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Lettre Pastorale 1998 – Renaître de l’Esprit

31/03
1998
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Chers frères et sœurs,

Nous sommes entrés dans la deuxième année préparatoire au Grand Jubilé de l’An 2000. Le Pape Jean-Paul II nous invite à consacrer cette année à l’Esprit Saint. Le but est de redécouvrir la présence et l’action de l’Esprit Saint dans nos vies, dans la vie de l’Eglise et dans la vie du monde. Comme à Marie, le Seigneur nous dit : « « L’Esprit viendra sur toi ». Comme Marie, répondons-lui : « Qu’il me soit fait selon ta parole » (Lc 1, 35-38). Ouvrons nos cœurs à sa présence, lui qui « remplit l’univers » (Sg 1,7). Soumettons-nous à son action, lui qui « renouvelle la face de la terre » (Psaume 104,30).

Cette année consacrée à l’Esprit Saint arrive à point pour notre Eglise, car nous entrons dans une phase cruciale du Synode diocésain. Après un temps de large consultation, l’an dernier, nous devrons commencer, cette année, le discernement proprement dit. Discerner, cela veut dire chercher ensemble dans quelle direction précise Dieu appelle notre Eglise à marcher aujourd’hui. Discerner, cela veut dire aussi choisir ensemble les moyens les plus adaptés pour accomplir la mission de l’Eglise aujourd’hui à Maurice, à Rodrigues et à Agaléga. C’est l’Esprit qui nous guidera dans ce discernement, c’est lui qui nous conduira à faire route ensemble pour un meilleur service et un meilleur témoignage.

Cette année consacrée à l’Esprit Saint se trouve également être l’année du 30e anniversaire de notre Indépendance. C’est là une heureuse coïncidence. Car il semble bien que nous soyons arrivés au seuil d’une nouvelle phase de notre développement, un seuil que nous ne franchirons qu’en faisant un saut qualitatif. Que ce soit pour assurer une croissance saine à notre économie ou pour rendre à la politique ses lettres de noblesse ; que ce soit pour réformer la santé publique ou l’éducation ; qu’il s’agisse de redonner confiance dans nos institutions ou de combattre la corruption, c’est le label de qualité qui manque le plus et que les Mauriciens appellent de tous les vœux en ce 30e anniversaire. Or, la qualité est avant tout une question d’esprit.

Les meilleures réformes structurelles, les plus grands experts de réputation internationale, les plans de développement les plus pertinents ne suffisent pas, par eux-mêmes, à améliorer la qualité de la vie. Pour construire ensemble un mauricianisme de qualité, il nous faut des hommes et des femmes animés d’un nouvel esprit : un esprit ouvert, attaché à la justice, accueillant au mérite où qu’il se trouve, un esprit de solidarité nationale décidé à construire la paix.

Dans les années 60, il a fallu du souffle pour mener à bien le combat en vue d’obtenir et de faire fonctionner l’indépendance politique. Dans les années 80, c’est animé d’un nouveau souffle que les Mauriciens d’envergure ont combattu le chômage avec succès, et fait asseoir l’économie sur quatre piliers au lieu d’un seul. Au seuil de l’An 2000, retrouverons-nous le souffle des grands jours pour combattre la corruption et éliminer l’exclusion ? Ces deux obstacles privent les Mauriciens de la qualité de vie à laquelle ils ont droit. Les surmonter est un enjeu comparable à la lutte pour l’indépendance politique ou pour le décollage économique.

Animée du désir d’apporter sa pierre à cette construction mauricienne, l’Eglise poursuit patiemment son chemin de renouvellement. Le Carême est un temps privilégié qui nous est offert pour nous ressaisir, et reprendre conscience de notre dignité d’homme, de notre vocation de fils de Dieu et de nos responsabilités de citoyens. « Le voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du salut » (2 Cor 6,2).

Dans cette lettre pastorale, je vous invite à contempler d’abord l’Esprit Saint comme la personne avec qui Jésus vit une mystérieuse complémentarité. C’est le même Esprit qui est à l’œuvre dans l’historie depuis la création du monde (Chapitres 1 et 2).

Nous contemplons ensuite l’Esprit Saint comme le grand don que Dieu nous fait au moment où Jésus passe de ce monde à son Père. En le recevant en nous, nous renaissons à une vie nouvelle grâce au pardon qui nous est offert et grâce à l’invitation qui nous es faite d’entrer avec Jésus dans la famille de Dieu, notre Père (Chapitre 3).

Enfin, nous passerons en revue trois aspects principaux de cette vie nouvelle selon l’Esprit : la prière filiale qui vient du cœur, l’accueil mutuel entre frères pour « faire Eglise ensemble », et la responsabilité de témoigner de Jésus ressuscité dans le monde. Ce sera l’occasion de vérifier notre fidélité personnelle à l’Esprit ainsi que celle de notre Eglise dans son ensemble (Chapitres 4, 5 et 6).

Laissons-nous régénérer par le souffle vivifiant de l’Esprit, laissons-nous emporter dans son élan. Alors nous serons en mesure de contribuer à l’avènement d’une meilleure qualité de vie à Maurice, à Rodrigues et à Agagléga.

CHAPITRE I

L’Esprit Saint, troisième Personne de la Sainte Trinité

L’Esprit Saint est une personne divine, la troisième Personne de la Sainte Trinité. Nous croyons en lui, nous lui faisons confiance parce que son existence, sa présence à nos côtés et son action en nous nous ont été révélées par Jésus lui-même.

En effet, le mystère de la Sainte Trinité nous est révélé progressivement à partir de l’expérience personnelle de Jésus. A travers les péripéties de sa vie publique, de sa passion, sa mort et sa résurrection, l’amour extraordinaire qui, de toute éternité, unit le Fils à son Père et le Fils à l’Esprit Saint, apparaît comme une lumière dans l’histoire et laisse des traces dans l’expérience d’un homme, Jésus. Grâce à ce que Jésus nous partage sur la façon dont il vit ces événements, il lève le voile sur le mystère de la communion que les trois Personnes divines vivent entre elles. Une communion qui est tellement profonde que les trois Personnes divines vivent de la même vie, qu’elles sont ensemble un seul et unique Dieu.

