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Lettre Pastorale 2004 – Feu de paille, feu de braise

25/02
2004
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Chers frères et sœurs,

J’ai été personnellement très frappé par le cri du cœur poussé par les jeunes lors de la dernière assemblée diocésaine de novembre dernier.  Nous venions de faire un bilan positif de ce qui avait été réalisé durant l’année pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres et aux jeunes.  Et voila que les jeunes nous lancent : « Tous ces dynamismes peuvent être comparés à un grand feu.  Mais ce feu risque d’être un feu de paille si nous ne l’entretenons pas.  Nous, les jeunes, voulons continuer sur cette lancée.  Nous devons passer d’un feu de paille à un feu de braise qui dure.  Derrière ce grand feu qui a gagné les jeunes pendant l’année 2003, le désir le plus profond est de vivre une rencontre personnelle avec JESUS-CHRIST.  Les jeunes demandent à être formés.   Les jeunes demandent à être écoutés et accompagnés. »Cet appel des jeunes m’a fortement interpellé.  J’ai senti qu’il sonnait juste.  Il va droit au cœur de l’Eglise.  Il nous réveille en nous rappelant à tous l’essentiel de notre vocation.  C’est pourquoi j’ai choisi de le répercuter à l’ensemble du diocèse à travers cette lettre pastorale de carême.  Déjà au 5e siècle, Saint Benoit recommandait à l’Abbe du monastère de consulter aussi les plus jeunes, lui rappelant que “souvent le Seigneur inspire à un plus jeune un avis meilleur” (Règle III, 3).  Et plus récemment, Jean-Paul II disait: « L’Eglise a tant de choses à dire aux jeunes mais les jeunes aussi ont tant de choses à dire à l’Eglise » (CFL No.46)

Depuis le Synode, beaucoup de paroisses et de groupes d’Eglise se sont lancés généreusement dans la mise en pratique de l’option préférentielle pour les pauvres.  Plusieurs initiatives intéressantes ont aussi été prises pour relancer une pastorale des jeunes plus vivante.  Nous avons pris vraiment un nouveau départ pour répondre à ces deux appels du Seigneur.  Mais nous avons encore un long chemin à faire.  Pour garder le souffle, tenir le cap, continuer à marcher ensemble, nous devons prendre très au sérieux l’interpellation qui nous vient des jeunes: comment passer d’un feu de paille à un feu de braise?

Dans cette lettre pastorale, je vous invite à faire deux démarches fondamentales qui peuvent nous aider à faire ce passage.

a) La première consiste à prendre le moyen clef pour vivre cette “rencontre personnelle avec Jésus-Christ” que les jeunes recherchent en priorité.  Il s’agit tout simplement d’apprendre à écouter Jésus qui nous parle, qui est la Parole de Dieu pour nous. Pour qu’un feu de paille devienne un feu de braise, il faut bien que chaque morceau de bois accepte de s’exposer au feu, de se laisser réchauffer, éclairer, imprégner par les flammes afin de devenir lui-même porteur de flamme, et contribuer ainsi à faire durer le feu.

b) La deuxième démarche consiste à vivre une vraie communion fraternelle entre nous, à nous soutenir mutuellement, solidaires dans la même mission.  Pour qu’un feu puisse durer, il faut que les buches individuelles qui ont commencé à prendre se rapprochent, s’appuient les unes sur les autres, se communiquent la flamme.  En se rapprochant, les buches permettent à la flamme de devenir plus forte, toute simplement parce qu’elle est partagée, portée ensemble.

