Suite aux deux rencontres, le week-end du 10-11 février dernier, avec les responsables de mouvements de jeunes à Curepipe et à Rose-Hill, les premières d’une longue série, Mgr Maurice Piat a bienveillamment accepté de présenter sa vision de la «pastorale des jeunes» aux lecteurs de La Vie Catholique.
On parle beaucoup de pastorale. Que veut dire au juste le mot «pastorale» ?
Ce mot vient de «pasteur» ou berger. S’engager dans la pastorale des jeunes, c’est donc s’engager à être berger pour les jeunes, ou plus exactement à être «bon berger» pour eux, à l’exemple de Jésus.
Et c’est quoi être «bon berger» ?
Etre « bon berger », c’est d’abord regarder la foule des jeunes aujourd’hui, de la même façon que Jésus regardait la foule de son temps. L’Evangile nous dit (Mt 9, 56) qu’en regardant la foule, Jésus a été saisi de pitié parce que les gens étaient fatigués «comme des brebis sans berger». Des brebis sans bergers sont des brebis qui cherchent quelque chose. Elles ont en elle une grande soif, mais elles n’ont personne pour les aider à trouver une direction, un sens à leur vie. Aujourd’hui aussi, beaucoup de jeunes sont à la recherche d’un bonheur solide, durable, mais souvent ils ne croisent sur leur chemin que des gens qui cherchent à leur vendre du plaisir. Ces gens ne font que flatter leurs instincts et cherchent à faire de l’argent sur leur dos. En fait, ils les entraînent dans des pièges. Les jeunes rencontrent beaucoup de marchands de plaisir, mais peu de vrais bergers qui gratuitement ouvrent, devant eux, les chemins qui conduisent à un bonheur qui peut vraiment les épanouir.
Quel a été votre appel aux responsables réunis à Curepipe et à Rose-Hill ?
J’ai demandé aux responsables des mouvements de jeunes s’ils pouvaient être avec moi, avec les prêtres et les religieuses, de bons bergers pour les jeunes Mauriciens d’aujourd’hui. Je leur ai spécialement demandé à «être bergers ensemble», et pas chacun de son côté.
Pour atteindre cet objectif, avez-vous privilégié une approche quelconque ?
Pour être bon berger pour les jeunes aujourd’hui, j’ai proposé trois approches complémentaires qui s’inspirent de trois récits de l’Evangile où l’on voit Jésus Ressuscité envoyer ses apôtres en mission (Mc 16, 15-16 ; Mt 28, 16-20 ; Lc 24, 44-49).
La première, nous la retrouvons dans saint Marc (16, 15-16). Le Christ Ressuscité envoie ses apôtres en mission en leur disant : «Proclamez l’Evangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé.» Pour être pasteur ou berger auprès des jeunes, une première approche consiste à les inviter à découvrir l’Evangile comme une bonne nouvelle et à y adhérer par une petite démarche personnelle. C’est ce que Jésus a fait au début de son ministère, quand il rencontre deux hommes qui sont en pleine recherche, et leur dit «Venez et voyez». Il les appelle ainsi à faire une démarche, à faire confiance, et leur promet qu’ils découvriront quelque chose qui répondra à leur attente. Dans la pastorale des jeunes aujourd’hui, nous devons aussi inviter des jeunes à vivre différents types de «temps forts». Cela leur demandera de faire une première démarche, de faire confiance. Même si rien n’est automatique, les jeunes peuvent être touchés lors de ces temps forts ; ils peuvent découvrir l’amitié que Jésus leur offre et qui peut transformer leur vie. C’est ce qu’on appelle quelque fois le «choc évangélique» – l’éblouissement d’une première rencontre pleine de promesse. Plusieurs groupes proposent aux jeunes aujourd’hui de tels temps forts, par exemple, les week-ends YES, l’expérience Pèlerin d’espérance, des retraites…
Et la deuxième approche ?