1.1.Jésus entre dans le monde comme envoyé du Père

Jésus nous révèle la relation intime qu’il vit avec son Père en se présentant à nous, dès le début de sa vie publique, comme l’envoyé du Père (Lc 3, 21-22). Il nous parle toujours de sa vie sur la terre comme étant, pour lui, l’accomplissement de la volonté de Celui qui l’a envoyé. Cette volonté du Père est la volonté de sauver les hommes : « Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que par lui le monde soit sauvé » (Jn 3, 17).

Jésus est entièrement donné à l’accomplissement de cette volonté de salut. C’est la cap de sa vie : « Ma nourriture est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre » (Jn 4, 34).

En nous parlant lui-même de ce qu’il vit intérieurement, Jésus nous révèle un aspect de la vie intime de Dieu, la relation d’amour filial qui, de toute éternité, unit le Fils au Père : « Il faut que le monde sache que j’aime le Père et que je fais comme le Père me l’a commandé » (Jn 14, 31). Sa vie, toute donnée à l’accomplissement de l’œuvre de salut que le Père a décidé de tout éternité, devient l’expression humaine et historique de ce mystère d’amour resté caché en Dieu (Eph. 3, 10). C’est ainsi que Jésus est la « Parole de Dieu faite chair ».

1.2.Jésus quitte le monde en nous confiant à l’Esprit Saint

Jésus nous révèle la relation qu’il vit avec l’Esprit Saint à un moment particulièrement éprouvant pour lui. Les autorités religieuses juives rejettent son message et cherchent à le faire mourir ; ses apôtres sont ébranlés intérieurement dans leur foi ; le groupe est au moment d’éclater (Jn 16, 32). Jésus vit un moment de tristesse et d’angoisse. Il dit : « Mon âme est triste à en mourir » (Mc 26, 37-38).

Après la résurrection, les choses ne vont guère mieux. Ses apôtres sont souvent pris par le doute ou la peur en le voyant apparaître : « saisis de frayeur et de crainte, ils croyaient voir un fantôme » (Lc 24,37). Au dernier rendez-vous en Galilée, « certains doutèrent » (Mt 28, 17). Juste avant l’Ascension, ils sont encore préoccupés de la restauration politique de la royauté en Israël, montrant ainsi qu’ils ne saisissent pas le vrai sens de la mission de Jésus (Actes 1, 6).

A la fin de sa vie, au moment où tout semble s’écrouler, Jésus, lui, reste calme. Il fait confiance à l’Esprit Saint pour compléter son œuvre. Jésus reconnaît simplement que tout l’enseignement qu’il peut donner à ses apôtres, tout ce qu’il peut faire pour les soutenir ne suffira pas pour les éclairer et leur donner courage. C’est l’Esprit Saint, que le Père enverra en son nom, qui sera leur lumière et leur force. L’Esprit leur rappellera tout ce que Jésus leur aura dit (Jn 14, 26) et les conduira vers la compréhension de la vérité tout entière (Jn 16, 13). D’autre part, l’Esprit les fortifiera aussi : il les « revêtira de la force d’en haut » (Actes 1, 8).

C’est pourquoi au dernier repas, Jésus peut dire : « Je vous dis la vérité, c’est votre intérêt que je m’en aille ; en effet, si je ne pars pas, le Paraclet, l’Esprit Saint, ne viendra pas à vous ; si, au contraire, je pars, je vous l’enverrai » (Jn 16, 7). Cette grande humilité de Jésus à la fin de sa vie nous ouvre à la présence et à l’action de l’Esprit. Jésus s’efface, pour ainsi dire, afin que l’Esprit entre en jeu. Il sait qu’il faut qu’il meure pour que les hommes aient la vie que donne l’Esprit.

Ainsi, Jésus nous révèle un autre aspect de la vie intime de Dieu : la confiance mutuelle, la mystérieuse complémentarité entre le Fils et l’Esprit. Le Fils, qui est la Parole de Dieu, et l’Esprit, qui est le Souffle de Dieu. L’Esprit, qui poursuit l’œuvre de Jésus au-delà de sa mort et de sa résurrection, est ce long souffle de Dieu, le long souffle de la patience de Dieu qui continue de nous aimer au-delà de nos incompréhensions et de nos ingratitudes.

1.3.L’Esprit Saint au sein de la communion trinitaire

A partir de la relation intime que Jésus vit sur la terre avec son Père et avec l’Esprit Saint, nous découvrons que le salut du genre humain est le fruit d’une décision commune du Père, du Fils et de l’Esprit. Au fur et à mesure que cette décision est exécutée dans l’histoire, les traits propres à chacune des Personnes divines nous sont révélés, en même temps que la communion intime qui les unit entre elles.

Ainsi, le Père nous apparaît comme celui qui est à l’origine de l’initiative du salut ; le Fils, comme celui qui exprime cette volonté du Père de sauver tous les hommes en l’accomplissant dans l’histoire ; l’Esprit Saint, comme celui par qui ce salut atteint l’homme dans son cœur et dans sa conscience. Au sein de l’unique Dieu amour, c’est par le Fils – la Parole de Dieu – que Dieu exprime son amour pour l’homme dans l’histoire. Et c’est par l’Esprit Saint – le souffle de Dieu – que Dieu prend patience avec l’homme, tout au long de l’histoire, pour le réveiller à l’amour.

CHAPITRE II

L’Esprit Saint à l’œuvre dans l’histoire

Oui, l’Esprit Saint, le souffle de Dieu, est notre grande source d’espérance. « Une espérance qui ne déçoit pas », nous dit St Paul, « car l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5). C’est pourquoi il est important, spécialement en cette année qui lui est consacrée, de redécouvrir la présence et l’action de l’Esprit dans nos vies, comme dans la vie du monde.

La Bible nous révèle comment l’Esprit Saint est à l’œuvre depuis la création et tout au long de l’histoire du salut, à la Pentecôte et à partir de la Pentecôte. Contempler l’Esprit, c’est chercher humblement à écouter battre le cœur de Dieu au fur et à mesure que se déploie dans l’histoire son œuvre de salut.

