Chers frères et soeurs,
Je sais que vous vivez en ce moment des temps difficiles. Notre pays subit l’impact de changements profonds dans la vie économique. Notre Eglise aussi est secouée par le départ de plusieurs jeunes prêtres et par une baisse dans la relève. Notre bateau est battu par de grosses vagues. Vous êtes bouleversés. Je peux le comprendre. Au milieu de cette tourmente, je voudrais vous adresser une parole d’espérance, et vous inviter au courage de l’espérance.
Mais d’abord, je tiens à rendre grâce à Dieu pour ceux et celles d’entre vous qui ont déjà ce courage. Que vous soyez Hindous, Musulmans, Chrétiens ou non-croyants, je rends grâce pour vous, les couples qui rayonnez la joie simple et forte de la fidélité ; pour vous, éducateurs qui avez le sens de votre vocation et savez donner aux jeunes le goût du don de soi, de la responsabilité, de l’intégrité ; pour vous, enfants et jeunes, ouverts à une amitié sans frontières, généreux et inventifs dans le service des autres ; pour vous, hommes et femmes qui, en plus de travailler dur pour gagner votre vie, n’hésitez pas à donner votre temps pour un service volontaire dans l’Eglise, dans des ONG, ou auprès des plus faibles de notre société ; pour vous qui gardez votre liberté de parole, soulevez les vraies questions et suscitez les débats nécessaires à l’avancement de notre société ; pour vous aussi qui luttez pour plus de transparence et de justice dans le monde du travail, des affaires ou de la politique ; pour vous enfin qui, avec patience et acharnement, jetez des ponts entre les différentes composantes de la société mauricienne, afin de construire une paix durable.
Je rends grâce au Seigneur pour la flamme de l’espérance qui brille en vos cœurs, et rayonne au milieu de nous, malgré les coups de vent qui cherchent à l’éteindre. Sans vous, cet appel à l’espérance n’aurait aucun poids. C’est vous qui montrez qu’il est encore possible aujourd’hui de garder espoir. Et cela donne du courage.
- Espérer contre toute espérance – dans le pays
1.1. La fin de protections
Vous savez comme moi que notre pays connaît aujourd’hui des transformations profondes. Les règles du commerce international ont changé. Nous ne sommes plus protégés dans ce vaste marché mondialisé. Le prix de notre sucre n’est plus garanti. Il n’y a plus de quotas garantis pour nos produits textiles. Pour la première fois, dans notre histoire, nous devons nous débattre seuls, sans protection, dans cette jungle de la concurrence internationale. Pour survivre, notre pays doit s’adapter continuellement, et entreprendre de nouvelles activités économiques.
Cette disparition de nos protections au niveau international entraîne, au niveau national, la disparition progressive d’un régime de protection auquel vous étiez habitués : par exemple, les subventions pour tout le monde indistinctement, sur l’eau, le riz, la farine, etc. sont remises en question ; ou encore, les emplois surnuméraires dans l’industrie sucrière, la fonction publique, les municipalités ou les corps para-étatiques ne seront plus protégés.
Ce changement de régime déstabilise l’emploi. Il faudra s’habituer, nous dit-on, à changer d’emploi plusieurs fois dans sa carrière. Il est vrai, des formations adaptées aux nouveaux types d’emplois sont proposées. Des incitations sont aussi offertes à ceux et celles qui désirent se lancer dans la petite entreprise. Mais ne devient pas entrepreneur qui veut, et encore moins du jour au lendemain. Il y en a qui se demandent s’ils pourront continuer à gagner leur vie à Maurice. Beaucoup émigrent et d’autres songent à émigrer.
De plus, ce remue ménage économique augmente considérablement le coût de la vie. C’est vous, au bas de l’échelle, qui êtes le plus affectés. Vous devez vivre avec de petits salaires, dans des logements précaires, souvent dans un environnement insalubre. Avec les prix qui montent et un surendettement qui vous accablait déjà, vous vous demandez comment joindre les deux bouts. Comme pendant un cyclone, quand les rafales tapent, ce sont les plus faibles qui souffrent le plus. Comme après un cyclone, notre solidarité doit se faire plus inventive, plus fraternelle.
