Interwiew par Sandra Potié dans La Vie Catholique (Septembre 2009)
Au mois d’août, Mgr Maurice E. Piat a effectué une visite de quinze jours en Inde. L’évêque a été impressionné par la foi profonde et le dynamisme de cette Eglise. Très touché par l’accueil spontané et combien chaleureux des Indiens, Mgr Piat est rentré au pays tout heureux d’avoir pu découvrir quelques aspects de la vie et des traditions de ce peuple attachant. Rencontre.
Mgr Piat, quelle était la motivation de votre visite en Inde?
Depuis plusieurs années, je désirais me rendre en Inde pour remercier les responsables de différentes congrégations religieuses dont les membres sont en mission à Maurice, pour leur contribution à la mission de l’Eglise à Maurice. Dans le passé, nous avons eu en effet plusieurs missionnaires venant de l’Inde : des Jésuites du Tamil Nadu ; plus récemment les pères Maria Paschal et Dorai Raj, deux pères des Missions Etrangères de Paris.
Notre diocèse a aussi accueilli plusieurs religieuses du Kerala et du Tamil Nadu apartenant à la Congrégation des Missionnaires de la Charité (Mère Teresa), aux Sœurs Franciscaines Missionnaires de Marie (FMM), aux Sœurs du Bon Secours, et récemment aux Sœurs Missionnaires de Marie Immaculée (SMMI) sans compter les Frères Missionnaires de la Charité à Surinam. Ce voyage représentait également l’opportunité de rencontrer les familles de certains d’entre eux – en particulier la famille de Sr Lydia (FMM), celles des pères Maria Paschal et Dorai Raj. Dans toutes ces familles, j’ai été reçu d’une manière très affectueuse et sympathique.
Quelques temps forts de votre visite…
- À Bangalore, j’ai visité une institution scolaire comptant plus de 5 000 élèves (filles et garçons, de la maternelle à l’Université), tenue par les sœurs Salésiennes Marie Immaculée (SMMI). Chaque jour, ils tiennent une seule assemblée et à midi, un repas chaud préparé par l’école est servi aux 5000 élèves. Et ce, dans une discipline et un calme extraordinaires. A Bangalore, j’ai aussi eu la joie de rencontrer la Mère Provinciale des SMMI qui nous a envoyé des sœurs à Maurice pour lancer deux communautés à Batimarais et à Plaisance, Rose-Hill.
- Dans le diocèse d’Ootacamund, j’ai visité une paroisse avec des gens très pauvres qui se regroupent en petites communautés ecclésiales de base de six ou sept familles. Ces communautés pauvres, invitées à préparer la messe du dimanche à tour de rôle ont voulu aussi, poussées par un sens extraordinaire de l’hospitalité, offrir un repas chaud à tous ceux et celles qui assistaient à la messe dominicale ! J’ai été très impressionné par ce qu’a dit le curé à ce sujet : « Les pauvres n’ont pas simplement besoin d’être aidés. Ils ont une dignité. Ils cherchent aussi à pouvoir donner gratuitement ».
- J’ai aussi visité à Tridy une école de danse indienne – classique et folklorique – appelée « Kalai Kaveri ». Cette école a été lancée par un prêtre catholique, le Père Georges. En recueillant les vieilles traditions de danse indienne, ce dernier permet aujourd’hui aux jeunes de pratiquer la danse à un niveau professionnel. L’école est reconnue à un niveau universitaire par l’Etat du Tamil Nadu. Les jeunes filles qui étudient là bas inventent des danses sur des thèmes qu’on leur donne et les interprètent avec beaucoup de grâce.
- A Chennai, j’ai visité le TTK Hospital, lieu de réhabilitation pour les drogués. Dans un même lieu, les toxicomanes reçoivent une désintoxication médicale, une prise en charge psychologique, une thérapie par le travail. Un accueil et une formation sont aussi offerts aux parents des drogués. C’est un hôpital de très haut niveau, où professionnels et volontaires travaillent de concert. De plus, il y a une approche humaine, une attention aux personnes qui impressionne et qui rayonne. Les Mauriciens qui sont engagés dans la lutte contre la toxicomanie gagneraient beaucoup à visiter ce centre.
- A Chennai, j’ai été impressionné par la formation théologique des Jésuites : les étudiants sont invités à se confronter aux grandes religions et à la grande pauvreté. Ils étudient la théologie et réfléchissent leur foi en tenant compte de ce que ces rencontres leur ont appris. J’ai aussi eu la joie de célébrer la messe et de me recueillir sur la tombe de l’apôtre Saint-Thomas qui a été martyrisé et qui est mort dans les environs de Chennai.
Y a-t-il des possibilités d’échanges entre l’Inde et l’île Maurice ?
J’espère que petit à petit nous pourrons organiser des rencontres entre des personnes travaillant dans certaines institutions d’Eglise à Maurice et en Inde. Je pense que nous pourrons gagner beaucoup en rencontrant des chrétiens de l’Inde qui vivent et qui réfléchissent leur foi dans un contact quotidien avec les grandes religions et la grande pauvreté. Ils n’ont pas de recettes, ils n’ont pas des solutions toute faite. Mais il y a là bas une recherche intéressante et dynamisante. La plupart des pays du monde deviennent aujourd’hui multiculturels et multireligieux et la plupart – même les pays riches – ont des poches de grande pauvreté. L’Eglise doit apprendre à s’ouvrir à ces réalités et à témoigner de l’amour de Dieu au cœur de ces réalités.
Quelles sont les réalités du pays que vous avez vous-même constatées ?
Je ne parlerai pas de l’Inde mais seulement du Tamil Nadu où j’ai effectué des visites. Dans le Tamil Nadu, j’ai rencontré une société dynamique, qui connaît une grande croissance économique. J’ai été frappé par le fait que la modernité qui envahit les différentes sphères de la vie, ne les éloigne pas de leurs valeurs traditionnelles de frugalité, de cohésion familiale, et de simplicité et de dynamisme au travail. Je n’ai pas vu de pauvres sur la route, à ne rien faire. Même ceux habitant des taudis sont actifs : ils envoient leurs enfants à l’école et ont la volonté de sortir de la pauvreté. Le style de vie est simple mais digne, accueillant, fraternel. Il y a une entraide et un dynamisme surprenants.
Comment est-ce que votre visite dans la Grande Péninsule peut-elle porter des fruits pour notre diocèse ?
Le contact gratuit avec une autre Eglise dans un contexte socio-culturel différent nous aide à mieux comprendre et apprécier notre foi. Cela nous fait découvrir une autre manière d’approcher la pauvreté ; de dialoguer avec les grandes religions ; d’exprimer sa foi à travers sa culture. Je suis allé en Inde non pas pour faire un plan d’action mais pour ouvrir mes yeux et mon cœur. Je ne le regrette pas. Loin de là. J’ai été enrichi personnellement. J’espère que d’autres pourront faire la même expérience.
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