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Lettre Pastorale 1999 – Repartir vers le père

5/02
1999
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Chers frères et sœurs,

Nous approchons de l’an 2000, l’année où nous allons célébrer le plus grand anniversaire de l’histoire humaine, celui de la naissance de Jésus il y a 2000 ans.

L’année 1999, la troisième année préparatoire à ce grand anniversaire, a été spécialement consacrée à Dieu le Père. A cette occasion, le Pape Jean Paul II nous rappelle que « la vie chrétienne est comme un grand pèlerinage vers la maison du Père »[1]. Ce pèlerinage, nous dit-il encore, « concerne la vie intérieure de chaque personne, il implique la communauté croyante et enfin inclut l’humanité entière »[2].

Reprendre la route du pèlerinage vers le Père, c’est d’abord une décision personnelle. C’est pourquoi, durant ce carême, je vous invite à vous arrêter un moment pour redécouvrir le visage du Père tel que Jésus nous le révèle. En accueillant avec un cœur d’enfant cette révélation que Jésus nous fiat, nous pourrons nous relever et repartir, nous convertir, et donner une autre direction à notre vie. Prendre ainsi un nouveau départ impliquera pour chacun d’entre nous des choix concrets à faire, des décisions à prendre pour un plus grand service de nos frères et sœurs humains. Ces multiples décisions personnelles, en orientant chacune de nos vies dans une même direction, constitueront une sorte de « synode intérieur » qui sera un soutien spirituel important pour le Synode diocésain qui arrive à sa phase finale et déterminante. Ce sera l’objet du premier chapitre de la Lettre Pastorale.

Dans notre diocèse, nous avons choisi de nous préparer au grand anniversaire de la naissance de Jésus, en l’an 2000, par le Synode Diocésain. Se mettre en synode, c’est aussi prendre un nouveau départ, mais c’est le prendre ensemble, et repartir en Eglise sur la route du pèlerinage qui nous conduit vers le Père. Ce Synode sera donc un temps de renouvellement pour toute notre Eglise, à Maurice, à Rodrigues et à Agaléga. Depuis 1997, une large consultation a été organisée dans chacune des îles et maintenant, les étapes préparatoires sont terminées. Cette année, à la Pentecôte, c’est l’Assemblée synodale proprement dite qui sera convoquée, à Maurice et à Rodrigues. Un agenda précis a été préparé à partir des points qui ont été suggérés par les chrétiens eux-mêmes, à Maurice et à Rodrigues. Je vous dirai plus loin, dans les chapitres II et III de la Lettre, quels sont ces points sur lesquels l’Eglise estime qu’elle a besoin de se renouveler aujourd’hui.

Notre communauté chrétienne vit au milieu d’un peuple multi-religieux. Dans le chapitre IV de cette Lettre, je voudrais donc m’adresser à tous mes compatriotes, quelle que soit leur religion. Car Dieu est le Père de tous les hommes et nous sommes tous embarqués dans le même pèlerinage. Je souhaite que le Synode nous aide à mieux servir notre pays, à améliorer nos relations avec nos frères et sœurs d’autres religions, afin que nous arrivions à mieux nous entendre, à dialoguer davantage et à collaborer encore plus. Si nous faisons partie du même voyage, nous avons intérêt à nous accueillir mutuellement entre voyageurs et à nous tendre la main sur la route.

CHAPITRE I

Repartir vers le Père : une décision personnelle

Arrêtons-nous un instant pour redécouvrir le visage de Dieu notre Père. C’est Jésus qui nous révèle que Dieu est Père : « Nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler »[3].

Cependant, notre image de ce qu’est un papa humain varie selon nos expériences. Pour certains, il est bon, protecteur et proche ; pour d’autres, il peut être méchant, autoritaire ou absent. Notre image de Dieu, le Père, découle de ce qui nous a été transmis dans notre expérience humaine. Certains, par exemple, ont retenu l’image d’un Dieu lointain qui fait peur, parce qu’ils s’imaginent qu’il tient une balance dans ses mains pour nous juger et nous punir. Nos expériences douloureuses peuvent nous bloquer pour accueillir le vrai visage de Dieu, notre Père. Mais Jésus nous révèle la personnalité de son Père précisément pour nous guérir de nos blessures dans nos relations humaines. C’est pourquoi il nous invite à nous faire petits, confiants comme des enfants pour nous laisser conduire à une vie plus belle. Dieu, le Père, est un peu comme un père humain, mais aussi, il est un tout autre père. Il est un Père qui respecte notre liberté, un Père qui communique avec nous et un Père qui pardonne.

Un Père qui respecte notre liberté

Le Père que Jésus nous révèle est notre créateur. En nous créant, Dieu, le Père, non seulement nous donne la vie, mais surtout il nous donne de partager sa vie à lui. Il nous crée à son image et à sa ressemblance.

Il partage avec nous son patrimoine le plus précieux et le plus intime : il nous donne de participer à sa propre intelligence, à sa capacité de comprendre le sens des choses et de nous émerveiller devant leur beauté ; il nous donne d’aimer comme lui, gratuitement et avec tendresse ; il nous fait participer à sa propre créativité en nous confiant le monde pour le développer. Le Père que nous révèle Jésus est exactement à l’opposé du « paterfamilias » romain : il ne domine pas sur ses créatures, il ne leur fait pas sentir son pouvoir ; au contraire, le Père de Jésus est un père qui s’efface devant ses créatures ; il leur donne un large espace de liberté et de créativité ; il les appelle à prendre leurs propres responsabilités et à aimer librement comme ils sont eux-mêmes aimés.

En choisissant cette manière d’être Père, Dieu prend de grands risques. Jésus nous le laisse entendre dans la parabole du fils prodigues[4]. Le jeune fils exige de son père la part d’héritage qui lui revient, et décide d’en faire ce que bon lui semblera. Même si le père est blessé par l’attitude de son jeune fils, même s’il a de bonnes raisons pour ne pas être d’accord avec cette manière de faire, et même s’il a le pouvoir de lui résister, il s’efface, il renonce à lui faire sentir son pouvoir et à le retenir de force. Il accepte de lui donner la moitié de ses biens et laisse partir son fils, prenant ainsi le risque de le perdre à jamais. Cette manière de faire peut paraître folie aux yeux des hommes, mais elle est inspirée par un grand respect pour la liberté de son fils. Le Père veut donner à son fils la possibilité de reprendre librement le chemin du retour vers la maison paternelle.

Peut-être avons-nous de la peine à accepter que Dieu puisse être un père qui prenne de tels risques, tant nous avons été habitués à un comportement beaucoup plus autoritaire de la part de nos parents ou de ceux et celles qui ont exercé sur nous l’autorité. Et cependant, en cette année consacrée au Père, nous sommes spécialement invités à faire confiance à Jésus qui nous révèle le visage de son Père. Faire confiance, redevenir enfant, c’est reconnaître concrètement que Dieu est un Père qui a respecté notre liberté tout au long de notre histoire personnelle ; c’est découvrir Dieu comme un Père qui ne veut pas nous maintenir près de lui par la force, comme des esclaves, mais prend le risque de respecter notre liberté pour nous donner la possibilité de l’aimer un jour librement, comme des fils ou des filles.

Un Père qui communique avec nous

Dieu, notre Père, respecte notre liberté, mais il n’est pas indifférent pour autant ; il veut communiquer avec ses enfants. Pour cela, il se met à notre niveau et nous adresse la parole. Jésus est la Parole de Dieu faite chair. Il est Dieu qui s’exprime devant nous, pour nous, dans un langage humain accessible à tous. De même qu’un père humain donne la vie à son enfant non seulement en l’engendrant biologiquement, mais encore en lui parlant et en construisant ainsi une relation d’affection et de confiance avec lui, de même Dieu, notre Père, ne se contente pas de nous créer à son image, mais il nous parle aussi pour établir avec nous un dialogue et nous faire ainsi participer à sa vie.