1.2. La Solidarité – source d’espérance
Pour cela, il ne suffit pas que l’Etat décide de mieux cibler ses subventions. Il faut encore un changement de mentalité chez les citoyens : que les plus forts acceptent de renoncer à certains avantages, même acquis, pour que les plus faibles restent « on board » et participent eux aussi au développement. Seule la solidarité garde vivante la flamme de l’espérance.
Mahatma Gandhi disait : « The country has enough to satisfy every man’s needs but not every man’s greed ». En temps de crise, il faut se concentrer sur les vrais besoins des gens et combattre la cupidité. Car la cupidité confisque les ressources qui doivent servir à remettre debout les plus faibles. Le passage d’une mentalité de profiteur à une mentalité solidaire est le seul chemin pour sortir gagnant de cette crise.
Malheureusement, parmi ceux et celles d’entre vous qui veulent faire quelque chose dans ce sens, beaucoup se heurtent, impuissants, à une force d’inertie qui bloque les avenues, pourtant déjà tracées, qui conduisent à une amélioration du sort des plus faibles ou au développement durable de notre pays. Une certaine lassitude gagne du terrain. Le risque est là de ne plus espérer la lumière au bout du tunnel et de glisser dans l’indifférence ou le « sauve-qui-peut ».
En ce début de carême, je vous invite à ne pas céder à cette tentation. Prenez plutôt la vraie mesure des transformations que notre pays est en train de vivre. Une certaine qualité de vie a été possible jusqu’ici grâce à des protections internationales et à des subventions locales données à tous indistinctement. Ces protections sont appelées à disparaître. Et ces subventions doivent être réservées pour les plus faibles. Ce n’est plus le moment de lutter pour préserver les acquis ou les privilèges d’un autre âge. Il s’agit plutôt de créer ensemble une société ouverte, responsable et inventive dans sa solidarité envers les plus faibles.
Serrons-nous les coudes comme des frères. Chacun peut devenir acteur. Chacun peut apporter une contribution à un développement réel, intégral qui profite à tous. Notre pays a besoin de personnes comme vous qui vivez l’espérance au quotidien de manière active, inventive, engagée. Persévérez, votre courage deviendra contagieux.
- Espérer contre toute espérance – dans l’Eglise
Dans l’Eglise aussi nous vivons des moments difficiles. En trois ans, cinq jeunes prêtres nous ont quittés. Je comprends que cela puisse vous déchirer, que vous vous sentiez abandonnés, votre confiance trahie. Pendant ces mêmes trois ans il n’y a pas eu d’entrée au séminaire. Du côté de la vie religieuse, il n’y a pas non plus beaucoup de jeunes qui se présentent. Chez les laïcs également, surtout ceux qui sont engagés dans les services et les mouvements, la relève n’est pas suffisante. Le nombre de pratiquants réguliers stagne ou diminue.
Dans l’Eglise aussi, une certaine lassitude nous guette. Devant les multiples demandes des gens, et devant les nombreux défis de la mission, plusieurs d’entre vous ressentent douloureusement la disproportion qui existe entre l’ampleur de la tâche à accomplir et la petitesse des moyens dont nous disposons. De plus, certains aspects de cette mission sont plus difficiles aujourd’hui. Par exemple, le dialogue interreligieux est délicat au milieu des tensions nationales et internationales. La lutte pour la justice est complexe dans le contexte hyper-libéral de l’économie mondiale. Quelque fois même, défendre les droits de l’homme, comme nous le demande l’Evangile, peut devenir dangereux.
Devant ces difficultés réelles, ne baissez pas les bras, ne cherchez pas de boucs émissaires. Il ne sert à rien de tourner en rond dans des plaintes sans fin. En ce début de carême, je vous invite plutôt à vous replonger dans la source de l’espérance chrétienne. Là, vous retrouverez le courage.
2.1. Un passage vital pour l’avenir
Pour renaître à l’espérance, je vous invite à relire dans la foi, la situation délicate où se trouve notre Eglise aujourd’hui. Cherchons à entendre ce que le Seigneur nous dit, ce à quoi il nous appelle, en ces moments difficiles.