 1ère Partie

Ecouter la Parole de Dieu

Aujourd’hui, les jeunes doivent faire leurs premiers pas d’adultes dans une société mondialisée, complexe, et tres diversifiée.  Exposés à tout vent de doctrine, ballotés par des courants qui les entrainent dans tous les sens, ils sont confrontés à des choix difficiles.  Contrairement à leurs parents qui, soutenus par un environnement porteur, étaient souvent chrétiens par tradition, les jeunes découvrent que, pour être chrétien, aujourd’hui, il faut accepter d’être différent.  Il leur faut avoir le courage de nager à contre-courant dans une société qui n’est plus influencée en majorité par les valeurs chrétiennes.  Tout en voulant être partie prenante de ce monde nouveau qui est en train de naître, ils se rendent compte que dans une telle société, il est pratiquement impossible de persévérer dans la foi chrétienne sans vivre une rencontre personnelle avec Jésus-Christ.  D’où leur pressant appel lancé à l’Eglise lors de l’assemblée diocésaine.

Or, pour rencontrer personnellement Jésus-Christ il est essentiel de commencer par l’écouter.  En nous envoyant Jésus son Fils, Dieu nous exprime en termes humains tout ce qu’il veut partager avec nous.  Jésus est ainsi la Parole que Dieu nous adresse, une parole incarnée dans le témoignage de vie qu’il donne.  C’est pourquoi la première chose qu’il nous demande c’est de l’écouter: « écoute mon peuple », écoute ton Dieu qui te parle, qui s’adresse à toi.  Découvre combien son amour est unique, aime-le de tout ton cœur (cf. Dt. 6,4-5)

1.1  Ecouter la Parole de Dieu conduit à rencontrer personnellement Jésus-Christ.

a) Devenir des disciples.

Dieu, notre père, nous adresse la parole, non pas d’abord pour nous donner des leçons de morale, mais avant tout pour se révéler lui-même, et nous inviter à partager sa vie.  A travers Jésus il nous révèle son visage de Père.  “Qui m’a vu, a vu le Père”, dit Jésus (Jn 14, 9).  Ainsi, en lisant les évangiles, nous devons chercher à capter ce que Jésus nous révèle de lui-même.  A travers les rencontres qu’il fait, les paroles qu’il dit, ou les actions qu’il accomplit, Jésus nous fait connaître sa personnalité profonde.  Il nous révèle son attitude envers la vie, il nos partage ses joies, sa façon de vivre ses épreuves.  Il nous montre dans quel esprit il aborde les autres, comment il entre en relation avec les riches comme avec les pauvres, avec ceux de sa culture comme avec les étrangers.  En se révélant lui-même, Jésus nous invite à partager sa vie, à communier à son amour pour son Père, à participer à son projet pour le bonheur de l’humanité, à vivre avec lui un service désintéressé, jusqu’à donner sa vie.

Si nous sommes attentifs à la parole qu’il nous adresse, nous rencontrerons vraiment la personne de Jésus, nous serons introduits dans son univers.  Si nous répondons “oui” à l’invitation qu’il nous fait: « Venez et voyez » (Jn 1, 39), nous découvrirons son amour et nous désirerons devenir ses disciples.  Il nous guidera et nous fera entrer avec lui dans une relation filiale avec Dieu, son Père et notre Père.  Il nous apprendra à marcher avec lui sur le chemin de la justice et de la paix.

Un disciple est un peu comme cette bûche de bois qui s’est longuement exposée au feu et qui est maintenant habitée par le feu.  C’est avec des disciples qu’on fait des feux de braise.  Les fans, ceux qui font du bruit sans s’engager personnellement, ne font que des feux de paille.

b) Devenir des témoins.

Dieu nous adresse la parole non seulement pour faire de nous des disciples de Jésus mais aussi pour nous confier une mission, celle de travailler avec lui pour que son règne de justice et de paix arrive sur la terre.  Il veut que ses disciples deviennent des témoins et des agents du Royaume.

Ainsi, en écoutant la Parole de Dieu, nous devons aussi être attentifs à ce que Dieu attend de nous pour travailler avec lui à rendre la vie humaine autour de nous plus conforme à son projet pour le bonheur de l’homme.  Avant tout, Dieu nous invite à nous laisser transformer personnellement par sa parole, afin que notre simple façon de vivre témoigne du bonheur qu’il y a à suivre Jésus et à vivre des valeurs du Royaume.