2.1. L’Esprit Saint à l’œuvre dans la création

Au commencement, quand Dieu créa le ciel et la terre, l’Esprit de Dieu planait sur les eaux (Gen. 1, 1-2). Cette allusion à la présence de l’Esprit, dès le début de la création, veut attirer notre attention sur la motivation d’amour qui préside à la création. Elle nous révèle que le monde créé n’est pas simplement le fruit d’un déclic matériel. Il est plutôt un don gratuit que Dieu fait à l’humanité par amour. La création est le fruit d’un acte de bienveillance de la part de Dieu envers l’homme.

De plus, au moment où Dieu crée l’homme en le modelant du limon de la terre, il lui insuffle un souffle de vie (Gen. 2, 7). L’allusion à l’Esprit, au moment où l’homme devient un être vivant, suggère que c’est lui qui permet à l’homme de découvrir que la création est un cadeau qui lui est fait, et qu’il y a l`a une parole d’amour qui lui est adressée. L’Esprit est le souffle qui permet à l’homme d’entrer ainsi dans une relation de confiance et d’amour avec son Créateur et de participer avec lui à l’achèvement de la création. Le monde a été aménagé par l’Esprit, pourrait-on dire, pour qu’il devienne « le rendez-vous de l’homme et de Dieu ».

2.2. L’Esprit Saint à l’œuvre dans l’alliance

Ainsi, l’œuvre de création a déjà les caractéristiques d’une alliance. En effet, l’Esprit qui planait sur les eaux au commencement du monde est le même Esprit qui motive les multiples initiatives que Dieu prend pour faire alliance avec son peuple, tout au long de l’histoire du salut. Mais le peuple de Dieu a la nuque raide. Il « oublie Dieu » (Osée 2, 15) et s’égare souvent sur les chemins de l’infidélité. Avec une infinie patience – le long souffle de l’Esprit – Dieu ne se résigne pas à nos ruptures d’alliance. Il promet, au contraire, une alliance nouvelle, celle où il s’engage à mettre en nous son propre Esprit (Ex. 36, 26).

Ainsi, l’Esprit Saint est à la fois la source de la patience et de la fidélité de Dieu envers son peuple et le souffle nouveau, l’esprit nouveau que Dieu donne à son peuple  au sein de l’alliance. L’alliance est nouvelle, en ce que Dieu ne se contente pas de nous aimer ni même de nous pardonner. Il va plus loin, il nous communique son propre Esprit afin de nous rendre capables d’aimer comme Lui et de pardonner comme Lui.

2.3. L’Esprit de Jésus

C’est Jésus qui est le médiateur de cette nouvelle alliance (Heb. 9, 15). L’Esprit qui nous est donné n’est autre que l’Esprit de Jésus. Dès le sein de sa mère, Jésus est conçu par l’opération du Saint-Esprit. Au moment de commencer sa vie publique, après son baptême par Jean, l’Esprit descend sur lui (Lc 3, 22). C’est « rempli d’Esprit Saint » qu’il va au désert et triomphe de la tentation (Lc 4, 1-2).

Il commence sa mission en disant que s’accomplit en lui la parole du prophète Isaïe : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, car il m’a consacré par l’onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres » (Lc 4, 18). C’est par l’Esprit Saint, « le doigt de Dieu », qu’il libère l’homme de la servitude des esprits mauvais (Mt 12, 28 ; Lc 11, 20). C’est encore « par l’Esprit éternel » qu’il s’offre lui-même à Dieu comme une victime sans tâche (Heb. 9, 14).

La présence de l’Esprit en Jésus, dès sa conception, durant toute sa vie publique et jusqu’à sa mort sur la croix, lui donne la motivation profonde de sa vie et de son action. En effet, c’est animé d’un Esprit d’amour gratuit et désintéressé que Jésus consent à ne pas s’accrocher au rang qui l’égalait à Dieu, mais à se dépouiller et à prendre la condition  de serviteur (Ph. 2, 6). C’est inspiré par un Esprit doux et humble qu’il renonce `a se servir de sa puissance divine pour épater les gens ou pour prendre le pouvoir (Lc 4, 1-13). C’est rempli d’un Esprit filial et fraternel qu’il décide de se plonger dans la vie des hommes (Lc 3, 21-22), de les rencontrer sur un pied d’égalité et de fréquenter indifféremment justes et pécheurs, pauvres et riches, Juifs ou Samaritains.

C’est imprégné d’un Esprit de réconciliation que Jésus annonce la bonne nouvelle de la proximité de Dieu, de sa miséricorde pour les pécheurs, et travaille ainsi à la libération des opprimés. C’est habité par le long souffle de l’Esprit qu’il « aime jusqu’au bout » (Jn 13, 1) les hommes qui le rejettent, le condamnent injustement ou l’abandonnent.

L’Esprit, qui inspire le comportement humain de Jésus sur la terre, est le même Esprit qui, de toute éternité, l’unit à son Père dans une communion d’amour et dans une volonté commune de sauver les hommes. Qui veut contempler l’Esprit de Dieu à l’œuvre dans l’histoire ne peut mieux faire que de contempler la vie de Jésus, scruter son expérience humaine, les réactions qu’il a, les sentiments qu’il exprime, les gestes qu’il pose. C’est dans la vie humaine de Jésus que l’Esprit de Dieu se manifeste le plus clairement.

2.4. L’Esprit de Jésus nous est donné

La merveille de notre salut, c’est que Jésus ne s’est pas contenté de nous faire la démonstration d’une vie d’homme « consacrée par l’Esprit Saint » (Lc 4, 18). Il a voulu aussi nous donner l’Esprit qui l’animait. A la Pentecôte, Pierre dira : « Exalté par la droite de Dieu, Jésus a donc reçu du Père l’Esprit Saint, et il l’a répandu, comme vous le voyez et l’entendez » (Actes 2, 33).