Je sens vraiment que ce temps d’épreuve est comme un passage douloureux mais vital pour l’avenir de l’Eglise. Un peu à la manière d’une chrysalide, une vieille coque doit tomber pour qu’un papillon puisse éclore. Un certain type d’Eglise est en train de disparaître pour permettre à une nouvelle figure d’Eglise de naître.
Ce qui n’a pas d’avenir c’est une Eglise qui a encore l’illusion de croire que sa force et sa solidité lui viennent de la quantité de ses fidèles. Ce qui est porteur de vie nouvelle c’est une Eglise qui s’appuie plutôt sur la qualité de leur foi. Une Eglise qui sait que seule l’adhésion personnelle de chacun au Christ la construit sur le Roc, et que seul ce Roc lui donne sa solidité et son assurance.
Ce qui n’a pas d’avenir c’est une Eglise qui a encore l’illusion de croire qu’elle transmettra la foi et la pratique de génération en génération par la seule force des traditions familiales ou des coutumes sociales. Ce qui est porteur de vie nouvelle c’est une Eglise qui reconnaît que, pour transmettre la foi, elle doit s’adresser à la liberté des personnes ; et que pour cela elle doit pouvoir rendre compte de l’espérance qui est en elle, témoigner du bonheur de croire au Christ et de suivre le Christ, proposer clairement son chemin de salut ; et puis respecter la décision de chacun.
Je voudrais ici rendre grâce au Seigneur pour tous ceux et celles d’entre vous qui déjà êtes attachés au Christ par une foi personnelle, et qui déjà cherchez à le suivre humblement sur son chemin. Je vous remercie de ne pas vous contenter de rester dans l’Eglise « de corps » mais d’y être « de cœur », de tout votre cœur. C’est grâce à votre foi active que l’Eglise à Maurice pourra peu à peu prendre la forme du Corps du Christ et rayonner le Christ au cœur de notre société. Grâce à vous, l’Eglise pourra vivre ce passage difficile avec courage, car elle saura que la vieille coque qui tombe, permet en fait au nouveau papillon de naître et de porter l’espérance à la ronde.
2.2. Réveiller l’appel du baptême
C’est ainsi qu’aujourd’hui résonne pour moi un appel fort que je voudrais vous transmettre. Remarquez combien souvent l’appel du Seigneur retentit plus clairement dans l’échec ou dans l’épreuve. Prenez par exemple l’apôtre Pierre. Il avait suivi Jésus avec enthousiasme au début, pensant que Jésus réussirait socialement. Mais, par la suite, son triple reniement a été pour lui un échec et la mort du Christ un désastre. C’est alors, au cœur de son épreuve, qu’il entend résonner pour lui un nouvel appel, décisif celui-là, « Pierre m’aimes-tu ? » (Jn. 21,15-17). Prenez encore l’apôtre Paul. C’était un homme fougueux qui croyait plaire à Dieu en persécutant les premiers chrétiens. Mais sur le chemin de Damas, l’appel du Seigneur lui fait prendre conscience de l’impasse où cette violence l’enfonce : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ?….Je suis Jésus que tu persécutes » (Actes, 9,4-5). Alors, au cœur de son désaroi, il répond à l’appel et devient le témoin de Celui qu’il avait persécuté. Pour Moïse c’est la même chose. Au début il avait du succès à la cour de Pharaon. Et, fort de son succès, il avait voulu libérer son peuple, mais à sa manière, en frappant un grand coup. Il échoue lamentablement et doit s’enfuir au désert. C’est là, au cœur de sa déconfiture, lui le grand intellectuel devenu petit berger, qu’il entend l’appel du Seigneur « Va, je t’envoie auprès de Pharaon, fais sortir d’Egypte mon peuple » (Ex.3, 10).
