’Exil et de la destruction de Jérusalem. Et le prophète Isaïe avait affirmé avec force que le Seigneur ne laisserait pas tomber son peuple mais le consolerait. Siméon est de ceux qui attendent cette consolation avec la certitude de l’espérance, i.e., la certitude que Dieu sera fidèle à sa promesse. Mais il ne peut pas savoir comment Dieu consolera son peuple ni quand. Il fait confiance et il attend « comme un veilleur attend l’aurore » (Ps 129, 6).
v. 26-27. C’est l’Esprit Saint, nous dit l’Evangile, qui creuse cette attente à la fois forte et douce, pleine d’espérance et d’abandon dans le cœur de Siméon. C’est donc poussé par l’Esprit qu’il vient au Temple ce jour là ; et c’est inspiré par l’Esprit qu’il voit dans ce petit enfant celui qui va réaliser la consolation d’Israël, i.e. celui qui va manifester au peuple d’Israël l’amour fidèle, patient, et toujours surprenant du Dieu qui a fait alliance avec eux depuis le Sinaï et qui reste toujours fidèle à son alliance.
L’allusion forte à l’Esprit Saint qui permet à Siméon de voir dans un petit enfant de quelques semaines celui qui serait le sauveur de l’humanité, est en fait une allusion à l’Esprit qui est donné aux disciples à la Pentecôte et qui leur permet de reconnaître en Jésus mort et ressuscité, le Messie de Dieu, le Sauveur des hommes. De fait, ces événements de l’enfance de Jésus ont été relus et médités à la lumière de la Résurrection par Luc et la Communauté Chrétienne au milieu de qui il vivait pendant de longues années. Le récit de Siméon est le fruit de cette longue méditation qui leur a permis de reconnaître l’action du même Esprit en Siméon à la naissance de Jésus et dans les apôtres après la mort et la résurrection de Jésus.
V29-32. Siméon « manifeste » ou révèle Jésus ; il exprime ce qu’il est vraiment, et le rôle qu’il aura dans l’histoire à travers un cantique d’action de grâce. Ce que ses yeux voient (à la fois les yeux de son corps et les yeux de son esprit prophétique), c’est que cet enfant va, par sa vie, sa mort et sa résurrection, manifester pleinement l’amour de Dieu pour les hommes, un amour si fort qu’il apporte le salut non seulement au peuple juif mais aussi à toutes les autres nations. En disant cela, Siméon affirme que Jésus accomplira par sa manière de vivre et de mourir et de ressusciter, la figure du « serviteur de Dieu » annoncée par Isaïe durant l’exil, ce serviteur qui consolerait le peuple juif et les autres nations (Is 42, 1-6 ; 49, 1-6).
Ce serviteur annoncé par le prophète Isaïe devait apporter un salut profond, une guérison qui devait concerner toutes les zones de la vie humaine. Ce salut devait être offert à la fois au peuple juif et à toutes les nations. Ainsi le peuple juif et les nations païennes devaient être réunis dans la même expérience bienfaisante de l’homme sauvé par l’amour gratuit de Dieu.
v. 33-35. Joseph et Marie s’étonnent que Siméon puisse associer leur enfant à l’accomplissement des promesses de salut ; ils devaient se demander comment leur enfant pourrait combler cette immense attente d’une consolation qui habitait le cœur des juifs croyants.
Devant leur étonnement Siméon continue sur sa lancée prophétique et annonce à Marie que son fils (et elle-même) devraient s’attendre à beaucoup souffrir. Car le chemin de vie que Jésus devait suivre lui-même et qu’il devait proposer aux hommes ne serait pas toujours accepté par les juifs ou par les païens. Au contraire, le chemin que Jésus nous propose interpelle notre liberté et pousse les hommes à faire un choix. Certains accepteraient et d’atures refuseraient. Ainsi en s’adressant à notre liberté, Jésus devait prendre le risque d’être rejeté et donc de beaucoup souffrir. Mais cette souffrance assumée avec patience devait elle-même contribuer à manifester l’amour de Dieu porteur de salut pour les hommes.
c) L’intervention d’Anne
Lc 2, 36-38
Anne faisait aussi partie de cette communauté de juifs pieux et croyants qui étaient habités par l’attente de la consolation d’Israël. Elle devait partager l’espérance de Siméon et sa manière de s’abandonner à Dieu.