Mais Dieu demande aussi à chaque personne une contribution spéciale, unique, qui correspond aux talents et à l’histoire de chacun.  Il peut ainsi appeler certains à s’engager dans un service essentiel d’Eglise – comme par exemple, le service social, le service de la catéchèse, ou le servie liturgique – ; ou il peut inviter d’autres à participer à un mouvement d’apostolat de laïcs.  Il peut aussi appeler certains à consacrer leur vie comme prêtre ou comme religieux ou religieuse ; il invite d’autres à vivre leur mariage comme une vocation à porter témoignage à la fidélité de Dieu ; d’autres encore à vivre leur célibat dans le monde comme une vocation à se donner généreusement au service des autres.  Notre appel, quel qu’il soit, nous sera donné, confirmé, renouvelé à travers la Parole de Dieu.  C’est pourquoi apprendre à l’écouter est tellement crucial.

La Vierge Marie est pour nous le modèle du disciple qui répond « oui » à Dieu qui l’appelle à devenir témoin.  Elle dit et nous invite à dire « qu’il me soit fait selon ta parole » (Lc.1,38).  Si ce que nous discernons comme appel nous parait au-dessus de nos forces, Marie nous apprend à faire confiance, à croire comme elle « à l’accomplissement de la parole qui nous est dite de la part du Seigneur » (Lc.1,45).  Et si nous traversons des épreuves dans notre vie de témoin, le Seigneur nous dit comme il disait à St Paul « Ma grâce te suffit, ma puissance se déploie dans ta faiblesse » (2 Cor 12,9)

1.2.  Comment se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu.

Déjà beaucoup de chrétiens s’appliquent à écouter la Parole de Dieu non seulement dans la liturgie du dimanche, mais aussi dans des réunions d’équipes de mouvements, dans des sessions de formation biblique ou de formation spirituelle, dans des assemblées de prière, dans des groupes de partage d’évangile, dans les quartiers, dans des groupes de catéchèse.  Beaucoup d’autres fréquentent personnellement la Parole de Dieu en se servant des éditions de la Bible largement circulées par la Société Biblique ou des livrets mensuels « Paroles de Chaque Jour » ou « Ta Parole est Joie ».  Plus récemment, un groupe œcuménique a produit une traduction créole de l’Évangile selon St Marc dans une graphie standardisée.  Cette traduction existe aussi sur CD pour ceux qui sont plus à l’aise dans la tradition orale.  Tous ces moyens d’entrer en contact avec la Parole de Dieu sont valables et doivent être encouragés.

Mais en lisant des textes de la Bible, nous devons toujours chercher à améliorer la qualité de notre écoute de la Parole de Dieu.  Il s’agit avant tout d’apprendre à lire le texte biblique de telle façon que nous puissions entendre à travers lui la Parole que Dieu nous adresse aujourd’hui.  La condition première d’une telle écoute est évidemment un climat de prière.  Entrer en silence, s’abandonner intérieurement à Dieu pour entendre ce qu’il veut nous dire.  Invoquer l’Esprit Saint qui nous « conduit vers la vérité toute entière » (Jn 16,13).

Une deuxième condition c’est que l’animateur ou le responsable du groupe se renseigne sur le sens exact des mots, des références, et du contexte générale du texte biblique que le groupe a choisi de lire ensemble.  Il peut se référer aux notes de la TOB ou de la Bible de Jérusalem ou encore à des commentaires autorisés, ou se faire aider par quelqu’un.  Un texte ne dit pas n’importe quoi.  Il doit être interprété au sein de la Tradition de l’Eglise et non pas au gré de nos idées personnelles.

Une grille simple peut nous aider à améliorer notre écoute de la Parole de Dieu :

1er temps : lire le texte attentivement, se renseigner sur les mots difficiles, les références, etc.  Et se demander : « que dit le texte pour les gens de l’époque où il a été écrit ?»