Quand le Père nous adresse la parole en Jésus, c’est d’abord pour se révéler lui-même. Toute la personnalité de Jésus, sa manière d’être, sa façon de réagir, les initiatives qu’il prend, les gestes qu’il pose, les choix qu’il fait, tout en Lui est une parole limpide qui nous révèle la personnalité de Dieu le Père. « Celui qui me voit » dit Jésus « vois aussi celui qui m’a envoyé »[5].  En se révélant ainsi, Dieu notre Père nous fait une confiance inouïe. Il ne s’adresse pas à nous comme un supérieur à un inférieur pour lui donner des instructions ; il nous parle comme à un ami, pour partager avec nous ce qu’il vit. En particulier, il nous partage sa passion pour l’homme. A Moïse, il disait « J’ai vu la misère de mon peuple, je connais ses souffrances, j’ai entendu son cri, je suis descendu pour le délivrer »[6]. Cette passion de Dieu pour l’homme le fait mettre en valeur chaque bouchée partagée, chaque verre d’eau offert, chaque visite à un malade ou à un prisonnier[7]. Sa passion pour l’homme ne connaît pas de frontière, il fait « lever son soleil sur les méchants et sur les bons et tomber la pluie sur les justes et les injustes »[8]. Elle lui fait connaître d’avance ce dont nous, ses enfants, avons besoin avant que nous ne lui demandions[9]. Elle le conduit enfin à être disposé à souffrir pour nous, et à donner sa vie « pour que les hommes aient la vie et l’aient en abondance »[10]. Dieu, notre Père, veut nous communiquer sa passion pour l’homme afin que nous, ses enfants, nous puissions partager aussi son bonheur, sa joie. C’est ce que Jésus nous dit au dernier repas « Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite… aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés »[11].

En nous promettant cette joie, la joie d’une vie remplie et épanouie, il nous donne sa parole, il s’engage envers nous. Sa parole est le roc sur lequel il nous invite à construire nos vies[12]. Toute vie humaine se construit sur la confiance, il n’y a de pire souffrance que la déception qui vient d’une confiance trompée ou d’une promesse non tenue. Est-ce le fait d’avoir eu des expériences douloureuses dans ce domaine, qui nous fait hésiter à faire confiance à Dieu, notre Père ? Et cependant, s’il nous donne sa parole en Jésus, c’est précisément pour nous délivrer du cercle infernal de la méfiance systématique et nous ouvrir à la formidable liberté qui vient quand on lui fait confiance. Ce qui nous sauve, c’est de prendre, comme un enfant, la main qu’il nous tend.

Un Père qui pardonne

Devant cette main que Dieu nous tend, nous restons souvent indifférents, ingrats, préoccupés par d’autres choses. Comme le père dans la parabole du fils prodigue, Dieu est blessé par notre attitude, mais il continue de nous aimer quand même. Dieu est un Père qui pardonne. Et c’est son pardon qui nous donne accès à une vie nouvelle.

Dans une pièce de théâtre, Marcel Pagnol met en scène Marius, un jeune homme qui aime Fanny. Marius s’engage comme marin et part au loin. Ce qu’il ne sait pas, ce que Fanny attend un enfant de lui. Panisse, un homme d’âge mûr, épouse Fanny et prend charge du bébé. Après quelques temps, Marius revient et apprend la naissance de son enfant. Il veut reprendre ses droits sur son fils. Un échange admirable a lieu entre lui et son vieux père, César, qui n’est pas d’accord avec son projet. Marius s’échauffe et crie : « Mais qui c’est qui est le père : celui qui donne la vie ou celui qui paie les biberons ? » « Le père, c’est celui qui aime », lui répond César.

Voilà la vraie définition du père : celui qui aime. Aimer quelqu’un d’aimable, c’est assez facile, nous en avons fait l’expérience. Aimer quelqu’un qui n’est pas aimable, aimer quelqu’un qui nous a fait du tort, aimer quelqu’un d’ingrat, cela dépasse souvent nos forces. Or, c’est là exactement la façon dont Dieu nous aime : nous sommes peu aimables, peu reconnaissants envers lui, peu disposés à nous convertir. Le Père cessera-t-il pour autant de nous aimer et de communiquer avec nous ? Non, le Père nous aime : il nous aime par-dessus nos fautes, par-dessus notre indifférence et notre lâcheté. C’est cela le pardon : l’amour qui ne se laisse pas vaincre par le péché de l’autre, l’amour qui voit plus loin que notre méchanceté, l’amour qui voit ce que nous pourrions devenir en nous convertissant. Le pardon, c’est l’amour qui espère en nous : tu vaux mieux que ton péché, tu es plus que le mal que tu as fait. « Tu peux naître de nouveau, tu peux tout recommencer » dit le chant bien connu.

L’amour, quand il est grand et fort est pardon. Devant la misère de l’homme, le Père déploie toute la puissance de son amour, il montre sa miséricorde, il pardonne. Paradoxalement, le pardon est souvent considéré par les hommes comme un signe de faiblesse, alors qu’il est en fait la manifestation de la toute puissance de l’amour de Dieu. La force, la puissance de Dieu, ce n’est pas de transformer magiquement la maladie en santé, l’échec en réussite, la pénurie en abondance, la guerre en paix, la douleur en confort ; la toute puissance de Dieu, nous dit Saint Thomas, c’est surtout de se montrer miséricordieux. Dieu notre Père n’est pas un puissant comme les puissants de la terre. Il ne se complait pas dans des actions éclatantes. La toute puissance de Dieu nous rejoint plutôt doucement, discrètement, comme une eau vive qui irrigue nos déserts et attend patiemment comme une force tranquille, que la vie jaillisse de nos cœurs de pierre au contact d’un amour plus fort que le péché ou l’ingratitude.

C’est vrai que nous sommes là devant un mystère insondable. Pourtant, nous sommes là au cœur de l’Evangile, de la Bonne Nouvelle que Jésus révèle : le Père vous pardonne. Croyez en son pardon ! C’est peut être cela notre difficulté : croire que le Père nous accueille comme le fils prodigue, avec notre habit minable. Il ne croyait pas, lui, au pardon de son père et demandait à être traité comme un ouvrier. Et cependant, il a entendu son père lui murmurer : « mon petit… viens, on va faire la fête puisque tu es revenu ». Notre drame à nous, c’est le drame du fils aîné ; il pense que le pardon n’est pas raisonnable. Alors il se ferme en lui-même, ne s’ouvre pas à l’amour fou du père et refuse de participer à la fête. En cette année du père, demandons la grâce de croire au pardon du Père.

1.4. Le chemin du retour au Père : la conversion

Comme dans la parabole du fils prodigue, un nouveau départ vers le Père commence toujours par un temps d’arrêt.  Pour pouvoir décider de changer de direction et de repartir, nous avons besoin de cette halte pour nous rappeler le visage du Père, celui dont nous avons tout reçu, et que pourtant nous avons quitté ou oublié. « Garde-toi bien d’oublier le Seigneur qui t’a fait sortir du pays d’Egypte »[13]dit l’Ecriture.

Il s’agit d’abord de nous rappeler celui qui nous a créés libres et qui respecte tant notre liberté ; celui qui nous a adressé la parole comme à un ami, qui nous a pardonné et rendu à la vie.  La plus grande insulte que l’on puisse faire à quelqu’un, c’est de prendre pour acquis le don gratuit qu’il nous fait. Avons-nous traité cet amour du Père, si fort, si fidèle et si respectueux à notre égard, comme quelque chose de banal ? Avons-nous arraché des ses mains la vie qu’il nous a donnée pour en jouir égoïstement, au lieu de la recevoir de lui avec gratitude et l’utiliser pour servir ?

Il s’agit ensuite de nous rappeler notre histoire personnelle. « Tu te souviendras de toute la route que le Seigneur ton Dieu t’a fait parcourir depuis quarante ans dans le désert,… il t’éprouvait pour connaître ce qu’il y avait dans ton cœur »[14]. Notre histoire personnelle est ce qu’elle est – elle est nôtre ; il nous faut l’assumer avec ses faiblesses et ses grandeurs, car c’est à partir de là que Dieu nous invite à repartir. Si nos vies ressemblent plus quelque fois à des déserts qu’à des jardins bien irrigués, reconnaissons que, malgré cela, Dieu ne nous abandonne pas. C’est là, au contraire, dans cette histoire, qu’il nous donne aujourd’hui l’occasion de nous arrêter pour nous rappeler qu’il ne nous oublie pas, lui, mais attend au contraire avec impatience le moment où, comme le fils prodigue, nous reprendrons le chemin du retour, et qu’il pourra courir se jeter dans nos bras. Repartir vers le Père, c’est donc faire un pas aujourd’hui dans une direction nouvelle, un pas, par exemple, vers ceux que j’ai offensés pour me réconcilier ; un pas vers les pauvres devant qui je suis resté indifférent ; un pas dans la direction du bien commun et des Droits de l’Homme si je me suis laissé allé à la corruption ; un pas vers le mauricianisme si j’ai glissé sur la pente du communalisme ; un pas vers plus de dialogue avec mon conjoint et mes enfants si je me suis enfermé égoïstement dans mon travail et mes loisirs.