Le don de l’Esprit est associé au don que Jésus fait de sa vie. Au moment où il meurt sur la croix, il incline la tête et « remet l’Esprit » (Jn 19, 30). Après sa résurrection, il leur montre les plaies de ses mains et de son côté et leur dit, en soufflant sur eux : « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20, 19-23). L’eau qui coule de son côté, après le coup de lance, est le symbole de l’Esprit qui est donné en abondance `a ceux qui « lèveront les yeux vers celui qu’ils auront transpercé » (Jn 19, 34-37). Déjà, durant son enseignement dans le Temple, Jésus avait fait allusion à l’Esprit qui nous serait donné comme une eau vive pour étancher notre soif : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne `a moi et qu’il boive, celui qui croit en moi ». Et Jean, l’évangéliste, de commenter : « Comme l’a dit l’Ecriture : De son sein couleront des fleuves d’eau vive. Il désignait ainsi l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui » (Jn 7, 38-39).

L’Esprit qu’il nous donne, c’est l’Esprit qui l’a fait vivre et qui le fait donner sa vie sur la croix. Cet Esprit est comparé à une eau vive qui irrigue les déserts de nos vies et les transforme en jardin d’eau fraîche et d’ombre (Ex. 47). Quand nos vies sont desséchées par l’égoïsme, la division ou la peur, l’Esprit de Jésus, un esprit de générosité, de réconciliation et de confiance filiale nous fait renaître à la vie. « Nul, dit Jésus, s’il ne nait de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu » (Jn 3, 5).

CHAPITRE III

Renaître de L’Esprit

Cette renaissance dans l’Esprit de Jésus est l’expérience spirituelle fondamentale qui est à la base de toute vie chrétienne authentique. Elle est le don que Dieu nous fait au baptême, un don que nous sommes appelés à accueillir de manière responsable tout au long de notre vie chrétienne adulte.

Comme Jésus le disait à Nicodème : « Ne t’étonne pas si je t’ai dit : il vous faut naître d’en haut » (Jn 3, 7). Accueillir le don de la renaissance dans l’Esprit comporte trois aspects principaux : recevoir le pardon de ses péchés, entrer dans une relation filiale avec Dieu, et suivre Jésus comme un disciple.

3.1. Recevoir le pardon des péchés

L’Esprit Saint est celui qui nous donne d’accueillir le pardon de Dieu. Le récit de la Pentecôte nous explique comment. La foule, ce jour-là, est stupéfaite en entendant Pierre témoigner que Jésus, celui qu’ils avaient rejeté brutalement en le faisant condamner à mort, a été ressuscité par Dieu. Ils ont le « cœur bouleversé » et demandent à Pierre ce qu’ils doivent faire : « Convertissez-vous », leur dit-il, « que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés, et vous recevrez le don du Saint-Esprit » (Actes 2, 37-38).

Sous l’action de l’Esprit Saint, les gens rassemblés à la Pentecôte prennent soudainement conscience qu’en rejetant Jésus, ils ont en fait rejeté le Dieu vivant venu vers eux pour les sauver. C’est cela qui les bouleverse. Ils reconnaissent que Dieu leur manifeste un amour inouï en leur envoyant Jésus. Et ils reconnaissent, en même temps, l’énormité du péché qu’ils ont commis en repoussant cet amour. Ils souhaitent alors se convertir et accueillir le pardon de Dieu.

C’est l’Esprit qui les guide vers cette double reconnaissance, la reconnaissance-aveu de leur péché, et la reconnaissance-gratitude envers Dieu qui leur pardonne. Quand nous avons commis une faute et que nous avons du mal à accepter notre part de responsabilité personnelle, l’Esprit nous donne de nous reconnaître pécheurs. Il nous donne cette force intérieure en nous faisant découvrir le pardon de Dieu révélé en Jésus. L’Esprit est ainsi cette puissance d’amour qui se déploie discrètement dans notre faiblesse d’hommes pécheurs. Il suscite en nous la confiance, nous fait nous abandonner au pardon de Dieu, et fait naître ainsi une vie nouvelle dans nos pauvres cœurs d’hommes accablés par le péché. Cette action du Saint-Esprit est rafraîchissante, vivifiante. C’est pourquoi elle est comparée à une brise légère en pleine canicule, ou à une source d’eau vive en plein désert.

3.2. Devenir fils de Dieu

Quand nous reconnaissons notre péché et reconnaissons en même temps l’amour de Dieu qui nous pardonne, nous pouvons alors entrer dans une relation filiale avec Dieu. C’est le même Esprit qui nous y conduit, comme en témoigne Saint Paul : « En effet, ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l’Esprit de Dieu ; vous n’avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et par lequel nous crions : Abba, Père. Cet Esprit lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu » (Rm 8, 14-16).

Devenir fils de Dieu, c’est franchir, sous l’action de l’Esprit, un seuil crucial dans notre relation avec Dieu. C’est sortir d’une relation dominée par la peur – une peur qui rend esclave – pour entrer dans une relation fondée sur la confiance, une confiance qui nous fait reconnaître Dieu comme Père.

La peur par rapport à Dieu est une véritable blessure, une plaie qui nous détruit de l’intérieur. Elle se nourrit de préjugés sur Dieu, que nous fabriquons nous-mêmes. Au lieu d’écouter Dieu qui se révèle par sa parole, nous nous forgeons des images de Dieu basées sur ce qu’il y a de plus triste dans l’expérience humaine : la vengeance. Ces préjugés sont des mensonges qui engendrent la peur, une peur qui rend esclave. Car elle nous fait soupçonner Dieu comme un esclave soupçonne son maître. Elle nous fait voir des pièges jusque dans les dons gratuits que Dieu nous fait, comme nous l’explique la parabole des talents : « Seigneur, j’ai appris à te connaître, tu moissonnes où tu n’as pas semé, tu ramasses où tu n’as pas répandu ; par peur, je suis allé cacher ton talent dans la terre » (Mt 25, 24-25).

L’Esprit Saint nous guérit de la peur en nous faisant découvrir l’amour de Dieu et en nous conduisant à y croire. A la lumière de l’amour, la confiance renaît et le soupçon fond comme neige au soleil. Alors, nous respirons, nous sommes délivrés d’un poids terrible et nous retrouvons du souffle pour repartir dans la vie. Cela est une véritable renaissance.