2ème temps : écouter la Parole, entrer en silence, demander à l’Esprit de nous éclairer.  Se demander quelle parole Dieu nous adresse à travers ce texte aujourd’hui ? Qu’est-ce que Dieu nous révèle sur lui-même ? Qu’est-ce qu’Il nous dit sur nous-mêmes ? Quel encouragement Il nous donne ? A quoi Il nous invite ?

3ème temps : rencontrer Dieu qui me parle : parler familièrement avec Dieu comme avec un ami.  Le remercier, lui dire notre confiance, lui demander la grâce de devenir davantage disciple et témoin de Jésus

Cette manière simple et féconde d’écouter la Parole de Dieu, les anciens l’appelaient la « lectio divina ».  On la redécouvre avec bonheur aujourd’hui dans l’Eglise.  Mais il faut apprendre, en s’exerçant ensemble, à écouter ainsi la Parole de Dieu.  C’est pourquoi notre Synode a recommandé que soient lancées dans le diocèse des « Ecoles de la Parole », c’est-à-dire des lieux où des jeunes (mais aussi des moins jeunes) sont initiés à cette méthode simple qui permet à tous d’entendre la Parole que Dieu leur adresse aujourd’hui à travers des textes de la Bible.

Ces « Ecoles de la Parole » ne sont pas des écoles dans le sens rigide et disciplinaire du terme, mais des lieux ouverts, informels et accueillants à tous.  Elles ne sont ni un cours de formation, ni un mouvement.  Elles sont tout simplement des lieux d’apprentissage – des lieux où l’on est initié à l’écoute en s’exerçant à l’écoute.  N’importe qui peut venir, ceux qui sont déjà dans un groupe ou un mouvement, ou ceux qui ne sont dans aucun groupe, ceux qui sont loin de l’Eglise ou ceux qui sont proches, ceux qui vivent en ménage ou ceux qui sont divorcés-remariés.  Ces écoles doivent être des lieux dont la porte est ouverte comme le cœur du Bon Pasteur : « Si quelqu’un entre il sera sauvé, il entrera, il sortira et trouvera sa nourriture » (Jn.10, 9).  Il suffit de désirer sincèrement entendre la Parole que Dieu nous adresse, et s’appliquer avec assiduité à apprendre à l’écouter.

L’initiation à l’écoute de la Parole contribue grandement à former des chrétiens de conviction et non pas seulement de tradition : c’est-à-dire des chrétiens qui vivent une rencontre personnelle avec Jésus-Christ, des chrétiens qui sont fidèles à la messe du dimanche non pas simplement parce que c’est la coutume, mais pour répondre personnellement à Celui qui nous invite à faire mémoire de lui et à nous nourrir de sa parole et de son pain ; des chrétiens qui, ainsi nourris, deviennent de vrais témoins de Jésus Ressuscité dans le monde d’aujourd’hui.

Pour répondre à l’appel des jeunes lors de l’assemblée diocésaine, et pour répondre aussi à la demande expresse du Synode, j’ai pensé commencer moi-même une Ecole de la Parole, chaque premier vendredi du mois de 18.30 à 20.00 au Montmartre à Rose-Hill.

 2ème Partie

Vivre la communion autour de la même mission

Des disciples, devenus des témoins, ressemblent à ces bûches qui se sont longuement exposées au feu, sont devenues porte-flammes, et ont commencé à partager leur flamme avec d’autres bûches, pour que le feu ne meure pas.

C’est ainsi que les disciples d’Emmaüs ont eu « le cœur tout brûlant » en écoutant Jésus leur parler sur la route.  Et pas plutôt cette flamme avait-elle pris dans leur cœur, qu’ils sont partis pour Jérusalem la partager avec leurs frères et sœurs.  Beaucoup d’autres depuis, comme une longue chaîne de témoins, ont partagé la flamme qu’ils avaient eux-mêmes reçue.  C’est ainsi qu’elle est arrivée jusqu’à nous.

2.1 La mission de l’Eglise :  ”être signes” et ”faire signe”

La mission de l’Eglise consiste à partager la lumière qu’elle a reçue, la flamme qui l’habite : annoncer au monde la Parole de Dieu, mais d’abord écouter elle-même la parole qu’elle annonce, et aussi mettre en pratique cette parole qu’elle écoute et qu’elle annonce ; vivre de la flamme pour transmettre la flamme.

