5e Dimanche de Carême
Jn 12, 20-33
Introduction
La « Lectio Divina » est une manière de chercher à entendre la parole que Dieu nous adresse à travers un passage de la Bible, et à y répondre. Elle comprend 3 parties :
- une lecture attentive du texte dans son contexte ;
- une écoute intérieure de la Parole de Dieu, de l’appel qu’il nous fait aujourd’hui à partir de ce texte ;
- un temps de prière (personnelle ou en groupe) pour donner sa réponse à l’appel que nous fait le Seigneur.
- 1. Lecture d’un texte
1.1. Contexte
a) Nous sommes à la fin du ministère public de Jésus. L’atmosphère est lourde. Jésus vient de ressusciter Lazare et beaucoup de Juifs ont commencé à croire en lui. Malgré cela les grands prêtres et les Pharisiens se sont réunis et ont décidé de tuer Jésus (Jn 11,53).
b) Apprenant cela, Jésus, dans un premier temps, s’était retiré dans une région voisine du désert et avait séjourné avec ses disciples dans une ville appelée Ephraïm (Jn 11, 54). Puis, dans un deuxième temps, il était revenu à Béthanie, chez Marthe, Marie et Lazare, et là, au cours d’un repas, Marie avait répandu un parfum de grand prix sur ses pieds. Quand les Juifs avaient appris que Jésus était à Béthanie, ils étaient revenus en foule chez Marthe et Marie pour le voir et pour voir aussi Lazare qui avait été ressuscité par Jésus. Alors les grands prêtres, furieux, avaient décidé de tuer non seulement Jésus, mais aussi Lazare (Jn 12, 9-11), parce que beaucoup de Juifs croyaient en Jésus à cause de Lazare.
c) Le lendemain, Jésus rentre à Jérusalem où déjà beaucoup de gens étaient arrivés de la campagne pour célébrer la Pâques. Là il est accueilli par une foule nombreuse et enthousiaste qui sort à sa rencontre en agitant des feuilles de palmier, et en chantant « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’Israël » (Jn 12, 12-13). Les Pharisiens sont toujours furieux de voir la foule lui courir après (Jn 12, 19).
d) Nous sommes dans une certaine confusion : Jésus est à la fois accueilli avec enthousiasme par la foule, et rejeté avec violence par les Pharisiens. C’est du milieu de cette confusion que quelques Grecs (des sympathisants du judaïsme qui étaient montés à Jérusalem eux aussi pour la fête), demandent à « voir Jésus ».
La réponse que Jésus donne à la requête des Grecs prend beaucoup de recul. Jésus ne répond pas directement dans le sens où il irait « voir » celui qui demande à le « voir ». Il invite plutôt les grecs comme les juifs à le regarder avec un regard de foi et à voir le sens très profond et très large de sa mort prochaine qui va concerner non seulement les Juifs mais aussi toutes les nations.
1.2. Déroulement du texte
v. 23. « Voici venir l’heure où doit être glorifié le Fils de l’homme ».
Dans l’Evangile de Jésus, le mot « l’heure », désigne le plus souvent un temps particulièrement significatif dans lequel s’accomplit et se révèle le salut apporté par le Christ.
En disant ici « l’heure est venue », Jésus signifie qu’avec sa mort prochaine, ce temps de salut est arrivé – car sa mort sera non seulement le moment où il expirera mais aussi et surtout le moment où il sera « glorifié », i.e., où sera révélé au monde la force et la profondeur de l’amour qui le pousse à donner sa vie pour les hommes.
v. 24. « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. »
Pour expliquer la fécondité de sa mort, (i.e., comment tout en étant affreuse, elle peut révéler un grand amour et devenir ainsi porteuse de salut), Jésus utilise une petite comparaison simple : un grain de blé qui doit tomber en terre, mourir, disparaître pour pouvoir donner une vie nouvelle, et porter du fruit.
v. 25. « Qui aime sa vie la perd ; et qui hait sa vie en ce monde la conservera en vie éternelle ».