Dans St Mathieu (28, 16-20), le Christ Ressuscité envoie ses apôtres en mission en leur disant : «Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit.» Le Christ propose ici une deuxième approche, une deuxième manière d’être berger. Il s’agit d’apprendre à ceux qui ont déjà été touchés par le Christ, à devenir des disciples. Etre touché, faire une expérience même très belle de l’amitié avec le Christ ne suffit pas. Le bon berger doit aussi inviter les jeunes à découvrir peu à peu ce que l’amitié avec le Christ peut transformer dans sa vie ; c’est le travail lent et patient de la catéchèse qui apprend aux jeunes à suivre le Christ dans sa vie de famille, sa vie d’étudiant ou de travail, ses relations amicales ou amoureuses. Cette deuxième approche de la pastorale des jeunes se réalise dans des temps, plus ou moins longs, de catéchèse, ou de formation. Par exemple, un temps long qui est proposé à Maurice aux jeunes qui ont terminé leurs études secondaires, c’est le parcours Groupe 40. Il y a aussi d’autres parcours plus courts, comme les sessions Youth Alive ou les sessions EVA sur les relations garçons-filles et la sexualité. Il y a aussi des programmes de catéchèse extrascolaire par thèmes ou des «espaces jeunes» qui éclairent différents aspects de la vie des jeunes.
Et la dernière voie ?
Dans St Luc (24, 45-49), le Christ Ressuscité, avant d’envoyer ses apôtres en mission, commence par «leur ouvrir l’esprit à l’intelligence des Ecritures» et puis il leur dit, «c’est comme il a été écrit : le Christ souffrira et ressuscitera des morts le troisième jour, et on prêchera en son nom la conversion et le pardon des péchés à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. C’est vous qui en êtes les témoins. Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Pour vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez, d’en haut, revêtus de puissance». Le Christ propose ici une troisième approche : Pas seulement devenir disciple, mais aussi devenir son témoin. Il s’agit de faire résonner l’Evangile comme bonne nouvelle en plein cœur du monde où nous vivons. Les jeunes, eux aussi, sont appelés à assumer leur part de cette mission. Il ne faut pas les sous-estimer. Ils sont capables d’un don de soi et d’une générosité. Mais dans le monde où nous vivons, cela demande du courage, car il s’agira souvent de nager à contre-courant. C’est pourquoi être berger auprès des jeunes, cela veut dire aussi les accompagner, les soutenir dans leur engagement chrétien en plein cœur de leur vie d’étudiant, de jeunes travailleurs ou de jeunes cadres. Ce soutien est essentiel pour que les jeunes puissent durer dans leur engagement. Il ne suffit pas de dire aux jeunes : «Engagez-vous, engagez-vous.» Les jeunes qui ont été touchés par le Christ et qui veulent vivre loyalement leur foi dans le monde des jeunes, ont grand besoin d’avoir des lieux, des personnes ou des groupes où ils peuvent parler de leurs joies et de leurs difficultés, où ils peuvent se ressourcer et planifier leur engagement. Ce sont les mouvements de jeunes surtout qui aujourd’hui offrent un tel accompagnement aux jeunes : par exemple, la JOC pour les jeunes travailleurs, la JIC pour les jeunes de milieux aisés, le Mouvement eucharistique des jeunes, la Jeunesse mariale, la Légion de Marie, les Equipes du Rosaire, le Groupe Teresa Teens Group…
Cette réflexion favorisera-t-elle une complémentarité entre les différents mouvements ?
Pour terminer, j’ai suggéré aux responsables de groupes et de mouvements des jeunes, de réfléchir en profondeur sur ces 3 approches de la pastorale des jeunes. A partir de là, nous découvrirons la complémentarité qu’il y a entre les différents types de mouvements. C’est pourquoi, au début, j’avais demandé à ce que nous soyons bergers ensemble. Il faut surtout éviter toute compétition entre mouvements. Il s’agit plutôt de découvrir en profondeur ce que chaque mouvement apporte d’original dans la pastorale des jeunes et chercher les moyens concrets de se compléter.
Je souhaite de tout mon cœur qu’au-delà de ces rencontres, les responsables des mouvements de jeunes arrivent à porter ensemble la pastorale des jeunes. Nous avons des outils, des ressources et des personnes fantastiques déjà engagées dans cette pastorale. Ce qu’il nous manque, c’est de nous rencontrer davantage pour mettre en commun nos ressources afin d’être berger ensemble. Pour cela, il nous faut travailler en réseau. Chaque mouvement doit rester ce qu’il est, mais on peut réfléchir ensemble, partager la même vision, porter ensemble la même mission. Ce travail en réseau peut commencer au niveau de la paroisse avec le CPJ.
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