3.3. Suivre Jésus

L’Esprit, en nous faisant renaître à la vie de fils adoptifs de Dieu, nous fait partager la mentalité de Jésus, le Fils de Dieu fait homme. Il nous fait découvrir Jésus comme le grand frère qui nous guide sur le chemin de la vie. Ce chemin est essentiellement un chemin pascal, c’est-à-dire un chemin qui passe par l’épreuve et la souffrance pour conduire à la vie. C’est l’Esprit qui nous donne le courage de plonger avec le Christ dans ce mystère de mort et de résurrection. Saint-Paul l’exprime ainsi : « L’Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu. Enfants, et donc héritiers ; héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ, puisque, ayant part à ses souffrances, nous aurons part aussi à sa gloire » (Rm 8, 16-17).

Le Christ nous dit clairement de quoi sera fait le chemin sur lequel il nous invite à le suivre : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à soi-même, qu’il prenne sa croix chaque jour, et qu’il me suive. En effet, qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perd sa vie à cause de moi, la sauvera » (Lc 9, 23-24). Répondre à cette invitation du Christ est peut être la chose la plus difficile dans la vie chrétienne ; mais elle est aussi la plus libérante. Que veut dire « perdre notre vie » à cause de Jésus ? Notre vie, c’est d’abord notre temps. Perdre notre vie, c’est donner de notre temps à Dieu et à nos frères, même si nous avons l’impression peut-être de perdre notre temps. Par exemple, perdre du temps, que j’aurais passé agréablement à lire ou à regarder la télévision, pour prier ou pour écouter quelqu’un gratuitement peut me paraître une perte de temps. Car je renonce à des choses instructives qui peuvent me servir dans la vie pour aller faire quelque chose qui apparemment ne sert à rien. Mais si je fais confiance et accepte de « perdre ma vie à cause du Christ », l’Esprit me conduira, à travers la prière ou à travers l’écoute de l’autre, au trésor de l’amitié avec le Christ, trésor qui n’a pas de prix.

On pourrait multiplier les exemples. Mais, partout, c’est le premier pas, le saut dans la confiance qui coûte le plus. L’Esprit nous donne précisément de faire ce premier pas, de quitter, de partir sans savoir où il nous conduira, en faisant seulement confiance à celui qui nous a dit : « Qui perd la vie à cause de moi, la sauvera » (Lc 9, 24).

Cette vie « sauvée », retrouvée sur le chemin pascal avec Jésus, est précisément la vie nouvelle à laquelle l’Esprit nous fait renaître. Elle comprend de multiples aspects, les uns plus riches que les autres. Dans cette lettre pastorale, je voudrais simplement attirer votre attention sur trois dimensions essentielles qui me paraissent particulièrement interpellantes pour notre Eglise aujourd’hui, au stade où elle est rendue dans son pèlerinage. Il s’agit de la prière filiale qui vient du cœur, de l’accueil mutuel entre frères pour « faire Eglise ensemble », et enfin de la responsabilité que nous avons de témoigner de Jésus ressuscité dans le monde.

 CHAPITRE IV

Prier Dieu comme un fils s’adresse à son Père, du fond du cœur

Le premier point sur lequel l’Esprit nous interpelle aujourd’hui, c’est la prière filiale, la prière qui vient du cœur.

L’Esprit est celui qui nous met à l’aise avec Dieu. Il nous rend même familier, comme un enfant qui dit : « Papa » (Rm 8, 15). L’Esprit est le maître intérieur qui nous fait prier comme Jésus nous y invite : « Pour toi, quand tu pries, entre dans ta chambre la plus retirée, ferme sur toi la porte et prie ton Père qui est là dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra » (Mt 6, 6). Pour prier notre Père dans le secret de notre cœur, « l’Esprit vient au secours de notre faiblesse ; car nous ne savons pas prier comme il faut, mais l’Esprit lui-même intercède pour nous en gémissements inexprimables, et celui qui scrute les cœurs sait quelle est l’intention de l’Esprit » (Rm 8, 26-27). L’Esprit nous guide dans notre prière et nous fait nous adresser à Dieu comme un fils s’adresse à son père, et non pas comme un esclave à son maître. « Dans vos prières, nous dit Jésus, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent que c’est à force de paroles qu’ils se feront exaucer. Ne leur ressemblez donc pas, car votre Père sait ce dont vous avez besoin, avant même que vous le lui demandiez. Vous donc, priez ainsi : Notre Père qui es au cieux… » (Mt 6, 7-9).

Il est vraiment dommage que tant et tant de chrétiens, généreux et fidèles par ailleurs, récitent le Notre Père sans vraiment comprendre ce qu’ils disent. Ce n’est pas nécessairement de leur faute, mais cela reste une grosse lacune. En effet, le Notre Père n’est pas une simple prière parmi d’autres. Elle est la prière chrétienne par excellence, la seule qui nous vienne du Seigneur. Ce qui fait dire à Saint Augustin que toute prière qui n’est pas en harmonie avec les demandes du Notre Père, n’est pas vraiment une prière inspirée par l’Esprit : « Si l’on dit quelque chose qui ne puisse pas se rattacher à cette prière évangélique, même si la prière n’est pas illicite, elle est charnelle. Et je ne sais pas comment on pourrait ne pas l’appeler illicite, puisque la prière spirituelle est la seule qui convienne à des hommes qui ont reçu du Saint-Esprit la nouvelle naissance » (Lettre de St Augustin à Proba, sur la prière).

C’est l’Esprit qui nous donne de dire avec le cœur cette prière que Jésus nous a enseignée. Pour nous aider, j’ai pensé à proposer ici une petite explication du Notre Père. Je sais bien que, par elle-même, cette explication ne nous permettra pas de prier le Notre Père du fond du cœur. Elle nous en donne simplement le sens. Faisons confiance à l’Esprit Saint, qui nous fera entrer dans la vérité tout entière de la prière du Seigneur.