Ayant entendu le cantique prophétique que Siméon prononçait au sujet de l’enfant Jésus, elle se joint à lui dans son action de grâce et partage avec « tous ceux qui attendaient la délivrance d’Israël », son bonheur d’avoir vu dans cet enfant celui qui devait réaliser cette délivrance.
d) Le retour à Nazareth et la vie cachée
Lc 2, 39-40
La vie de Jésus enfant et adolescent à Nazareth est décrite ici très sobrement. Comme tous les enfants, ses parents l’ont vu « grandir et se fortifier ». Mais le regard que portaient sur lui Joseph et Marie était aussi un regard de foi ; une foi inspirée par ce que Marie et Joseph avaient entendu l’Ange du Seigneur leur dire ; une fois inspirée aussi sans doute pour le cantique prophétique de Siméon, et soutenue par la foi et l’action de grâce communicative de personnes comme Anne.
C’est ainsi que le regard de foi de Marie et de Joseph leur fait percevoir que « la grâce de Dieu était sur lui », i.e., que Jésus était aimé très particulièrement comme fils unique par Dieu son Père, et qu’il devait grandir progressivement dans cette certitude d’être aimé et d’être envoyé par Dieu pour le salut des hommes.
- 2. Ecouter la Parole que Dieu m’adresse à travers ce texte
a) Comme Joseph et Marie, les parents sont appelés aujourd’hui à remettre leur enfant dans les mains de Dieu. Cela veut dire concrètement qu’ils sont appelés à la fois à recevoir leur enfant comme un don que Dieu leur fait, et à offrir cet enfant à Dieu en acceptant dès maintenant l’appel personnel que Dieu fera plus tard à leur enfant. Cette attitude de reconnaissance, d’abandon à Dieu et de respect pour la vocation de leur enfant, libère les parents et leur permet d’être de vrais témoins, discrets, sobres mais forts de l’amour de Dieu auprès de leur enfant.
b) Comme Siméon et Anne, nous sommes tous appelés à laisser creuser en nous l’attente du salut pour nous même comme pour nos frères et sœurs d’autres religions. Cette attente du salut présuppose que nous reconnaissions que nous sommes pécheurs, i.e., que nous sommes encore liés à des modes, à des styles de vie, à des habitudes qui nous rendent souvent esclaves et qui limitent considérablement notre capacité de connaître le bonheur et la vraie liberté des enfants de Dieu. « Attendre la consolation d’Israël » comme Siméon ou Anne, c’est désirer très fort et pour nous mêmes et pour notre société que nous soyons délivrés de tout ce qui abîme l’homme dans nos façons de faire, de penser ou de nous conduire. Attendre avec espérance, c’est à la fois désirer et être attentif aux moindres signes qui montrent qu’un autre monde est possible. Comme le veilleur qui attend l’aurore, c’est rester éveillé au milieu des ténèbres, s’exercer à repérer et à valoriser les moindres reflets lumineux qui annoncent l’aurore.
c) Si, comme l’enfant Jésus, appelé à être « lumière qui éclaire les nations », nous cherchons à vivre comme des enfants de lumière, il ne faut pas s’étonner si la lumière dont nous sommes les témoins ne sera pas toujours accueillie. Comme Siméon l’annonçait pour l’enfant Jésus et pour la Vierge Marie, être témoin de la lumière du Christ, peut faire de nous un « signe de division » – la division étant celle qui surgit entre ceux qui accueilleront la lumière du Christ et ceux qui pour diverses raisons la refuseront.
Comme le Christ, la souffrance que ce rejet pourrait nous causer ne doit pas nous décourager et nous faire baisser les bras. Cette souffrance, si elle est assumée avec patience, peut être l’expression humble et lumineuse de l’amour patient de Dieu, qui de manière mystérieuse, est lui-même porteur de salut.
- 3. Prier pour répondre à Dieu qui me parle
a) Si nous sommes des parents, prier Dieu pour lui demander la grâce comme Marie et Joseph, de savoir accueillir son enfant comme un don de Dieu ; et en même temps, prier pour savoir l’offrir à Dieu en acceptant dès maintenant l’appel que Dieu lui fera, la mission que Dieu lui confiera.
b) Nous pouvons aussi demander à Dieu la grâce de nous reconnaître pécheurs et de reconnaître aussi les méfaits du péché dans notre société ; et en même temps lui demander de vivre une espérance active et courageuse, l’espérance de ceux et celles qui attendent le salut activement ; l’espérance de ceux et celles qui restent éveillés et s’exercent à reconnaître et à valoriser dans leur entourage les moindres signes du salut qui apparaissent au milieu des hommes comme des lumières dans la nuit.
Demandons enfin la grâce d’accepter comme Marie, la souffrance qui va souvent avec l’accueil du Christ et de sa façon de vivre. Prier pour la grâce de croire dans la valeur de cette souffrance assumée avec amour pour témoigner de l’amour patient de Dieu.
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