Ici Jésus suggère que ses disciples seront eux aussi appelés à suivre ce qu’on peut appeler son « chemin pascal », i.e., un chemin où une vie nouvelle jaillit d’une mort, d’une grande épreuve. Il les invite, non pas à « haïr leur vie » mais à renoncer à quelque chose dans leur vie pour qu’ils puissent s’ouvrir à une autre qualité de vie, à une vie vraiment nouvelle, qui, elle, ne s’éteint pas avec la mort mais qui dure jusque dans la vie éternelle. (Par exemple, renoncer à un certain pouvoir sur d’autres personnes pour renaître à une vie plus fraternelle ; ou encore renoncer à l’image que je me suis fait d’un Dieu dur et exigeant avec qui je cherche à négocier pour m’ouvrir à une relation tout à fait nouvelle avec Lui, i.e., l’accueil reconnaissant de son amour gratuit, totalement inédit, qui me donne une nouvelle vie et me construit comme fils ou fille de Dieu).
v. 26. « Si quelqu’un me sert, qu’il me suive, et où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. »
Jésus suggère ici que ceux et celles qui lui font confiance et se laissent entraîner par lui sur ce chemin pascal, vont « être avec lui », participer à sa vie pour l’éternité en devenant fils de Dieu avec lui.
v. 27-28 « Maintenant mon âme est troublée. Et que dire ? Père, sauve moi de cette heure ! Mais c’est pour cela que je suis venu à cette heure. Père glorifie ton nom. Du ciel vint alors une voix : Je l’ai glorifié et de nouveau je le glorifierai. »
Jésus ici parle non plus du sens et de la fécondité de sa mort qui seront reconnus avec le temps, mais plutôt de ce qu’il éprouve maintenant au moment où cette mort approche. Comme à l’agonie, Jésus ne cache pas sa vulnérabilité ; il avoue simplement qu’il est « troublé » ou angoissé. Et comme à l’agonie, il laisse entendre qu’il serait tenté de demander à Dieu de le délivrer de cette épreuve. Mais il résiste à cette tentation et s’abandonne à son Père en lui demandant de « glorifier son nom », i.e., de faire apparaître dans sa manière d’accepter sa mort avec confiance et de donner sa vie par amour pour nous, un reflet de la beauté de l’amour de Dieu le Père pour nous ses enfants.
La voix qui vient du ciel confirme que la mort de Jésus fera apparaître la gloire de Dieu, i.e., la profondeur et la grande beauté de l’amour de Dieu pour nous.
v. 29-30. « La foule qui se tenait là et qui avait entendu, disait qu’il y avait eu un coup de tonnerre ; d’autres disaient : « un ange lui a parlé ». Jésus reprit : « Ce n’est pas pour moi qu’il y a eu cette voix, mais pour vous ».
Devant les gens qui ne savent comment interpréter cette voix qui vient du ciel, Jésus insiste qu’il faut lui prêter attention, car cette voix a retenti pour nous, i.e., pour nous confirmer la révélation du sens profond de sa mort prochaine : c’est l’amour avec lequel il donne sa vie qui fait que cette mort nous sauve.
v. 31-33. « C’est maintenant le jugement de ce monde ; maintenant le Prince de ce monde va être jeté dehors ; et moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi. Il signifiait par là de quelle mort il allait mourir. »
Le « jugement de ce monde » dont parle Jésus ici est un jugement qui est réalisé par sa mort comprise comme le sommet de la révélation de l’amour gratuit de Dieu pour nous hommes pécheurs.
Cette mort qui révèle l’amour est un « jugement » dans le sens où elle fait apparaître en pleine lumière qui est dans la vérité et qui est dans l’erreur, par rapport à Jésus, et à sa mort.
« Le Prince de ce monde », c’est le démon qui est « Père du mensonge ». Il voudrait nous faire croire que cette mort est un échec cuisant pour Jésus qui n’a pas réussi à s’imposer, qui s’est laissé avoir, et donc qu’il est inutile de faire confiance à Jésus et que cela ne sert à rien de chercher à le suivre.