Ce retour au Père n’est pas cependant l’affaire d’un carême seulement. C’est chaque jour que nous devons repartir. Ce nouveau départ quotidien, nous pourrons le faire si nous sommes fidèles à écouter la Parole de Dieu. Dieu est un Père qui prend la peine de nous adresser la parole, de manière concrète et toute humaine, en Jésus. Donnons-nous la peine à notre tour de l’écouter. « Ecoute Israël… » est le tout premier commandement de Dieu à son peuple. Ecouter la Parole de Dieu, telle que lui-même a voulu nous l’adresser, est notre tout premier devoir, le premier pas que nous devons faire chaque jour pour retourner vers lui. C’est à partir de cette écoute humble et fidèle de la Parole de Dieu que nous redécouvrirons chaque jour le vrai visage de Dieu notre Père ; c’est là, devant ce Père qui nous parle et qui nous éclaire, que nous recevrons de sa miséricorde le courage et la simplicité de nous relever et de repartir, et d’avancer ne serait-ce que d’un pas sur la route.

Je souhaite vraiment que, durant ce carême et durant toute cette année spécialement consacrée au Père, le plus grand nombre possible de fidèles puissent, à travers le sacrement de la réconciliation, faire un pas concret sur le chemin du retour au Père. Ces multiples démarches personnelles seront une source de grande joie non seulement pour Dieu notre Père, mais aussi pour ses enfants que nous sommes. Car nous aurons ainsi le bonheur de voir se rassembler de plus en plus nombreux, sur la route, les membres de la famille de dieu, prêts à repartir vers la maison du Père. Ce nouveau départ des enfants de Dieu constituera déjà un véritable synode intérieur, qui servira de fondement spirituel au synode diocésain.

CHAPITRE II

Repartir vers le Père : un cheminement en Eglise

–          Le Synode à Maurice –

A l’approche du grand jubilé de l’an 2000, notre Eglise diocésaine est aussi invitée à se remettre en route ensemble, comme pour un grand pèlerinage diocésain vers le Père. C’est cela le Synode. Reprendre ensemble un chemin de renouvellement pour toute l’Eglise.

En effet, la convocation du Synode n’a pas pour but d’aboutir simplement à des décisions administratives. Le Synode, c’est d’abord une démarche de conversion qui est proposée à notre Eglise. Pour que le Synode porte du fruit, il est important que chaque chrétien et chaque groupe dans l’Eglise se pose la question : comment est-ce que je me situe par rapport à l’Eglise ? Est-ce que je reste extérieur comme un spectateur qui demande qu’est-ce que l’Eglise fait pour moi ? Ou est-ce que je suis partie prenante et cherche à savoir ce que je peux faire pour participer à la vie et la mission de l’Eglise dans le monde ?

2.1. Comment l’agenda du Synode a-t-il été préparé à Maurice ?

Durant les deux dernières années, grâce à la participation de 18 000 fidèles repartis en plusieurs centaines de petites équipes synodales, one premier évaluation de la vie de l’Eglise a été faite. Cette évaluation nous a permis d’apprécier ce qui dynamise l’Eglise et l’aide à accomplir sa mission. D’autre part, l’évaluation a aussi été l’examen de conscience qui nous a conduits à reconnaître ce qui va à l’encontre de l‘Evangile dans la vie de l’Eglise, et ce qui l’empêche d’en témoigner avec audace dans la société mauricienne.

C’est en se basant sur cette évaluation que l’agenda du Synode a été constituée. Je suis heureux de vous le communiquer ici, dans cette lettre pastorale. Il est important que tous les membres de l’Eglise soient au courant des points qui vont être discutés à l’Assemblée du Synode. Même si cette Assemblée Synodale sera nécessairement limitée – à 300 personnes environ – tous les chrétiens sont concernés par ce processus de renouvellement que le Synode voudrait enclencher. Je vous invite donc tous à y réfléchir et à prier l’Esprit Saint d’éclairer le Synode.

Chaque point de l’agenda que je vous présente ici part d’un constat fait durant les consultations diocésaines qui ont eu lieu depuis 1997 [paragraphe (a)]. J’indique ainsi ensuite comment ce point, qui ressort des consultations, rejoint un aspect important de la vie ou de la mission de l’Eglise [paragraphe (b)]. J’invite ensuite le Synode a proposé des repères simples et précis pour guider la marche de notre Eglise après le Synode [paragraphe (c)]. Ces repères nous indiqueront les grandes orientations qui inspireront notre action pastorale dans les années à venir. Ils serviront aussi de critères pour évaluer notre avancée sur la route.

En plus des repères, je demande aussi au Synode de proposer des structures ou des moyens pratiques à mettre en place pour aider l’Eglise à tous ses niveaux, à avancer dans la direction indiquée par le Synode.

2.2. L’agenda du Synode

Construire notre Eglise sur le Christ

« Tout homme qui entend ces paroles et les met en pratique, peut être comparé à un homme avisé qui a bâti sa maison sur le roc »[15].

(a)   Les consultations pré-synodales ont montré que beaucoup de chrétiens sentent qu’ils appartiennent à l’Eglise comme une organisation sociale, à laquelle leurs parents et leurs grand-parents ont appartenu et dans laquelle ils restent par tradition. Leur appartenance à l’Eglise est peu basée sur une connaissance et une foi personnelle en Jésus Christ. Ce manque de foi personnalisée en Jésus Christ est à la source de beaucoup de malentendus et de déviations dans la vie chrétienne. En même temps, dans les consultations, la demande qui revient le plus souvent, c’est que les chrétiens reçoivent une formation qui leur permette de mieux connaître leur foi, de devenir de vrais disciples de Jésus afin de pouvoir participer davantage à la vie et à la mission de l’Eglise dans le monde.

(b)   Ce point est absolument fondamental. Il rejoint l’enseignement et l’appel du Concile du Vatican II qui demande que les chrétiens ne se contentent pas d’être des membres de l’Eglise « de corps » mais qu’ils en soient des membres « de cœur »[16]. Car l’Eglise n’est pas simplement une organisation sociale mais un « mystère de communion », c’est-à-dire, une communauté de personnes unies entre elles par des liens fraternels, parce qu’elles ont une foi commune en Jésus Christ, le sauveur des hommes. La vitalité et le dynamisme d’une Eglise dépendent totalement de la foi personnelle de chacun de ses membres en Jésus Christ.  Une telle foi, pour être vraiment personnelle, doit être ancrée dans les réalités concrètes de la vie quotidienne et doit pouvoir s’exprimer de manière adaptée dans la culture du peuple.

(c)    Le premier point à l’ordre du jour du Synode sera donc : « comment mieux annoncer Jésus Christ aux chrétiens, afin de susciter une foi plus personnelle en lui ? »[17].

Ainsi, le Synode sera appelé à proposer quelques repères précis et à indiquer quelques moyens concrets pour promouvoir, à tous les niveaux, une formation qui vise à faire de chaque chrétien un disciple de Jésus Christ et un témoin de son Evangile dans le monde.

Pour une Eglise « sel de la terre ».

« Si le sel perd sa saveur, comment reviendra-t-il du sel ? »[18]

(a)   Les consultations pré-synodales ont montré comment les réalités de vie des différents milieux sociaux, ainsi que les évolutions de notre société sont peu prises en compte dans certains lieux d’Eglise comme, par exemple, la liturgie, les conseils paroissiaux ou quelques uns des mouvements et organismes diocésains. On trouve aussi que l’Eglise est trop souvent absente des grands débats qui préoccupent nos compatriotes et reste muette devant certains événements importants de la vie du pays. Elle n’est pas suffisamment présente dans les moyens de communication pour faire entendre son message. Il y a ainsi une demande pour que l’Eglise, à tous les niveaux, soit plus attentive à la vie des personnes ainsi qu’à la vie du pays, et qu’elle propose plus régulièrement l’éclairage de l’Evangile et de son enseignement social dans les débats de notre société et à l’occasion d’événements importants de la vie du pays. L’Eglise devrait aussi encourager les chrétiens à s’engager davantage dans les structures politiques, socio-économiques et culturelles de notre société afin de travailler avec d’autres à la rendre plus juste et fraternelle.