Cependant l’Evangile que l’Eglise annonce n’est pas pour autant le remède miracle à tous nos maux.  L’Evangile se présente plutôt comme une petite semence, d’apparence fragile et vulnérable.   Mais en réalité elle est porteuse de vie nouvelle pour ceux qui savent accueillir.  L’Eglise a comme mission d’accueillir elle-même l’Evangile dans sa vie, pour « être signe » du salut que l’Evangile apporte, et pour « faire signe » à l’humanité que ce salut est possible et accessible à tous.

Par exemple, dans le domaine de l’éducation, l’Eglise n’a pas pour mission de donner une place à l’Ecole à tous les enfants d’un pays.  Mais elle peut et doit montrer qu’en s’inspirant de l’Evangile et en étant animé d’un minimum de foi en l’homme, on peut arriver à donner une éducation de qualité aux enfants les plus pauvres, que ceux-ci peuvent en profiter et devenir des hommes et des femmes épanouies, capables d’apporter une contribution valable à la société.  Ces lieux éducatifs peuvent « être signes » et « faire signe ».

Ou bien, si l’on songe à la famille, l’Eglise n’a pas les moyens de résoudre tous les problèmes des foyers désunis et menacés par le spectre du divorce.  Mais elle peut montrer, par des exemples concrets, qu’en s’appuyant sur le Christ, en se formant et en s’entraidant entre couples, la fidélité devient possible et épanouissante.  Les couples peuvent surmonter leurs crises, des réconciliations sont possibles et libérantes, des familles peuvent être guéris, et retrouver un nouveau souffle.  Ces couples peuvent « être signes » et « faire signe ».

Ou encore, dans le domaine de l’économie, l’Eglise n’a pas les moyens de résoudre tous les problèmes complexes liés à la corruption et aux injustices institutionnalisées qu’elle entraîne.  Mais elle peut montrer par des exemples concrets, où certains de ses membres sont engagés au nom de leur foi, qu’il est possible de faire vivre et prospérer une entreprise sans avoir recours à la corruption.  D’autres exemples peuvent aussi montrer que, lorsqu’on s’attache à promouvoir dans une entreprise des valeurs essentielles au développement humain des personnes, la recherche du profit, indispensable pourtant à la survie de l’entreprise, ne sera plus son seul objectif, mais la santé globale de l’entreprise s’améliorera nettement.  Les groupes d’ouvriers ou de cadres qui travaillent dans ce sens peuvent « être signe » et « faire signe ».

De même, dans les relations entre différentes religions, l’Eglise n’a pas les moyens de résoudre tous les problèmes délicats liés à ce dialogue difficile et exigeant.  Mais elle peut faire exister des lieux d’échange et de partage où peuvent se rencontrer en toute liberté des personnes de traditions religieuses différentes, pour mieux se connaître, mieux s’apprécier mutuellement et s’entraider dans leur lutte pour la justice et pour l’éradication de la pauvreté.  Ces lieux peuvent montrer que le dialogue sincère entre religions est possible et porteur d’espérance pour la paix à laquelle nous aspirons tous.  Ils peuvent « être signe » et « faire signe ».

2.2. Vivre la communion : un enjeu fondamental pour la mission.

Pour que l’Eglise puisse signaler ainsi à l’humanité que l’Evangile est vraiment porteur de salut dans différentes domaines de la vie humaine, pour qu’elle puisse « être signe » avec authenticité et « faire signe » avec crédibilité, il faut surtout que l’Eglise soit une espace de communion fraternelle autour de l’Evangile.  Vivre une communion fraternelle, être solidaire dans la même mission est essentiel pour l’exercice crédible de la mission.  C’est pour cela que Jésus prie la veille de sa mort : « Que tous soient un, afin que le monde croie » (Jn.17, 21).  C’est là-dessus que Saint Paul insiste quand il dit : « J’aurais beau parler toutes les langues de la terre, si je n’ai pas l’amour, je ne suis qu’airain qui résonne ou cymbale retentissante… J’aurais beau distribuer tous mes biens aux pauvres, livrer mon corps aux flammes, s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien » (1 Cor.13)