Aujourd’hui encore, alors que notre Eglise se sent démunie, comme au milieu d’un désert, entendrons-nous l’appel du Seigneur qui résonne au cœur de notre épreuve ? C’est l’appel fondamental du baptême, qui resurgit et nous réveille. Nous l’avions négligé peut-être, ou l’avions pris pour acquis lorsque les choses allaient bien. Alors, nous étions sûrs de nous-mêmes, peut-être même un peu fiers. Aujourd’hui, dans la situation plus difficile où nous sommes, l’appel du baptême peut prendre des résonnances nouvelles.
En plein désarroi devant la fragilité des engagements humains, Dieu vous appelle par votre nom comme un Père appelle son enfant. Croyez de toutes vos forces à la puissance de son appel. C’est lui qui structure votre vie, et lui donne un sens. Croyez à la fidélité de Dieu, votre Père. Appuyez-vous sur cette fidélité et, vous verrez, la fidélité humaine deviendra possible pour vous. « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ».
En pleine crise économique tentés par l’individualisme et le « sauve qui peut », vous êtes appelés à vous laisser toucher de compassion. Devant l’homme blessé, Jésus vous invite à vous faire serviteur comme lui jusqu’au don total de vous-même. Croyez de toutes vos forces en Jésus qui se fait votre ami. Appuyez-vous sur lui et vous verrez, le service deviendra pour vous une source de grande joie : « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ».
Au milieu des multiples sollicitations de la vie moderne, l’Esprit du Seigneur a été répandu dans vos cœurs. Comme une force tranquille, il vous donne la capacité d’aimer et de choisir librement la fidélité au Christ. Croyez en la force libératrice de l’Esprit. Laissez-vous guider par lui. « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ».
2.3. Semer à temps et à contretemps
Prenez le temps durant ce carême, de réentendre l’appel de votre baptême. Laissez le résonner dans vos cœurs, au milieu des défis actuels de notre société, et de notre Eglise.
Faites en sorte que cet appel résonne aussi pour vos frères et sœurs qui n’en soupçonnent pas encore la beauté. Derrière ce qui peut paraître de l’indifférence, il y a souvent en eux une soif profonde, une attente. Trouvez les moyens de réveiller en eux cet appel libérateur. Apprenez-leur à répondre personnellement dans une prière qui s’abandonne à Dieu avec confiance. Apprenez leur aussi à écouter la Parole de Dieu. On ne peut pas répondre si on ne prend pas le temps d’écouter celui qui nous appelle. Apprenez-leur enfin à se laisser guider par l’Esprit qui travaille au fond de leur cœur. Avec lui ils trouveront la vraie liberté, la force d’aimer et de témoigner du Christ.
N’hésitez pas à semer. Il y a beaucoup de coins de bonne terre qui attendent qu’un semeur s’approche. Croyez dans la puissance transformatrice de cette semence apparemment fragile. Retrouvez le courage de l’espérance.
- Appeler pour la mission
Plus vous laisserez réveiller en vous l’appel du baptême, mieux vous entendrez résonner les appels de la mission. Je sens vraiment qu’en ce temps d’épreuve, ce n’est pas le moment de se replier sur soi-même mais au contraire de s’ouvrir sur le large. C’est la mission reçue du Christ qui dynamise l’Eglise, lui donne son sens. Restez attentifs. Ici aussi des illusions sont en train de tomber. Une nouvelle manière d’exercer la mission est en train d’émerger dans l’Eglise.
3.1. Vivre la mission humblement
Ce qui n’a pas d’avenir c’est une Eglise qui a encore l’illusion de croire que son influence dépend de la place dominante qu’elle a pu occuper dans la société, ou du statut social dont ses prêtres ont pu bénéficier. Ce qui est porteur de vie nouvelle c’est une Eglise qui sait que son rayonnement dépend plutôt du témoignage qu’elle porte à l’Evangile, « force de Dieu pour le salut de tout homme qui croit » (Rm. 1, 16). Une Eglise qui sait qu’elle est envoyée non pas pour réussir socialement mais pour être fidèle : fidèle à déposer l’Evangile comme une semence au cœur de la cité, en faisant confiance au dynamisme caché de l’humble grain de blé jeté en terre, qui doit mourir pour porter du fruit.