4.1. Le Notre Père

La première chose que Jésus nous invite à demander à « notre Père qui est aux cieux », c’est : « Que ton nom soit sanctifié ». Le nom de Dieu veut dire son être profond, sa personnalité. Le mot qui exprime le mieux la personnalité profonde de Dieu, c’est l’amour. Car « Dieu est Amour » (1 Jn 4, 16). « Soit sanctifié » veut dire : soit reconnu comme unique, comme n’ayant pas son pareil. Jésus nous invite à supplier Dieu, notre Père, de nous faire reconnaître son amour. Car il sait que la découverte, la reconnaissance de cet amour, tel qu’il se manifeste dans la création et dans l’histoire du salut, peut nous transformer. Comme dit le psaume : « Que ton visage s’éclaire et nous serons sauvés » (Ps. 79).

Jésus lui-même a prié ainsi lorsque, sentant que l’heure de sa passion approchait, il nous avoue que son « âme est troublée » et qu’il ne sait que demander dans la prière. Alors il s’écrie : « Père, glorifie ton nom » (Jn 12, 27-28). Ce qui veut dire la même chose que la première demande du Notre Père : « que ton nom soit sanctifié ».

La deuxième demande du Notre Père porte sur le Règne de Dieu : «Que ton Règne vienne ».  Le Règne de Dieu, c’est l’action incessante de Dieu pour sauver les hommes ; c’est pour ainsi dire le travail intérieur que Dieu fait au fond du cœur de chaque homme pour restaurer en lui l’image de Dieu, pour le libérer du péché et pour le rendre fraternel et responsable comme Jésus l’a été.  Demander à Dieu, notre Père, que son règne arrive, c’est en fait s’offrir à lui pour qu’il fasse en nous son travail, qu’il nous transforme intérieurement et nous donne le courage d’agir comme un homme ou une femme à l’image de Dieu.

Ce règne de Dieu a toujours été la grande préoccupation de Jésus.  C’est ce règne dont il annonce la venue comme « la Bonne Nouvelle » par excellence.  Pour l’accueillir, il faut se convertir : « Le Règne de Dieu est là, disait-il, convertissez vous et croyez à la Bonne Nouvelle » (Mc1,15).

La troisième demande : « que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel »,  ressemble beaucoup à la deuxième. La volonté de Dieu, c’est que les hommes reconnaissent l’amour révélé par son Fils, c’est que les hommes s’aiment et s’accueillent comme des frères, c’est qu’ils agissent de manière responsable dans le monde pour promouvoir la justice et la paix.

En demandant à Dieu que sa volonté se fasse sur la terre comme au ciel, nous lui demandons de nous donner la grâce de l’aimer, d’aimer nos frères et d’agir de manière juste et responsable, quoi qu’il arrive.  Que nous soyons en bonne santé ou malade, que nous réussissions dans la vie ou que nous passions par l’échec, qu’on nous critique injustement ou qu’on nous acclame, nous lui demandons qu’aucune épreuve ne nous fasse douter de son amour, qu’aucune souffrance ne nous pousse à l’accuser d’injustice, qu’aucune offense ne nous empêche d’aimer nos frères.

C’est cela, finalement, que jésus demande à son Père au moment où il entre dans sa passion : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ; cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux » (Mt 26,39).

La quatrième demande du Notre Père parle de pain : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ». Le pain est quelque chose qui est fabriqué par l’homme. Jésus ne nous dit pas de demander que le blé pousse dans les champs, mais que chacun ait son pain quotidien, le pain fabriqué par les hommes. L’objet de cette demande, ce n’est pas que le pain nous tombe du ciel, mais plutôt que nous soyons suffisamment solidaires et soucieux du bien commun pour veiller à ce que chacun ait son pain quotidien.

Jésus a réagi dans le même sens à la multiplication des pains, lorsque la foule qui le suivait était affamée. Il n’a pas dit à ses disciples : Ne vous en faites pas je vais faire un miracle et tout le monde aura de quoi manger.  Au contraire, il a insisté pour savoir combien de pains il y avait déjà parmi les gens.  Puis il a rendu grâce à Dieu pour ces quelques pains et il a demandé aux disciples de les partager.  Le pain n’est pas tombé du ciel. C’est dans le partage que le miracle s’est passé.

La cinquième demande du Notre Père concerne le pardon : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». Cette demande fait écho à une des grandes insistances de Jésus dans l’Évangile.  C’est le rappel du pardon que nous recevons de Dieu qui nous donne la force et l’inspiration pour pardonner à notre tour. Le pardon est, dans notre expérience, quelque chose qui semble dépasser nos forces. C’est pourquoi Jésus nous invite d’abord à demander le pardon pour nous-mêmes, à prendre conscience que nous bénéficions sans cesse du pardon de Dieu et que c’est grâce à ce pardon que nous sommes sauvés. C’est en découvrant combien nous dépendons de pardon de Dieu pour vivre dans la paix, que nous recevons la grâce de pardonner « à ceux qui nous ont offensés »’ Jésus lui-même priera dans ce sens sur la croix : « Père, pardonne-leur, il ne savent ce qu’ils font » (Lc 23,34).

La sixième et la septième demandes concernent les tentations auxquelles nous sommes exposés quotidiennement. En fin de prière, Jésus nous invite à être réalistes. Ces dernières demandes nous rappellent que, malgré toutes nos bonnes intentions, nous serons tentés de dévier car nous sommes marqués par le péché. C’est pourquoi Jésus nous invite à supplier Dieu, notre Père, de ne pas nous laisser succomber à la tentation. Notre foi, notre amour, notre solidarité, notre désir de nous réconcilier seront mis à rude épreuve.  Jésus lui-même a été mis à l’épreuve. Il a été tenté par Satan au désert, il sait ce dont il parle quand il nous invite à être vigilants et à prier : « Veillez et priez afin de ne pas tomber au pouvoir de la tentation. L’esprit est plein d’ardeur, mais la chair est faible » (Mt 26,41). C’est cette prière confiante qui nous « délivrera de tout mal ».

4.2. Le culte spirituel

Le Notre Père est le meilleur guide pour nous aider à rendre à Dieu ce culte spirituel qui est, selon Saint-Paul, le résumé de notre vocation chrétienne : « Vous offrir vous-mêmes em sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu… vous laisser transformer par le renouvelelment de votre intelligence pour discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait » (Rm12,-1-2). Le culte spirituel se réalise en fait par une prière personnelle où l’homme se livre sincèrement à l’action de Dieu en lui, et cherche vraiment à répondre à l’appel que Dieu lui fait dans les circonstances concrètes de sa vie. Cela est tellement important pour la vie de chaque chrétien, comme pour la vie de l’Église, que deux des grandes prières eucharistiques nous invitent à le demander : « Que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire ».