Le Pape Jean-Paul II avait bien senti cet enjeu primordial quand il parlait de « faire de l’Eglise la maison, l’école de la communion » (NMI no43).  En effet, si au stade où nous sommes rendus aujourd’hui nous voulons vraiment faire le passage d’un feu de paille à un feu de braise, il faut non seulement que chacune des bûches que nous sommes s’expose longuement à la chaleur du feu, mais aussi que les bûches qui ont commencé à prendre se rassemblent, s’appuient les unes sur les autres, portent ensemble la flamme, et laissent ainsi s’exprimer le dynamisme du feu qui les habite.

2.3.  Ingrédients d’une spiritualité de communion.

Vivre la communion autour d’une même mission n’est pas d’abord une question de bonne organisation.  Il s’agit avant tout d’une spiritualité qui doit donner une certaine qualité à notre vie en Eglise, et un certain tonus à la mission.

a)      Tous responsables de la même mission.

Cette spiritualité de communion est fondée sur une conviction forte : la mission a été confiée à toute l’Eglise et pas seulement à quelques responsables prêtres, religieux ou religieuses, à qui les laïcs donneraient simplement un coup de main.  Chaque membre du corps du Christ est appelé à participer, à sa manière, à la mission confiée au corps tout entier.  C’est dans cette cohésion entre les membres que le corps puise l’énergie spirituelle nécessaire pour être fidèle à sa mission.

Une spiritualité de communion nous pousse à reconnaître la contribution que chacun peut apporter à la mission.  Les jeunes, dit Jean Paul II « ne doivent pas être regardés simplement comme l’objet de la sollicitude pastorale de l’Eglise.  Ils sont en fait, et doivent être encouragés à devenir des sujets actifs qui prennent part à l’évangélisation et à la rénovation sociale » (CFL. No46).  En effet, éveillés par le Parole de Dieu, encouragés par un accompagnement fraternel, les jeunes comme les adultes découvrent qu’ils sont appelés à participer à la mission : annoncer l’Evangile, témoigner de l’Evangile.  Cette mission, on ne le répètera jamais assez, n’est pas le monopole de quelques prêtres, religieux, religieuses et laïcs formés, en responsabilité dans les mouvements ou dans les services d’Eglise.  Chaque membre de l’Eglise, corps du Christ, a une contribution unique et originale à apporter.  Sans lui, la mission de l’Eglise ne pourra pleinement s’exercer.

Cette contribution existe déjà et elle est souvent d’une grande qualité.  Elle mérite d’être davantage reconnue, valorisée, soutenue.  Elle a aussi besoin d’être sollicitée régulièrement.  Il ne s’agit pas simplement d’aider le prêtre à faire marcher la paroisse, mais plus profondément de permettre à chacun de répondre pleinement, là où il est, et selon ses capacités, à sa vocation de disciple de Jésus et de témoin de l’Evangile.

Une spiritualité de communion nous aide à promouvoir et à accueillir la participation active de tous.  Pour cela nous devons repousser les tentations égoïstes, et déjouer les pièges de la jalousie et de l’esprit de compétition.  Il n’y a rien de plus triste et de plus nuisible à la mission que cette tendance à jouer des coudes pour se mettre en avant, ou s’accrocher à des postes de responsabilité.  L’esprit de communion nous fait comprendre que la mission ne s’exerce pas seulement à l’avant-scène.  Personne ne doit se considérer indispensable, ni sous-estimer la capacité d’autres frères ou sœurs à assumer ces mêmes responsabilités.  Vivre la communion, c’est chercher au contraire à reconnaître la valeur de chacun, et à lui donner sa place.