Ce qui n’a pas d’avenir c’est une Eglise qui prétendrait pouvoir quadriller le terrain et avoir des solutions toute faites aux problèmes humains (santé, intoxication, éducation, harmonie familiale, intégration sociale, etc.). Ce qui est porteur de vie nouvelle c’est une Eglise qui sait que le salut est plutôt un chemin à faire, un chemin à faire ensemble avec le Christ, un chemin où nous nous donnons la main pour lutter ensemble et renaître à une vie plus libérée, plus fraternelle. Sur ce chemin, nos fardeaux humains demeurent mais deviennent plus légers, parce qu’ils sont portés dans l’amitié avec le Christ, et dans la solidarité avec nos frères et sœurs.
Je rends grâce à Dieu pour vous, laïcs, religieux, religieuses, prêtres qui êtes déjà engagés sur les nombreux chemins de cette mission à l’île Maurice. Je rends grâce pour vous qui, en réponse à l’appel de votre baptême, prenez volontiers votre part de la mission, et prenez aussi le temps de vous former, pour vous préparer à assumer vos nouvelles responsabilités. Je rends grâce pour tous ceux et celles que vous accompagnez déjà sur ces chemins. Grâce à vous et à votre fidélité, des pauvres deviennent les agents de leur propre développement, des jeunes, des couples, des malades, des blessés de la vie, retrouvent le courage de l’espérance.
3.2. L’appel des brebis qui n’ont pas de bergers
Cependant, malgré tout ce bon travail, les besoins humains de nos frères et sœurs, leur soif spirituelle restent immenses. Tout cela résonne en moi comme un appel fort du Seigneur. Je pense à un épisode de l’Evangile, où au retour d’une tournée missionnaire harassante, Jésus contemple la foule qui est toujours là. Il ne s’appesantit pas sur tout ce qu’il a déjà réalisé dans son ministère auprès des gens. Mais plutôt, il continue à contempler la foule. L’Evangile nous dit qu’« il en eut pitié, car ces gens étaient las et prostrés comme des brebis qui n’ont pas de berger ». C’est alors qu’il invite ses disciples à prier pour que d’autres s’engagent eux aussi : « la moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson » (Mt.9, 36-37). Et juste après, lui-même appelle les douze apôtres et les envoie en mission. Remarquez comment dans l’Evangile l’appel du Seigneur est toujours en fonction des besoins pastoraux des gens. Jésus vous invite d’abord à être avec lui pour partager sa compassion. Il vous invite à contempler avec lui ceux qui se sentent perdus comme des brebis qui n’ont pas de berger, et à vous laisser toucher.
3.3. Appeler, former, envoyer
Aujourd’hui encore, à Maurice, la moisson est abondante et les ouvriers peu nombreux. Priez pour que de nouveaux ouvriers acceptent de se laisser embaucher. Priez et appelez comme le Christ lui-même l’a fait. Priez et appelez comme Père Laval aussi l’a fait chez nous autrefois. Parlez autour de vous des besoins pastoraux qui vous ont touchés. Témoignez des immenses attentes de vos frères et sœurs, de leur soif spirituelle. Appelez des jeunes et des adultes pour des services précis. Donnez à ceux qui répondent la formation nécessaire pour qu’ils puissent assurer le service demandé. Soyez fraternels dans la mission. Soutenez-vous mutuellement. A chaque fois qu’un d’entre vous, enfant, jeune ou adulte, se laissera toucher par son frère, entendra l’appel du Christ, et répondra par un service précis, il contribuera à garder vivante la flamme de l’espérance, dans l’Eglise comme dans le pays.
- Porter ensemble la mission
Pour répondre aux appels de la mission, vivre la coresponsabilité dans l’Eglise est un élément clé. Ici encore, au cœur de notre épreuve, quelque chose de nouveau est en train de naître. Restez attentifs. Le Seigneur nous indique un chemin.