Il me semble que nous devons nous laisser sérieusement interpeller sur ce point, aujourd’hui. Des chrétiens, et en particulier, ceux qui participent activement à la vie et à la mission de l’Eglise doivent être initiés à une prière personnelle, à la prière filiale qui vient du fond du cœur. Cette prière n’est pas facultative pour un chrétien. Elle n’est pas réservée à une élite. Elle fait partie de notre vocation à tous et doit être proposée aux personnes de tous milieux et de toutes cultures. Car elle vient du Seigneur lui-même et elle est le fondement de toute vie authentique de fils et de filles de Dieu.

Il faut aussi nous interroger sur la place que nous accordons à la prière silencieuse et à l’intériorisation durant la messe dominicale. Les chorales, les équipes liturgiques et ceux qui se donnent généreusement pour animer la messe doivent apporter une grande attention à ce point. Je les invite tous à prendre conscience de l’importance du service qu’ils sont appelés à rendre à la communauté des fidèles. Qu’ils se préparent dans la prière à aider leurs frères et sœurs à prier. Qu’ils s’interrogent sincèrement sur les chants, les commentaires, les mouvements, les danses qu’ils proposent : seront-ils une aide à la prière ou, au contraire, seront-ils plutôt une distraction ou, à la limite, du spectacle ? Nous avons tous besoin de temps de silence d’intériorisation pour pouvoir participer au sacrifice du Christ et laisser l’Esprit « faire de nous une éternelle offrande à sa gloire ». Que les messes soient animées de telle manière qu’elles nous disposent à le faire.

4.3. La Prière du cœur irrigue l’Eglise

La prière filiale, celle qui vient du fond du cœur, est vitale pour l’Eglise aujourd’hui. Sans elle, nous ne pourrons guère avancer dans notre effort de discernement tout au long du Synode. C’est aussi à partir d’une prière personnelle que des jeunes pourront entendre l’appel que le Seigneur leur fait, et répondre à la vocation sacerdotale ou religieuse. C’est à la source d’une prière personnelle que les époux et les familles puiseront la grâce de la fidélité et obtiendront la stabilité qu’ils recherchent. C’est dans la prière filiale que des laïcs, jeunes et moins jeunes, trouveront leur place et leur mission dans l’Eglise.

C’est encore grâce à la prière personnelle que tous ceux qui ont à cœur la cause de l’homme trouveront le souffle nécessaire pour continuer de lutter pour la justice et contre l’exclusion pour la transparence et contre la corruption.

Si nous négligeons la prière du cœur, nous nous coupons de l’Esprit, la source d’eau vive. La prière du cœur, avec toutes les imperfections qu’elle peut avoir dans la pratique est comparable à l’humble canal qui, malgré beaucoup de détours, de fuites et de stagnation, conduit quand même l’eau vive dans le désert de nos vies. Or, c’est l’eau vive qui nous fait renaître à la vie de l’Esprit.

CHAPITRE V

Faire Eglise ensemble

Le deuxième point sur lequel l’Esprit nous interpelle aujourd’hui, c’est la qualité de notre vie en Église.  L’Esprit, qui nous conduira vers la vérité d’une prière de fils, nous conduit aussi vers la vérité d’une vie fraternelle. En effet, nous ne pouvons pas nous contenter d’être simplement membres de l’Eglise. L’Esprit nous appelle à « faire Eglise ensemble », c’est-à-dire à participer à la lente gestation qui nous fait devenir ensemble le Corps du Christ.

5.1. Faire l’Eglise ensemble avec des cultures différentes

L’Esprit Saint est celui qui, à la fois, suscite les diversités dans l’Eglise et crée l’harmonie entre elles. Par exemple, la diversité des cultures dans notre Eglise mauricienne est l’œuvre de l’Esprit. Elle est un don de Dieu qu’il nous faut accueillir avec reconnaissance. Dieu n’a pas voulu d’une Eglise mono culturelle. Dès la Pentecôte, au moment où l’Eglise prend naissance par l’opération du Saint Esprit, un groupe de Juifs proclame les merveilles de Dieu en langue araméenne ; et cette proclamation est comprise par des personnes qui parlent dix-sept langues différentes. Cela est plus qu’un symbole. C’est la vocation profonde de l’Eglise qui est affirmée avec force dès son origine : faire l’Eglise ensemble avec des hommes et des femmes de différentes cultures, réunis par l’Esprit dans une même foi en un seul Dieu et Père qui nous sauve en son fils Jésus Christ.

C’est pourquoi il n’y a pas lieu d’avoir peur des diversités culturelles qui s’affirment dans l’Eglise. Au contraire, chaque culture est comme un matériau précieux qui nous est donné pour construire l’Eglise. Accueillir une culture différente de la nôtre nous conduit à sortir de nous-mêmes, à nous ouvrir pour donner la place à d’autres à côté de nous dans l’Eglise. Prétendre que notre culture est supérieure à celle des autres, ou qu’elle a droit à une quelconque  « préséance » dans l’Eglise, est une tentation grave à laquelle nous devons résister de toutes nos forces. Nous sommes invités instamment à apprécier, à leur juste valeur, les cultures différentes de la nôtre que nous côtoyons dans l’Eglise.

Apprécier l’autre, ce n’est pas déprécier sa propre culture. Encore moins y renoncer.  Au contraire, il est vital d’aimer sa culture, d’y être à l’aise. Sinon, nous ne pourrons pas nous ouvrir à celle des autres. L’Esprit pousse chacun à approfondir sa propre culture, à reconnaître ses traits originaux, ses valeurs, ses limites, et à se laisser interpeller par l’Evangile sur des points spécifiques. Plus nous nous laisserons interpeller par l’Evangile dans notre propre culture, plus l’Esprit nous poussera à respecter la façon dont nos frères d’autres cultures accueillent, eux aussi, ce même Evangile et se laissent interpeller par lui.