b)     L’exercice de l’autorité

Un bon exercice de l’autorité est un élément clef pour forger dans l’Eglise cette communion indispensable à l’accomplissement de la mission.  La façon dont nous exerçons l’autorité peut faciliter la participation de tous, ou au contraire la bloquer et la décourager.  Ceux et celles qui détiennent ne serait-ce qu’une parcelle d’autorité dans l’Eglise, l’Evêque et les prêtres d’abord, mais aussi le ou la supérieur(e) d’une communauté religieuse, le ou la responsable d’un service d’Eglise ou d’un mouvement d’apostolat, le ou la responsable d’un établissement scolaire, le père ou la mère de famille, doivent être très conscients de l’immense responsabilité qu’ils portent.  Se servir mal de notre autorité stérilise la communauté, sape son moral et devient pour les autres une source de frustration.

Par contre, un comportement responsable chez celui ou celle qui exerce l’autorité peut encourager une grande circulation d’énergie et d’initiatives, susciter la participation de tous au discernement et à l’action, être source de joie et inspirer courage dans l’accomplissement de la mission.

La spiritualité de communion demande que l’autorité s’exerce d’abord par l’écoute. « Donne-moi un cœur qui écoute pour que je puisse gouverner ton peuple », priait le roi Salomon (1R 3, 4-10).  L’écoute dont il s’agit ici ne consiste pas seulement à prêter une oreille attentive à un membre qui veut bien s’exprimer.  La spiritualité de communion exige de l’autorité que son écoute soit proactive, c’est-à-dire qu’elle cherche à entendre ce que les personnes ont à dire, qu’elle donne systématiquement la parole au membres du groupe ou de la communauté d’Eglise dont elle a la charge, qu’elle planifie et organise la consultation.  Cela s’apprend.  Quels que soient nos dons naturels, nous avons tous à apprendre comment entendre la Parole de Dieu qui s’exprime aussi par une bouche humaine.  C’est dans ce sens que Saint Paulin de Nole exhortait les pasteurs : « Soyons suspendus à la bouche de tous les fidèles, car dans tous les fidèles souffle l’Esprit de Dieu » (NMI No.45).

La remarque de Saint Paulin montre que l’écoute nécessaire à l’exercice de l’autorité dans l’Eglise ne relève pas d’une simple technique.  Elle doit être animée par une spiritualité, c’est-a-dire par une conviction de foi.  Celui ou celle qui exerce l’autorité doit croire que l’Esprit du Christ habite chaque membre du corps du Christ, et lui donne sagesse et vigueur pour témoigner de l’Evangile dans le monde.

Une spiritualité de communion invite encore celui ou celle qui exerce l’autorité dans l’Eglise, à veiller à la croissance spirituelle et à la promotion humaine de chaque personne dont il a la charge.  L’autorité a la responsabilité de discerner les capacités de chacun, de lui donner l’occasion de se former, de développer ses talents, afin qu’il trouve sa vraie vocation dans l’Eglise.  L’autorité doit aussi veiller à distribuer les responsabilités le plus largement possible entre les membres du groupe, et évaluer chacun régulièrement, afin que ceux et celles qui ont été encourages, ont reçu une formation et ont assumé une charge, puissent à leur tour rendre compte de la responsabilité qui leur a été confiée.

Pour promouvoir la communion, celui ou celle qui exerce l’autorité dans l’Eglise doit aussi rappeler à temps et à contre-temps l’objectif profond de la mission de l’Eglise : l’annonce de l’Evangile et le témoignage à rendre pour montrer l’impact de l’Evangile dans différents domaines de la vie humaine.  Ce rappel est important pour garder le cap et marcher ensemble dans la même direction.  Ce rappel demande aussi du courage quelquefois, mais l’interpellation fraternelle fait aussi partie de l’exercice de l’autorité.  Et c’est souvent à ce prix que la communion ecclésiale se construira sur une base solide.

b) L’accompagnement fraternel.