(b)   Cette demande rejoint un aspect fondamental de la mission de l’Eglise, telle que le Concile Vatican II l’a décrite : l’Eglise a le devoir d’analyser sans cesse les signes des temps, de montrer l’impact de l’Evangile sur les situations humaines et les évolutions de la société, et de s’engager concrètement , en s’inspirant de l’Evangile, pour faire évoluer les structures de la société, afin qu’elles servent vraiment au développement humain intégral[19].

(c)    C’est pourquoi le Synode sera appelé à proposer quelques repères précis et à indiquer quel moyen prendre – y compris des structures de formation et des lieux d’accompagnement – pour promouvoir cette attention aux réalités du monde, à tous les niveaux  de l’Eglise, et encourager un engagement plus profond des chrétiens pour la construction d’une société plus juste.

Pour une Eglise au service des pauvres

« Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger »[20]

(a)   Une grande soif d’une Eglise plus proche des petits et des pauvres s’est exprimée dans les consultations pré-synodales. Un grand désir aussi que l’Eglise s’implique davantage pour la justice sociale et fasse plus pour répondre aux besoins des plus pauvres – par particulier les créoles, car c’est parmi eux que l’on trouve la plus grande partie des exclus de notre société. Il y a eu aussi une grande demande de formation sociale de nos animateurs chrétiens, en vue d’un meilleur engagement dans ce domaine.

(b)   Cette grande aspiration rejoint un aspect essentiel de la mission de l’Eglise qui est appelée à partager la passion de Dieu pour l’homme, à s’engager concrètement pour le développement l’intégral de l’homme, à lutter pour que ses droits soient respectés et à être aux côtés des plus pauvres dans leurs efforts pour se remettre debout avec dignité et prendre leur place dans la société. Mais l’Eglise n’est pas la seule institution à s’intéresser aux plus pauvres ou à militer en faveur des droits de l’homme. Elle n’a pas le monopole de l’initiative ou de  l’engagement en faveur du développement humain intégral. De fait, l’Etat a une responsabilité dans ce domaine, et l’Eglise ne doit pas chercher à se substituer à lui. Il y a aussi les ONGs, dont l’Eglise doit reconnaître le sens du service et la compétence, avec qui elle est appelée à collaborer.

(c)    C’est en tenant compte de ces données concrètes que le Synode devra proposer un plan d’ensemble de l’apostolat social de l’Eglise, où soit indiqué quelques repères précis et les moyens concrets à prendre pour que l’Eglise accomplisse au mieux sa mission de service auprès des pauvres de notre société.

Pour une Eglise « passerelle » entre les cultures

« Tous, nous les entendons annoncer, dans nos langues, les merveilles de Dieu »[21]

(a)   Aujourd’hui, il y a une grande souffrance devant les tensions et les divisions qui se manifestent entre des groupes d’origine sociale ou de culture différente dans l’Eglise. En même temps, les fidèles ont exprimé un grand désir de construire l’unité entre ces différents groupes. D’une part, on demande que la culture créole soit davantage reconnue et accueillie dans l’Eglise, et aussi que ceux qui parlent le français, ou ceux qui sont de culture indienne ou chinoise, ne se sentent pas exclus. D’autre part on souhaite qu’il y ait des occasions et des lieux visibles ou les fidèles de milieux ou de cultures différents puissent se rencontrer, vivre quelque chose ensemble, et travailler ensemble à la mission de l’Eglise.

(b)   Cette frustration et ce désir rejoignent un aspect essentiel de la nature même de l’Eglise, qui apparaît dès sa naissance à la Pentecôte. L’Eglise est née lorsque des gens qui parlaient dix-sept langues différentes ont entendu, en même temps, chacun dans sa langue, la bonne nouvelle de la résurrection de Jésus. L’Eglise est née comme un lieu »passerelle » entre des personnes de langues différentes. Vivre l’accueil de cultures différentes dans l’unité de la me Eglise, est donc un des défis fondamentaux que l’Eglise doit relever si elle veut être fidèle à sa vocation.

(c)    Le Synode sera donc appelé à proposer des repères précis, à indiquer quelques moyens concrets et éventuellement à formuler quelques règles, en vue de promouvoir la construction d’une Eglise « passerelle »entre différentes cultures à Maurice, Rodrigues et Agaléga.

Pour une Eglise en dialogue avec les croyants d’autres religions

« Dieu est impartial ; et en toute nation, quiconque le craint et pratique la justice trouve accueil auprès de lui. »[22]

(a)   Dans les consultations, on a constaté un certain repli des chrétiens sur eux-mêmes, une hésitation à s’ouvrir aux croyants d’autres religions et à dialoguer avec eux. Cette sorte de peur vient peut-être de l’insécurité qu’ils vivent dans le pays, ou des préjugés ancrés dans l’histoire. Mais on constate aussi une joie réelle lorsqu’on arrive à prier ensemble, lors d’une cérémonie de fin d’année par exemple, ou lorsqu’on partage des friandises à l’occasion d’une fête religieuse, ou encore lorsqu’on s’entraide au niveau d’un quartier, d’un village, ou que l’on collabore ensemble à un projet commun, surtout dans le domaine social.

(b)   Cette hésitation des chrétiens, aujourd’hui, dans leur relation avec les croyants d’autres religions rejoint les appréhensions des tous premiers disciples de Jésus par rapport aux nations au milieu desquelles ils vivaient. C’est l’Esprit de Pentecôte qui est venu à bout de leur peur et qui l’a transformée en ouverture, comme en témoignent les incidents qui entourent la visite de l’apôtre Pierre chez le centurion romain Corneille où les discussions qui eurent lieu au tout premier Concile de l’Eglise à Jérusalem. Ce qui veut dire que l’ouverture aux croyants d’autres religions n’est pas quelque chose de facultatif pour l’Eglise. Au contraire, cela fait partie de sa vocation depuis les origines.

(c)    C’est pourquoi le Synode devra proposer des repères précis ainsi que des moyens concrets à prendre pour qu’à tous les niveaux de l’Eglise, à Maurice, Rodrigues, Agaléga, l’ouverture, la rencontre, le respect, le dialogue et la coopération avec nos frères chrétiens d’autres religions deviennent une réalité.

Pour une éducation catholique au service de l’enfant mauricien

« Qui accueille en mon nom un enfant, m’accueille moi-même »[23].

(a)   Les chrétiens ont exprimé un grand désir que l’Eglise non seulement maintienne son engagement actuel dans le domaine de l’éducation, mais le renforce, l’améliore et le développe, afin surtout d’être davantage au service des plus pauvres.

D’une part, on souhaite que les écoles catholiques continuent de proposer une éducation globale, où l’accent soit mis non pas uniquement sur le bon niveau académique mais d’abord sur le développement personnel et l’intégration sociale de l’enfant. Pour cela, on souhaite que chaque école ait un environnement sain, caractérisé par une bonne relation humaine, la discipline, et une participation des parents. On demande aussi que les professeurs aient de bonnes conditions de travail ; on sollicite plus d’effort de leur part afin qu’ils soient non seulement des maîtres mais des témoins. Pour les aider dans cette tâche, on demande pour eux une formation continue adéquate. Une catéchèse de qualité est jugée condition sine qua non pour que l’école catholique contribue à former de vrais témoins de l’Evangile.

D’autre part, on souhaite que les pauvres aient davantage accès aux écoles catholiques. Pour cela, on voudrait que l’Eglise ait plus de liberté d’initiative pour ouvrir d’autres écoles, afin d’être en mesure de répondre à la demande croissante des chrétiens et spécialement des plus pauvres.

(b)   Cette demande pressante rejoint un aspect de la mission de l’Eglise qui, comme l’a souligné le Concile Vatican II, a un rôle primordial à jouer dans l’éducation. Mais, encore une fois, l’Eglise n’est pas la seule à être concernée par l’éducation. Elle n’a pas de monopole dans ce domaine. Elle doit reconnaître l’apport important du privé et des autres confessions religieuses. Et surtout, elle ne peut se substituer à l’Etat qui s’est engagé à en être le premier responsable, en se proposant de financer les études de tous les enfants mauriciens. Or, l’Etat propose actuellement un plan de réforme important qui concerne aussi les écoles catholiques. C’est donc en tenant compte de ces différents éléments : (i) la forte demande qui lui est adressée par les chrétiens ; (ii) les propositions contenues dans le plan de réforme du gouvernement, et (iii) la collaboration qu’elle doit avoir avec ses différents partenaires, que l’Eglise doit chercher comment répondre, aujourd’hui, à sa mission éducative dans la société mauricienne.