4.1. Une mission prophétique
Ce qui n’a pas d’avenir c’est une Eglise qui a l’illusion de croire qu’elle est faite seulement pour «organiser le religieux pour les chrétiens », pour offrir des cérémonies religieuses adaptées à différentes occasions (anniversaires, fin d’année, ouvertures, etc.). Ce qui est porteur de vie nouvelle c’est une Eglise qui prend conscience qu’elle est faite d’abord pour un service « prophétique » : faire résonner l’Evangile dans les différents lieux de vie des hommes et de la société. Dans cette perspective, les sacrements deviennent des lieux où l’alliance de l’Eglise avec son Seigneur est célébrée et renouvelée, pour qu’elle reprenne souffle et redonne courage à tous ceux et celles appelés à être, dans leur vie, des signes d’espérance pour l’humanité.
Ce qui n’a pas d’avenir, c’est une Eglise qui s’organise sur la base du couple « prêtres – laïcs » : les prêtres proposant les activités religieuses, organisant tout, animant tout, répondant à toutes les demandes et les laïcs demeurant soit consommateurs, soit spectateurs. Ce qui est porteur de vie nouvelle c’est une Eglise qui sait que le baptême appelle chaque chrétien à participer à la mission prophétique. Cette mission est tellement vaste, elle touche à des domaines si variés de la vie des personnes et de la société, qu’elle ne peut être portée par les prêtres seuls. Chacun, qu’il soit prêtre, laïc, religieux ou religieuse, a un rôle propre à jouer. Mais c’est ensemble dans un esprit de franche coresponsabilité que tous doivent porter la mission.
Je voudrais rendre grâce ici pour ceux et celles d’entre vous qui vivez déjà cette coresponsabilité en paroisse, dans les mouvements et les services d’Eglise. Je suis témoin personnellement de la joie et du dynamisme qui se dégagent, lorsque prêtres, laïcs, religieux, religieuses ne font pas que partager des tâches, mais portent ensemble dans leur cœur et dans leur prière, la mission prophétique qui leur est confiée.
4.2. Rôle propre du prêtre
Au moment où notre Eglise vit des transformations profondes, je voudrais m’adresser particulièrement à vous, chers frères prêtres. D’abord je voudrais rendre grâce au Christ qui vous a appelés pour être avec lui et pour vous envoyer. Je rends grâce aussi pour la réponse que vous donnez à cet appel tout au long de vos vies, pour votre charité pastorale, pour votre fidélité à la mission qui vous est confiée, pour le soutien fraternel qui se vit entre vous et à mon égard dans notre responsabilité commune. Je rends grâce spécialement pour vous qui êtes rentrés pleinement dans cette nouvelle manière d’exercer votre ministère, en collaboration avec les laïcs, les religieux et les religieuses. Je sais qu’en vivant au jour le jour cette coresponsabilité, vous redécouvrez avec joie le rôle irremplaçable que vous êtes appelés à jouer au sein de l’Eglise. Au moment où le nombre de prêtres diminue dans le diocèse, c’est votre rôle propre de prêtre dans l’Eglise que je vous invite à approfondir.
Je vous propose ici trois repères :
a) Soyez d’abord des « pères dans la foi » pour vos communautés. L’autorité qui vous a été conférée par l’ordination consiste à aider les fidèles à répondre à l’appel de leur baptême. Les laïcs qui s’engagent ne sont pas à votre service ; ils ne sont pas là « pour donne ene p’tit coup de main mon Père ». C’est vous, au contraire, qui êtes à leur service, pour veiller à ce qu’au sein de leur famille comme de leurs engagements ils mûrissent dans la foi, s’affermissent dans l’espérance et développent une charité plus affinée. Alors ils pourront assumer avec joie la part de responsabilité dans la mission qui leur a été confiée de par leur baptême.
b) Soyez aussi des serviteurs de l’unité au sein de vos communautés. Servir l’unité au milieu de toutes les sensibilités pastorales et de toute la diversité culturelle que nous connaissons est un ministère exigeant. Il vous demandera plus que des techniques, plus que du savoir-faire. Il fera appel au don de vous-mêmes que vous avez fait le jour de votre ordination. N’oubliez pas qu’au dernier repas, au moment où la communauté des apôtres éclatait, Jésus a fait don de lui-même et a servi humblement. C’est ainsi qu’il est devenu ferment d’unité. C’est ce que vous commémorez et ce dont vous vous nourrissez dans chaque Eucharistie.
c) Soyez enfin des veilleurs qui rappellent sans cesse à la communauté la mission qui lui est confiée. Nos communautés d’Eglise sont souvent tentées de se replier sur elles-mêmes. Ouvrez constamment la communauté sur le large. Contemplez avec elle les vastes horizons de la mission. Ecoutez le Seigneur qui nous invite à pousser vers le large. Même en temps de crise, c’est toujours la mission qui dynamise l’Eglise.