Cette thèse du « Prince de ce monde » a pu être très répandue du temps de Jésus, comme aujourd’hui encore. Mais Jésus nous dit qu’elle sera démentie par tous ceux et celles qui sauront reconnaître dans la mort de Jésus, non pas un échec, mais la révélation fulgurante d’un amour qui nous sauve, nous pécheurs. Si nous accueillons cette révélation dans la foi, nous serons invités à participer à la vie de fils de Dieu, à devenir fils et fille de Dieu avec Jésus. Tous les hommes peuvent se laisser « attirer » et se laisseront finalement attirer par cet amour manifesté sur la croix de Jésus. Le grand bonheur et la paix qui seront donnés à ceux qui accueilleront cet amour et se laisseront attirer par Jésus, démontrera l’inanité, la superficialité de la thèse de celui qui se prétend « prince de ce monde ». Et il sera alors « jeté dehors ».
- 2. Ecouter la Parole que Dieu nous adresse à travers ce texte
2.1. Au moment où sa mort approche, Jésus nous révèle déjà le sens qu’il veut donner à sa mort. Ce sens est à la fois simple et lumineux : il nous dit qu’il ne veut pas simplement subir sa mort, mais qu’en mourant il veut donner sa vie par amour pour nous. Il voudrait nous révéler ainsi la profondeur de l’amour gratuit de Dieu pour nous pécheurs.
A la veille d’entrer dans la Semaine Sainte, remercions Jésus d’avoir bien voulu partager avec nous le sens de sa mort. Demandons-lui la grâce de contempler longuement sa croix, d’écouter avec l’oreille du cœur, ce qu’il veut nous dire du haut de la croix, de nous laisser « attirer », toucher par l’amour qui se révèle sur la croix.
2.2. En nous révélant le sens profond de sa mort, Jésus nous invite en même temps à partager sa manière d’aimer. La mort de Jésus n’est pas un spectacle que nous contemplons à distance. Au moment où il donne sa vie, Jésus nous invite à nous « laisser attirer par lui », i.e., de nous laisser conduire, entraîner à aimer comme il nous a aimés.
En entrant dans la Semaine Sainte, demandons lui avec insistance la grâce de nous laisser ainsi attirer, la grâce d’accueillir avec confiance son invitation à « mourir » au péché, i.e., à tout ce qui nous empêche d’aimer et de participer ainsi à la vie nouvelle que Jésus nous offre, la grâce de lui faire confiance, de nous ouvrir à cette vie, de nous laisser vraiment attirer vers lui.
2.3. Enfin, Jésus a voulu nous parler aussi de son angoisse et de son trouble devant les souffrances de sa passion. Jésus n’a pas cherché de privilège ; il a voulu être vulnérable comme nous, avec nous. Il a voulu partager les combats que nous devons tous mener pour ne pas céder à la peur et au trouble.
En nous partageant ainsi sa lutte pour rester fidèle à sa mission de fils, Jésus descend vers nous pour nous rejoindre dans nos combats. Il nous tend la main pour ainsi dire. Si nous voulons prendre la main qu’il nous tend, nous pourrons nous aussi traverser l’épreuve avec lui et comme lui, en laissant l’amour triompher de la haine.
En contemplant Jésus en croix, remercions le d’avoir bien voulu descendre pour nous rejoindre et pour nous entraîner avec lui sur les chemins de l’amour. Offrons lui toutes nos difficultés à pardonner, nos combats intérieurs, nos blocages, notre manque de confiance, et laissons le nous guérir, nous apaiser. Contentons-nous de nous laisser attirer par lui, par sa manière d’aimer. Suivons-le avec confiance. Nous savons qu’il nous entraînera à partager sa vie, la grande paix, le grand bonheur qui lui vient quand il s’abandonne à Dieu son Père pour aimer les hommes ses frères.
- 3. Prions pour répondre au Dieu qui nous parle
Après avoir pris le temps de contempler Jésus et de se laisser attirer par lui, chacun de nous trouvera sa façon d’exprimer à Jésus sa gratitude personnelle, sa façon de lui demander de nous sauver, et de lui dire notre désir que cet amour touche le plus grand nombre de personnes.
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