(c)    Le Synode est donc appelé à clarifier le rôle de l’Eglise dans l’éducation, aujourd’hui, et à déterminer ses priorités pour les années à venir. Il devra aussi indiquer les moyens que l’Eglise doit prendre pour remplir au mieux son rôle éducatif au service de l’enfant mauricien. Il contribue déjà à préciser la position que l’Eglise devra adopter par rapport au plan de réforme proposé par le gouvernement.

Pour une liturgie vivante et vivifiante

« Ils racontèrent comment ils l’avaient reconnu à la fraction du pain »[24].

(a)   Une certaine souffrance s’est exprimée par rapport à la façon dont la messe du dimanche est vécue : peu d’accueil, un langage difficile à comprendre, peu d’allusion à ce qui fait la vie des gens ou du pays, un rôle trop important attribué aux chorales, une tenue vestimentaire négligée, le peu de place ou la trop grande place accordée à la langue créole, etc. En même temps, les consultations font état d’un grand désir de mieux vivre la messe du dimanche ; on désire qu’elle soit un lieu d’accueil fraternel, on souhaite qu’un langage et des modes d’expression plus proches de la culture des gens soient utilisés, afin que chacun se sente davantage concerné et puisse y trouver les ressourcements et le soutien dont il a besoin pour pouvoir assumer chrétiennement ses responsabilités familiales et sociales durant la semaine.

Par ailleurs, il y a aussi une frustration par rapport aux facilités accordées à certains groupes dans l’Eglise, pour des célébrations quasi privées à l’occasion de certains sacrements ou de certains anniversaires. Il est fortement demandé que tous les chrétiens soient traités sur un pied d’égalité en ce qui concerne les cérémonies religieuses et les sacrements.

(b)   Ce désir rejoint quelques données essentielles sur la place centrale de la messe du dimanche dans la vie de l’Eglise, et sur la dimension communautaire de toute célébration liturgique. Le Concile Vatican II affirme que la messe du dimanche est à la fois la source et le sommet de toute vie chrétienne en Eglise. Ce qui veut dire que la messe dominicale est le lieu par excellence où l’on sent battre le cœur d’une communauté : c’est à la messe que le peuple se rassemble de divers horizons pour faire corps autour de la Parole qu’il reçoit et du Pain eucharistique qui le nourrit ; c’est là que le peuple rassemblé s’offre à son Seigneur pour se laisser envoyer par lui pour servir, comme lui, les hommes dans le monde.

A la lumière de ces enseignements, on peut comprendre comment la qualité de la messe du dimanche est un bon test de la qualité de la vie de la communauté qui célèbre. C’est là qu’apparaissent à la fois ses forces et ses faiblesses. Ainsi les remarques faites à propos de la messe du dimanche et la liturgie en général ne concernent pas seulement la capacité de notre Eglise d’organiser une célébration, mais aussi la qualité de sa vie chrétienne tout court. L’amélioration de notre façon de célébrer la messe du dimanche et le reste de la liturgie doivent donc aller de paire avec un renouvellement de notre vie chrétienne.

(c)    Le Synode devra donc proposer quelques repères précis et indiquer des moyens concrets à prendre – y compris une certaine formation – pour promouvoir des liturgies plus vivantes et plus vivifiantes, qui aident en même temps à améliorer la qualité du témoignage que l’Eglise doit porter dans la société.

Participer à la responsabilité de l’Eglise

« Vous êtes le corps du Christ, et vous êtes ses membres chacun pour sa part »[25].

(a)   Des laïcs ont exprimé une certaine souffrance par rapport au peu de reconnaissance qu’ils reçoivent quand ils s’engagent pour servir la mission de l’Eglise. Certains ont aussi de la difficulté à travailler en équipe avec des prêtres. Les religieuses et les femmes laïques sont aussi déçues quelque fois par le peu de place qu’on leur accorde dans les structures de décision de l’Eglise. En même temps, les consultations font état d’un immense désir de participer au maximum aux responsabilités, à tous les niveaux de la vie de l’Eglise. Avec le peu de relève chez les prêtres, les religieux et les religieuses et au moment où la mission de l’Eglise se diversifie de plus en plus, on voit mieux la nécessité de vivre la mission de l’Eglise en communauté ; on retrouve l’importance de mettre en valeur la contribution de chacun dans l’exercice des responsabilités de l’Eglise, et de faire corps autour d’une mission commune.

(b)   Cette souffrance et ce désir concernent un point central de la nature même de l’Eglise, corps du Christ. Dans ce corps, chaque personne et chaque groupe a une égale dignité et une contribution unique à apporter à la vie de l’Eglise et à sa mission. La vitalité et le dynamisme de toute communauté ecclésiale dépendent dans une grande mesure de ce que chacun – qu’il soit laïc, religieux, religieuse ou prêtre, qu’il soit homme ou femme, enfant, jeune, ou adulte, célibataire ou marié – soit accueilli comme une richesse et puisse apporter sa contribution. C’est pourquoi de meilleures structures de coresponsabilité et la création de nouveaux ministères reconnus et diversifiés ont été mentionnés dans les consultations comme des éléments essentiels pour que l’Eglise puisse accomplir sa mission de manière responsable aujourd’hui.

(c)    Le Synode devra donc proposer quelques repères pour préciser le rôle de chacun des agents principaux de la pastorale de l’Eglise, et indiquer quel moyen prendre pour promouvoir ce partage de responsabilités à tous les niveaux. Surtout, il faudra indiquer les structures de coresponsabilité pastorale à mettre en place, et le type de ministère à instituer pour que la mission de l’Eglise soit portée par le plus grand nombre de personnes se soutenant mutuellement dans un esprit fraternel et communautaire.

La place des jeunes et des enfants

« Viens, suis moi, tu auras un trésor dans le ciel »[26]

(a)   Dans les consultations pré-synodales, un grand souhait a été exprimé pour que les jeunes et les enfants trouvent leur place et soient à l’aise dans l’Eglise. On demande que les responsables cherchent à comprendre le monde dans lequel ils vivent, afin que l’Evangile leur soit présenté de manière adaptée et que leur prière puisse emprunter des mots et des modes d’expression qui soient les leurs. Ainsi, en trouvant la place qui est la leur dans l’Eglise, ils pourraient mieux apporter leur contribution à l’exercice de sa mission dans le monde.

(b)   Ce souhait touche en fait à un point capital de la vie de l’Eglise, qui est sa capacité d’initier les jeunes et les enfants à la vie chrétienne. La santé d’une Eglise se mesure à l’énergie qu’elle met et aux moyens qu’elle prend pour assurer une telle initiation aux générations qui montent. Cette initiation passe par la catéchèse, mais aussi par un accompagnement en mouvement qui aide les jeunes et les enfants à devenir eux-mêmes acteurs de la mission de l’Eglise dans le monde. La pastorale des Vocations est un autre aspect important de cette initiation des jeunes et des enfants à la vie et à la mission de l’Eglise.

(c)    Le Synode devra donc proposer des orientations précises pour la pastorale des jeunes et des enfants dans le diocèse. En particulier, il devra indiquer les moyens concrets à prendre où les structures à mettre en place pour que les jeunes soient vraiment initiés à la foi, et soient accompagnés dans le témoignage qu’ils sont appelés à porter dans le monde.

L’accueil des divorcés remariés

« Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre »[27]

(a)   Les consultations pré-synodales font état d’une souffrance chez les divorcés remariés, qui sont de plus en plus nombreux dans l’Eglise. Ils se sentent quelque fois largués par la communauté paroissiale ou par les mouvements. On demande que l’Eglise soit plus accueillante envers eux, qu’elle leur donne leur place dans la communauté et les invite à participer à certaines activités.

(b)   Cette demande rejoint un aspect important de la mission de l’Eglise, qui, comme Jésus, doit tout faire pour « ne perdre aucun de ceux qui lui ont été donnés »[28]. En effet, tout en maintenant la vérité des exigences du sacrement du mariage, l’Eglise doit être sensible à la situation éprouvante des divorcés remariés. Beaucoup d’entre eux, après l’échec de leur premier mariage, restent des croyants authentiques et souffrent de ne pouvoir avoir accès aux sacrements.