Je vous invite aussi, vous les fidèles laïcs, les religieux et religieuses, à méditer sur la vocation du prêtre. Soutenez vos prêtres dans leur recherche d’une fidélité qui soit plus inventive dans les circonstances actuelles. Priez avec eux et pour eux. Soyez fraternels. Tout en respectant leur rôle propre n’hésitez pas à porter la mission avec eux.
4.3. « Je vous donnerai des pasteurs selon mon cœur »
Chers frères prêtres, après avoir vécu douloureusement le départ de plusieurs de nos confrères, vous êtes appelés vous aussi à retrouver le courage de l’espérance. Pour cela replongez-vous dans ce qui fait le cœur de votre vocation de prêtre. C’est le Christ qui vous a appelés à être ses amis. Il vous invite à partager sa manière d’aimer et de donner sa vie pour ses brebis qui n’ont pas de bergers. En ces temps de pénurie, la fidélité à votre vocation vous demandera sans doute de lâcher prise sur certaines tâches qui, peut être accaparaient votre temps et pouvaient vous distraire de l’exercice de votre rôle propre de prêtre. Que votre fidélité soit créative et donne à notre diocèse un nouveau dynamisme. Faites confiance au Seigneur. C’est lui qui veut que la mission de l’Eglise soit portée ensemble avec les laïcs, les religieux et les religieuses. Ce qui attirera des jeunes à devenir des « pasteurs selon le cœur de Dieu », ce n’est pas le statut que le prêtre pourrait avoir dans la société. Ce sera plutôt l’amour du Christ qui les appelle à devenir de Bos Bergers avec lui et comme lui. Les jeunes découvriront ce visage du Bon Berger à travers votre témoignage, à travers votre manière d’assumer joyeusement votre rôle propre de prêtre dans une coresponsabilité dynamique avec ses frères et sœurs laïcs et religieux. Avec eux, vous trouverez un nouveau souffle qui sera porteur d’espérance.
Conclusion
Accueillir ensemble une nouvelle vie
Au terme de cette lettre, je voudrais vous inviter tous, laïcs, prêtres, religieux, religieuses à dialoguer avec moi sur les sujets abordés dans cette lettre. Exprimez-vous. Dites-moi comment vous sentez les transformations que notre pays et notre Eglise sont en train de vivre. Quels sont les signes d’espérance qui émergent ? Comment voyez-vous la nouvelle figure d’Eglise qui est en train de naître ? Quels sont les appels que vous entendez au cœur de cette situation ? Réunissez-vous en communautés, en équipes, dans les paroisses, les mouvements, les services, les quartiers. Priez, partagez ensemble. Et puis faites-moi part de vos réflexions. Nous pourrions nous donner rendez-vous le dimanche 17 juin. Ce jour-là, la Marche de Charité célèbrera son 25e anniversaire. Pour marquer cet anniversaire, nous lui donnerons un nouveau nom : « Marchez pour appeler ». Avant la messe, nous partagerons en famille ce que nous avons découvert. Nous prierons ensemble pour notre Eglise, confiants en l’Esprit Saint qui « veut faire toutes choses nouvelles ».
Les transformations que nous sommes en train de vivre dans l’Eglise comme dans le pays sont très profondes. Un nouveau monde prend forme. Et au sein de ce nouveau monde une nouvelle figure d’Eglise est en train de naître. Nous sommes en plein dans les douleurs d’un enfantement. N’ayez pas peur. Comme la chrysalide, laissez tomber la vieille coque pour que le nouveau papillon puisse éclore. A travers ce partage, nous pourrons nous entraider pour accueillir ensemble cette nouvelle vie. Ayons ensemble le courage d’espérer.
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