Un autre élément fondamental de cette spiritualité de communion est l’accompagnement fraternel.  Les jeunes sont confrontés aujourd’hui à des propositions en tous genres.  Ils jouissent d’une grande mobilité et ont accès à un réseau planétaire de communication.  Ces phénomènes ont tendance à promouvoir une «culture du zapping» qui engendre la dispersion et la superficialité.  Ils ont du mal à s’enraciner dans une option et à s’engager dans la durée.  Dans cette société grouillante, les jeunes peuvent connaître le genre de solitude qu’on éprouve au milieu des foules anonymes des grandes cités modernes.  Cette solitude est souvent masquée par un besoin grégaire qui les pousse à se retrouver en bandes ou à s’accrocher à leurs groupes d’amis.

Pris dans ce tourbillon moderne, les jeunes comme les adultes éprouvent le besoin d’être accueillis et accompagnés personnellement.  Ils ont besoin de frères et de sœurs qui acceptent de leur donner du temps gratuitement pour les écouter.  Ils ont soif de sentir que l’accompagnateur pose sur eux un regard positif, qu’il sait voir en eux la dignité d’un enfant de Dieu qui cherche son chemin dans la nuit.  L’accompagnement doit être réaliste, à la fois compatissant et interpellant, mais toujours patient et plein d’espérance.  Il doit conduire le jeune au Christ, le vrai accompagnateur, qui veut nous conduire au bonheur.  Tout en marchant avec son frère ou sa sœur sur la route, tout en portant avec lui ou avec elle son fardeau, l’accompagnateur doit aussi lui fournir des repères, lui montrer les balises, afin qu’il puisse prendre des décisions informées et libres, par rapport à son avenir.

Cet accompagnement peut se vivre en famille, à l’école, dans le quartier, au travail, en paroisse, dans un mouvement ou dans un lieu de formation.  Il est fait d’amitié fidèle, de soutien constant et désintéressé.  Il contribue puissamment à créer des espaces de communion autour de l’Evangile que nous voulons accueillir ensemble et dont nous voulons témoigner ensemble.

Conclusion

La flamme de l’Evangile a été remise entre nos mains.  Une mission prophétique nous a été confiée : « être signes » authentique de l’Evangile, et « faire signe » aux hommes et aux femmes que l’Evangile est porteur de salut.  Pour accomplir cette mission avec crédibilité, nous devons nous remettre en question sur notre façon d’écouter la Parole de Dieu et de lui porter témoignage dans nos vies, sur notre façon de vivre la communion et d’exercer l’autorité dans l’Eglise.  Si nous nous exposons fidèlement à la Parole de Dieu, nous recevrons lumière et force pour devenir des disciples fidèles et des témoins courageux ; nous vivrons une communion autour d’une même mission ; et nous développerons un exercice de l’autorité à la fois accueillant et interpellant, qui favorise la fraternité et dynamise la mission.

Le concile Vatican II a appellé l’Eglise «Lumen Gentium», c’est-a-dire la «Lumière des Nations».  De quelle lumière s’agit-il?  Je ne pense pas que nous devions songer à la lumière agressive de spotlights géants qui, du haut de leurs colonnes métalliques, éclairent « comme en plein jour » des stades, des routes, ou les quartiers chics des villes.  Pensons plus modestement à d’humbles foyers de braises, dispersés dans l’obscurité, entretenus avec amour par de petits groupes fidèles, attirant ceux et celles qui cherchent leur chemin dans la nuit, des brasiers de petite  taille, à raz de terre, mais qui crépitent de joie et percent la nuit comme des étoiles, pour laisser luire l’espérance,  En ce carême, attachons-nous à ranimer cette flamme qui nous a été confiée par Jésus.  Acceptons de prendre les moyens nécessaires pour passer du feu de paille, clinquant mais superficiel, au feu de braise plus modeste mais porteur d’espérance.  Ne laissons pas mourir le feu.  Il nous a été confié pour qu’il éclaire et réchauffe nos frères et sœurs.

+Mgr Maurice E. Piat c.s.sp.

Evêque de Port-Louis

Evêché de Port-Louis

25 février 2004

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