(c)    Le Synode devra donc préciser clairement les raisons pour lesquelles l’Eglise doit accueillir les divorcés remariés et les moyens concrets à prendre pour promouvoir cet accueil, tout en expliquant clairement aussi pourquoi les divorcés remariés ne peuvent avoir accès aux sacrements.

2.3. S’unir autour d’une même mission

Le Carême est un temps privilégié où nous sommes invités à nous réconcilier avec Dieu et à retrouver une unité dynamique entre nous. Profitons en pour nous préparer tous, le mieux possible, à apporter chacun notre prière au succès du Synode.

J’invite donc tous les chrétiens à prier pour le Synode, pendant le Carême, afin que les délibérations de l’Assemblée soient franches et ouvertes, et que nous arrivions à des propositions sages et pratiques sur chacun des points qui figure à l’agenda.

Pour nous aider à mieux comprendre les enjeux du Synode en général et de chaque point de l’agenda en particulier, des retraites et des sessions seront organisées dans toutes les paroisses pendant le carême et même après. Tous sont invités à participer. Car le Synode a besoin du soutien et des lumières de chacun, dans cette dernière phase de préparation avant l’Assemblée Synodale qui sera convoquée à la Pentecôte.

En effet, entrer en Synode, ce n’est pas seulement se réunir dans une assemblée pour voter des propositions ; c’est plus profondément entrer dans une démarche spirituelle où nous nous laissons réunir par le Seigneur autour de la mission qu’il nous confie, une mission mieux comprise, mieux accueillie, et pour laquelle chacun se donne plus généreusement. Faire Synode, c’est donc non seulement être ensemble sur la même route, mais surtout cheminer pour devenir plus unis autour d’une même mission. Cette unité dynamique est la grande grâce que nous devons demander à Dieu, à l’occasion de notre Synode. Car c’est de cette unité que dépendra la santé même de notre Eglise et sa capacité d’accomplir authentiquement sa mission dans le monde. « Que tous soient un, afin que le monde croit », priait Jésus la veille de sa mort. Prions avec lui, nous aussi[29].

 CHAPITRE III

Repartir vers le Père : un cheminement en Eglise

–          Le Synode à Rodrigues –

Dès le lancement du synode, en 1997, on soulignait le fait que le diocèse de Port-Louis comprend trois îles : Maurice, Rodrigues et Agaléga. C’est ce qui nous faisait dire, dès le départ, qu’il y aurait un Synode, mais plusieurs cheminements. C’est pourquoi la préparation du Synode tient compte des réalités spécifiques de Maurice, de Rodrigues et d’Agaléga.

3.1 Originalité rodriguaise

Les consultations à Rodrigues ont de fait révélé, chez les chrétiens rodriguais, un désir très fort d’être partie prenante des décisions concernant toutes les sphères de la vie rodriguaise, y compris la vie de l’Eglise à Rodrigues. Dans ces consultations, les chrétiens rodriguais soulignent qu’ils sont à l’aise dans l’Eglise et qu’ils sont heureux que l’originalité de leur vie ecclésiale soit reconnue dans le diocèse. Le pas à faire selon eux, c’est que cette reconnaissance prenne une forme plus officielle.

Pour respecte cette originalité, un secrétariat distinct pour Rodrigues a donc été institué et la préparation du Synode, à Rodrigues, a été différente de celle de l’île Maurice. Cela a abouti à mettre à l’agenda du Synode des points spécifiques qui traitent de certains aspects de la vie de l’Eglise à Rodrigues.

3.2 Comment l’agenda synodal pour Rodrigues a-t-il été constitué ?

Le secrétariat s’est inspiré d’un parcours de formation du centre Carrefour pour démarrer la réflexion, en proposant une relecture de l’histoire du pays, de son peuplement et de l’Eglise.

Cette première étape a été suivi d’une large consultation, où les chrétiens étaient invités à donner leur avis sur la vie de l’Eglise et à proposer des points à être discutés au Synode.

Au cours d’une troisième étape, les équipes ont eu l’occasion d’exprimer les aspirations profondes des Rodriguais ainsi que les difficultés qu’ils rencontrent et les défis qu’ils ont à relever.

3.3 L’Agenda du Synode pour Rodrigues

L’Agenda du Synode pour Rodrigues a été élaboré à partir de ces consultations, mais en tenant compte aussi des priorités établies lors d’une réflexion majeure sur l’évangélisation à Rodrigues, en 1994, et avec l’aide des propositions provenant du secrétariat.

Les propositions suivantes ont été retenues pour figurer à l’agenda :

Consolider la foi en Jésus Christ.

« Il nous faut développer une foi personnelle centrée sur la personne de Jésus Christ. Quel Jésus Christ présenter aux hommes de notre temps ? », disait le secrétariat du synode à Rodrigues.

Les différentes réflexions entreprises par les mouvements, la recherche sur l’évangélisation de 1994 et les consultations pré-synodales démontrent clairement l’importance et l’urgence de redécouvrir ce qui fait la base de notre foi. Cela s’exprime de différentes manières.

Des Chrétiens engagés socialement ont du mal à vivre une relation personnelle avec Jésus Christ. Pour certains, l’Evangile est une belle histoire du passé. Pour d’autres, le recours à la superstition semble inévitable et tout à fait compatible avec leur foi en Jésus Christ. Pour d’autres encore, être chrétien relève d’un héritage familial : «  Nou finn né là dans ».

Choisir de croire en Jésus Christ et de traduire cette foi dans sa vie quotidienne nécessite une formation que déjà certains mouvements et groupes ont commencé à inclure dans leur programme. Le Synode devra proposer des moyens pour qu’une telle formation atteigne le plus grand nombre et qu’elle soit incarnée dans les réalités du peuple rodriguais, en tenant compte de son histoire, de sa culture, et de ses aspirations profondes.

Présence active des chrétiens dans la vie rodriguaise

« Notre foi en Jésus Christ nous demande de nous intéresser à la vie de notre peuple et à son développement », disait le secrétariat du Synode à Rodrigues.

Le travail pré-synodal montre clairement que, pour la majorité des chrétiens à Rodrigues, l’engagement social est partie intégrante de leur foi. L’orientation prise au cours des années 1970, ainsi que les différentes lettres pastorales adressées spécifiquement à Rodrigues, font qu’aujourd’hui beaucoup de chrétiens sont préoccupés par les questions sociales et sont présents dans diverses instances sociales et politiques.

Devant les grandes questions qui préoccupent les Rodriguais aujourd’hui – par exemple : le chômage et l’émigration, l’absence des réalités rodriguaises dans les médias nationaux, l’installation d’une société de consommation, une grande aspiration à participer aux décisions affectant la vie rodriguaise s’exprime de plus en plus.

Le Synode devra s’interroger sur la présence des chrétiens dans le social et la politique. Cette présence est-elle suffisamment engagée et active ? Quel type d’accompagnement mettre en place pour soutenir les personnes engagées, les interpeller et développer chez elles un esprit critique ?

Une autre question se pose : quand l’action, ou les prises de position, de groupes d’Eglise ont des répercussions sur le plan politique, des réticences, des interrogations, des critiques s’expriment. Le Synode devra proposer des repères précis pour inspirer et guider l’engagement social de l’Eglise dans la vie rodriguaise.

Elaboration d’une pastorale d’ensemble et mise en place de structures appropriées

Des groupes synodaux souhaitent que toutes les institutions d’Eglise « marche dans ène même la ligne ». Ils veulent dire par là qu’il faut que l’Eglise à Rodrigues se donne quelques grands axes pastoraux qui inspirent toutes ses institutions et ses structures. Plusieurs soulignent, par exemple, l’importance d’une participation effective aux prises de décision à tous les niveaux de la vie de l’Eglise.

Le Synode devra définir quelles sont les axes pastoraux qui serviront de repères pour la vie de tous les groupes d’Eglise à Rodrigues. C’est aussi à la lumière de ces axes pastoraux que ces groupes évalueront leur action.

Par ailleurs, le Synode devra revoir la composition des conseils pastoraux de village ou de paroisse en vue d’une meilleure représentativité, et proposer des structures qui assurent une meilleure coordination entre ces conseils, les mouvements et les autres instances d’Eglise.

Inculturation de la foi

Les consultations pré-synodales révèlent que les chrétiens sont heureux des initiatives prises, ici et là, pour que des aspects de la culture rodriguaise soient présents notamment dans les célébrations. Il reste toutefois beaucoup à faire pour que la foi soit vraiment inculturée. Le langage utilisé, les chants, les prières, prennent-ils suffisamment en compte les réalités de vie, les croyances, etc. … ?

Cette « inculturation » est d’une importance capitale pour la vitalité de l’Eglise. Le Synode devra réfléchir à partir de ce qui est réalisé dans certains mouvements et dans certaines célébrations, pour proposer des repères précis qui pourraient guider ce souci d’inculturation dans la vie de l’Eglise.

La famille

D’après les consultations, toutes les catégories d’âge (enfants, jeunes, parents) sont préoccupées par la vie familiale rodriguaise, tiraillée aujourd’hui entre tradition et modernité.

Le Synode devra réfléchir sur la famille rodriguaise et proposer quelques repères pour son fonctionnement, les relations entre ses différents membres, son rôle dans la transmission de la foi. Il devra aussi proposer des moyens pour aider les familles à vivre davantage les valeurs évangéliques, afin qu’elles deviennent de vraies communautés chrétiennes qui sachent discerner, dans les traditions comme dans la modernité, ce qui rejoint les valeurs évangéliques.

3.4. Accueillir l’originalité rodriguaise

Comme on peut le constater, plusieurs points retenus à l’agenda du Synode pour Rodrigues rejoignent des points figurant à celui de l’Ile Maurice. On remarquera aussi que d’autres points témoignent de la spécificité de la vie ecclésiale à Rodrigues.

Ainsi, à partir de points de départ différents, des préoccupations pastorales communes émergent à Maurice comme à Rodrigues. Cela nous fait prendre conscience des liens profonds qui nous unissent. Mais cette unité n’empêche pas – au contraire – que s’expriment aussi des réalités différentes et des approches pastorales originales. Accueillir ces diversités nous enrichira et nous interpellera mutuellement au Synode.

C’est donc fraternellement, en se donnant la main, que l’Eglise qui est à Maurice et celle qui est à Rodrigues se mettent en marche pour ce grand pèlerinage synodal qui nous conduit ensemble vers le Père.

 CHAPITRE IV

Repartir vers le Père : une démarche en compagnie de tous nos compatriotes

Au moment où, grâce au Synode Diocésain, notre Eglise s’apprête à reprendre la route vers le Père, je voudrais m’adresser plus largement à tous mes compatriotes, croyants d’autres religions ou incroyants. Car notre foi nous dit que Dieu est le Père de tous les hommes et qu’ainsi, nous faisons tous partie de la grande famille humaine. C’est donc ensemble que nous sommes en route dans ce grand pèlerinage humain vers la maison du Père.

Comme vous êtes nos compagnons de voyage sur cette route, je voudrais simplement partager avec vous ce qui nous motive, pour chercher le dialogue et la collaboration avec vous.

Je souhaiterais qu’en échange, nos frères et sœurs d’autres religions nous communiquent leurs convictions de foi qui les motivent, eux aussi, à dialoguer et à collaborer avec nous.

4.1. Dieu crée tous les hommes à son image

L’unité radicale de la famille humaine a sa source dans le simple fait que Dieu a créé chaque homme et chaque femme à son image. Nous avons une origine commune en Dieu, créateur et Père. Nous sommes donc tous frères et sœurs les uns des autres. C’est cette trace de l’image de Dieu déposée en chacun de nous qui nous confère une égale dignité, qui nous donne les mêmes droits. Tout cela, origine commune, égale dignité, mêmes droits, crée entre nous des liens très forts, beaucoup plus forts que les différences de religion, de race ou de culture.

4.2. Jésus donne sa vie pour tous les hommes

Un autre lien qui nous unit vient du fait que Dieu, notre créateur, est aussi le Dieu qui nous sauve. Car, si nous sommes heureux d’appartenir à la même famille humaine, nous devons reconnaître que nous participons aussi au drame de cette famille, qui est d’être marquée par le péché. De quelle manière ? si nous sentons en nous des aspirations vers le bien, le bon, le vrai, nous devons reconnaître aussi des tendances mauvaises qui nous tirent vers le bas. Saint Paul décrit très bien cela : « Je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je déteste. »[30], comme si nous étions paralysés, tiraillés de deux côtés et n’arrivant pas à prendre la bonne décision. Qui pourrait nous aider ? Dieu ne se contente pas de nous créer ; il voit notre difficulté, et notre incapacité à nous en sortir. Alors il descend vers nous, il envoie son Fils Jésus, qui vient sur cette terre pour vivre au milieu de nous, hommes et femmes tiraillés par le péché. Il acceptera que ceux qui choisissent le mal, en arrivent à vouloir sa mort et à le crucifier.

Parce que Jésus ne subit pas seulement sa mort sur la croix mais donne sa vie librement pour tous les hommes, cette croix est maintenant dressée sur le monde et dit à tous : douceur et non pas violence ; pardon et non pas vengeance ; vérité et non pas mensonge ; humilité et non pas orgueil ; compréhension et non pas dureté.

Un homme a tracé un chemin, a ouvert une brèche. Dieu le Père l’a ressuscité, lui qui a tant aimé les hommes qu’il a donné, pour les sauver, tout ce qu’il pouvait donner, jusqu’à sa propre vie. Le Pape Jean-Paul II a affirmé solennellement, dès le début de son pontificat, que cette œuvre du Christ concerne non seulement les chrétiens mais tous les hommes : « Tout homme, sans aucune exception a été racheté par le Christ, parce que le Christ est en quelque sorte uni à l’homme, à chaque homme sans aucune exception, même si ce dernier n’en est pas conscient. Le Christ, mort et ressuscité pour tous, offre à l’homme – à tout homme et à tous les hommes – lumière et force pour lui permettre de répondre à sa très haute vocation »[31].

4.3. L’Esprit Saint est à l’œuvre dans le cœur de tous les hommes

Remonté vers le Père, Jésus envoie l’Esprit Saint à tous les hommes sur toute la terre[32]. Quand on parle de l’esprit de quelqu’un, on parle de sa manière de voir, de sa manière de sentir, de sa manière de comprendre les gens, les choses, la vie. Son esprit, c’est surtout sa manière d’aimer. En envoyant son Esprit aux hommes, c’est comme si Jésus nous murmurait à l’oreille : cet homme que tu méprises, c’est mon enfant, c’est ton frère ; cette femme que tu traites injustement, c’est mon enfant, c’est ta sœur. L’Esprit de Dieu nous fait regarder les gens, la nature, les événements avec son regard.

C’est son Esprit qui donne aux hommes la force de ne pas être entraîné vers le bas, de résister aux tiraillements vers le mal. Jésus nous souffle par son Esprit : renonce à cette méchanceté, arrête ta colère, pourquoi jalouses-tu ? N’abuse pas de ton pouvoir, sois juste, tu seras plus heureux toi-même et tu rendras tes frères plus heureux.

L’Esprit Saint est à l’œuvre dans le cœur de tous les hommes « au-delà des frontières de l’Eglise ». C’est lui qui, travaillant le cœur et la conscience des hommes, fait germer en eux l’amour envers Dieu et le prochain, le souci pour la justice, la lutte pour faire respecter les droits de l’homme, l’acharnement à travailler pour la paix, la tendresse et la compassion envers les plus pauvres, le pardon et la réconciliation entre les hommes.

4.4. L’unité radicale de la famille humaine laisse des traces en nous

Quelle que soit notre race, notre culture ou notre religion, nous avons tous, en tant qu’êtres humains, une origine commune : Dieu, notre créateur et notre Père. Nous avons aussi une destinée commune : nous retrouver ensemble comme une seule famille dans la maison de Dieu, notre Père à tous. Au lendemain de la rencontre de 1986, à Assise, avec les représentants de toutes les religions du monde, Jean-Paul II disait que les différences qui peuvent exister entre nous sont des éléments moins importants par rapport à « l’unité de la famille humaine qui, elle, au contraire, est radicale, fondamentale et déterminante ».

Cependant, nous pouvons quelquefois ressentir nos divisons comme insurmontables, et oublier la force des liens qui nous unissent. C’est alors qu’il faut nous rappeler que cette unité universelle du genre humain, puisqu’elle est fondée sur la volonté de Dieu, créateur et sauveur, ne eut pas ne pas laisser des traces dans la vie réelle des hommes qui appartiennent à des religions différentes.  Ces traces sont là, au milieu de nous, et il suffit d’ouvrir les yeux pour les découvrir, les mettre en valeur et nous appuyer sur elles pour aller plus loin. Ces traces sont multiples, mais je me contenterai d’en mentionner deux qui me paraissent les plus importantes.

4.4.1 Première trace : la prière pour la paix

La première, c’est la prière pour la paix dans toutes les religions. Quand dans chaque religion, des croyants se rassemblent pour prier pour la paix, il me semble qu’il y a là une manifestation admirable de cette unité qui nous lie au-delà des différences et des divisions de toutes sortes. Car toute prière authentique, nous rappelle Jean-Paul II, se trouve sous l’influence de l’Esprit qui est mystérieusement présent dans le cœur de tout homme »[33]. De plus, priant pour la paix, chacun dans sa tradition religieuse, on se rend compte de la valeur unique qu’a la prière pour la paix, et même que l’on ne peut obtenir la paix sans la prière, et la prière de tous, chacun dans sa propre identité et dans la recherche de la vérité ».

C’est pourquoi je suggèrerais volontiers qu’à l’Ile Maurice nous commencions ensemble l’An 2000 par une prière pour la paix. Tous les groupes religieux présents dans notre République pourraient se réunir dans un même lieu le l er janvier 2000. Chacun pourrait exprimer sa prière à Dieu, d’après sa propre tradition, et tous demanderaient à Dieu de nous accorder la paix dans notre pays et dans le monde. Ce serait une manière de commencer le troisième millénaire, en manifestant concrètement l’unité radicale que l’Esprit de Dieu réalise en nous au-delà de nos différences et de nos divisions. Ce serait aussi une façon d’exprimer ensemble notre désir commun de nous engager à travailler pour que cette paix se réalise dans notre pays.

4.4.2 Deuxième trace : L’engagement au service des hommes

Une deuxième trace des liens profonds qui nous unissent à cause de notre origine commune et de notre destinée commune, est le sens du service, et en particulier le service des plus pauvres. L’on retrouve cet amour et cet engagement auprès des pauvres parmi les croyants de toutes les grandes religions, et aussi parmi les incroyants. Lorsque, motivées par une vraie compassion, des initiatives pratiques sont prises pour venir en aide aux défavorisés, nous avons là un signe que, croyants ou incroyants, nous participons, chacun à sa mesure, à la passion de Dieu notre Père pour les hommes, ses enfants.

Jésus nous dit dans l’Evangile que cette passion de Dieu pour l’homme est tellement forte que le moindre service que nous rendons au plus petit des êtres humains touche directement le cœur de Dieu, qui le considère alors comme un service rendu à Lui personnellement. Jésus ajoute même que cette compassion et cette disponibilité à servir gratuitement les pauvres sont les critères selon lesquels nous serons chacun jugés, comme être humain, à la fin de notre vie. Ce qui veut dire en clair que la vocation première d’un être humain, créé à l’image de Dieu, ce n’est pas d’abord de suivre  scrupuleusement les rites de sa religion, mais de se comporter avec compassion et avec miséricorde envers ses semblables. Les rites d’une religion n’existent pas pour eux-mêmes mais pour nous aider à développer en nous un amour de Dieu qui nous fasse partager l’amour de Dieu pour l’homme. C’est dans ce sens, il me semble, que  Jésus a dit un jour : «  Le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat »[34].

C’est pourquoi il me semble qu’au moment où nous nous approchons de l’an 2000, nous pourrions réfléchir ensemble sur les moyens à prendre pur que les différentes pratiques propres à chacune de nos religions aident vraiment les croyants à concentrer leurs énergies sur le service désintéressé des plus pauvres. Il y a tant à faire pour que les droits de l’homme soient respectés, ou pour que l’éradication de la pauvreté devienne une réalité dans notre pays. L’engagement pour les droits de l’homme devrait avoir priorité sur le souci, légitime en soi, de défendre les droits de notre religion. Car si une religion a des droits dans une société – le droit d’exister et d’exprimer sa foi à sa manière – c’est parce qu’elle a le devoir de mettre toutes ses énergies au service des hommes et des femmes de la société où elle se trouve, et en particulier des plus pauvres.

4.5 Avancer ensemble sur le chemin de la paix

Ce sont ces convictions qui motivent le désir sincère de l’Eglise catholique de se rapprocher des autres religions. Nous pourrions nous rencontrer autour d’une même prière pour la paix et autour d’un engagement commun au service des plus défavorisés de notre société, peu importe leur religion, leur race ou leur culture. Nous avons là la base d’un authentique patriotisme que chaque religion pourrait promouvoir dans sa tradition propre. Ce patriotisme pourrait beaucoup nous aider à avancer ensemble sur le chemin de la paix, qui est en même temps le chemin qui mène à la maison de Dieu, notre Père à tous.

Conclusion

Je prie pour que ce carême soit l’occasion  pour chacun d’entre nous de prendre un nouveau départ dans sa vie personnelle, en reprenant la route vers le Père comme le fils prodigue.

Je prie aussi pour que l’Eglise, à Maurice, à Rodrigues et à Agaléga, accueille de tout son cœur le renouvellement que le Synode va enclencher dans notre diocèse. Je prie pour que le Synode nous aide à redécouvrir la beauté de la vocation de notre Eglise et de la valeur de sa mission au cœur de nos îles. Que l’Esprit nous donne la grâce de la fidélité à cette vocation et de la créativité dans la recherche des moyens adaptés pour accomplir notre mission, aujourd’hui et demain.

Je prie encore pour mes compatriotes de toutes religions ; que Dieu, notre Père à tous, nous donne de nous rapprocher les uns des autres, dans un engagement commun pour la paix et pour le service des plus défavorisés.

Je prie pour qu’en reprenant ensemble la route de notre pèlerinage vers le Père, nous puissions accueillir dans la joie le grand Jubilé de l’An 2000.

Evêché de Port-Louis                                              + Maurice E. Piat c.s.sp.

5 février 1999                                                                        Evêque de Port-Louis



[1] Lettre Apostolique du Pape Jean-Paul II “Alors qu’approche le troisième millénaire de l’ère nouvelle”, no. 49

[2] Ibidem

[3] Evangile selon St Matthieu, ch. 11, 27

[4] Evangile selon St Matthieu, ch. 20, 25-26

[5] Evangile selon St Luc, ch. 15

[6] Evangile selon St Jean, ch. 12, 44-45

[7] Livre de l’Exode, ch. 3, 12

[8] Evangile Saint Matthieu, ch. 25

[9] Evangile de St Matthieu, ch. 5, 45

[10] Evangile selon St Matthieu, ch. 6, 8; 30-33

[11] Evangile selon St Jean, ch. 10, 10-15

[12] Evangile selon St Jean, ch. 15, 11

[13] Evangile selon st Matthieu, ch.7,27

[14] Livre de Deutéronome, ch. 6,12

[15] Livre du Deutéronome, ch. 8, 2

[16] Evangile selon St Matthieu, ch. 7, 24

[17] Concile Vatican II, Constitution “Lumen Gentium” sur l’Eglise, no.14

[18] Exhortation Apostolique de Paul VI “Annoncer l’Evangile »,  no. 20

[19] Evangile selon St Matthieu, ch. 5, 13

[20] Exhortation Apostolique de Paul VI « Annoncer l’Evangile », No. 19

[21] Evangile selon St Matthieu, ch. 25, 35.

[22] Le livre des Actes des Apôtres, ch. 2, 11

[23] Le livre des Actes des Apôtres, ch. 10, 35

[24] Evangile selon St Matthieu, ch. 18, 5

[25] Evangile selon St Luc, ch. 24, 35

[26] Première Epître aux Corinthiens, ch. 12, 27

[27] Evangile selon St Marc, ch. 10, 21

[28] Evangile selon St Jen, ch. 8, 7

[29] Evangile selon St Jean, ch. 6, 39

[30] Evangile selon St Jean, ch. 17

[31] Lettre aux Romains, ch. 7, 15

[32] Lettre Encyclique “le Redempteur de l’homme”, no. 14

[33] Livre des Actes des Apôtres, ch. 2, 17

[34] Lettre Encyclique “le Redempteur de l’homme”, no.6

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