Si la diversité culturelle dans l’Eglise est l’œuvre de l’Esprit, ce même Esprit nous conduit aussi à créer l’unité et à favoriser des relations harmonieuses entre groupes de cultures différentes dans l’Eglise. De même qu’il ne faut pas avoir peur des différences culturelles, parce qu’elles viennent de l’Esprit, pour la même raison il ne faut pas non plus être timide par rapport à l’unité que nous sommes appelés à promouvoir dans l’Eglise. Car, elle aussi est l’œuvre de l’Esprit. La clé de ce « vivre ensemble », c’est le respect authentique du mode de vie, du milieu culturel où chacun est né, a grandi et a été façonné comme homme. Le respect de la culture de mon frère fait partie du respect que je dois à sa dignité d’homme.

Ce ne sont pas les pirouettes diplomatiques, ni un savant dosage dans la distribution de bienfaits, qui nous permettra de vivre ensemble harmonieusement dans une si petite Eglise, sur un si petit territoire. Seul l’Esprit Saint « nous rassemble en un seul corps » (Prière Eucharistique II). C’est lui qui est la source de ce respect mutuel, de cet accueil fraternel, de cette volonté de marcher ensemble, de servir ensemble, de témoigner ensemble de l’Evangile. Croire en l’Esprit Saint, c’est croire que l’unité du corps du Christ est possible. Que l’Esprit nous donne le souffle qu’il faut pour avancer patiemment sur cette route.

5.2. Faire Eglise ensemble avec des vocations différentes

Les différences culturelles ne sont pas les seules différences qui existent dans l’Eglise. Chacun d’entre nous reçoit aussi sa vocation propre, et chacun est appelé à apporter sa contribution originale à l’accomplissement de la mission de l’Eglise. La vocation et la mission de chacun sont aussi des matériaux qui nous sont donnés pour « faire Eglise ensemble ».

La vocation du mariage, celle des laïcs engagés dans le monde, la vocation religieuse et la vocation sacerdotale sont autant de manières de répondre à l’invitation du Christ de le suivre. Chacune est porteuse d’une richesse propre et renvoie à une des nombreuses facettes de l’insondable richesse du Christ.

Par ailleurs, le ministère sacerdotal, le service catéchétique, le service social, l’animation liturgique, l’accompagnement d’équipes, de mouvements ou de communautés de quartier, le témoignage évangélique dans le monde du travail, de la santé, de la famille, de l’éducation, de la politique, sont autant de manières d’accomplir l’unique mission confiée par le Christ à son Eglise.

Faire Eglise ensemble, c’est reconnaître comme des dons de l’Esprit la vocation propre que chacun a reçue et le ministère que chacun accomplit. Nous avons tous reçu notre vocation et notre mission comme des trésors dans des vases d’argile. C’est pourquoi nous avons tous besoin du soutien, de l’amitié et de la prière de frères et de sœurs pour rester fidèles. Cette vision de foi et ce soutien amical sont essentiels pour que la participation des laïcs et des religieux/ses à la mission de l’Eglise ne soit pas vécue comme une simple aide à apporter au prêtre, mais comme la contribution originale qu’ils apportent à la vitalité d’un corps dont nous sommes tous membres.

Faire Eglise ensemble est une des tâches les plus importantes de chaque paroisse, de chaque communauté chrétienne de quartier ou de village, de chaque mouvement et de chaque service d’Eglise. Cela demande qu’on y consacre du temps : du temps pour se rencontrer, pour se connaître, pour partager ce qui nous fait vivre et pour s’accueillir mutuellement. L’Esprit est à l’œuvre en chacun : « A chacun, la manifestation de l’Esprit est donnée en vue du bien commun » (1Cor 12, 7). Si chacun a l’occasion de mettre en commun les richesses qu’il reçoit de l’Esprit, alors l’Esprit nous donne la joie de découvrir que nous sommes membres d’un même corps, un corps appelé à témoigner de l’Evangile.

N’oublions pas que l’Eglise accomplit sa mission, non pas seulement par ce qu’elle fait, mais aussi par ce qu’elle est. Sa mission est d’être dans le monde, de par sa manière de vivre, le signe vivant de la communion fraternelle qui unit entre eux des hommes et des femmes de cultures différentes et de vocations différentes. Une communion ancrée dans la foi au même Dieu qui est Père de tous, à son Fils venu pour nous sauver et à l’Esprit qui nous fait vivre.

  CHAPITRE VI

Témoigner de Jésus ressuscité

Le troisième point sur lequel l’Eglise nous interpelle, c’est la qualité du témoignage que nous portons à Jésus ressuscité. L’Esprit, qui nous rassemble en un seul corps, est aussi celui qui est à la source du dynamisme missionnaire de ce corps qui est l’Eglise. C’est lui qui fait de nous les témoins du Christ ressuscité.

6.1. L’Esprit Saint, premier agent de l’évangélisation

Jésus est lui-même conscient que c’est l’Esprit Saint qui lui donne d’accomplir la mission que le Père lui confie : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a conféré l’onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres » (Lc 4, 18). L’image de l’onction d’huile suggère que l’Esprit d’amour imprègne toute la personne de Jésus comme une huile pénètre tous les pores du corps. L’huile donne au corps souplesse et vigueur dans l’action. De même, l’Esprit d’amour donne à Jésus un souffle, une sagesse et un courage dans le témoignage qu’il rend à l’amour du Père.

C’est le même Esprit Saint qui donne aux premiers apôtres de témoigner de Jésus. A l’Ascension, Jésus dit : « Vous allez recevoir une puissance, celle du Saint Esprit qui viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Actes 1, 8). Jésus ne leur demande pas d’abord de courir aux quatre coins du globe pour témoigner de lui. Il les encourage plutôt à commencer par attendre l’Esprit Saint qu’il promet de leur envoyer : « Et voici que moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis ; pour vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la force d’en haut » (Lc 24, 49).

Avec Marie, la mère de Jésus, les apôtres attendent l’Esprit en restant « assidus à la prière » (Actes 1, 14). Cette attente confiante dans la prière doit être la première attitude que doit adopter tout témoin du Christ ressuscité. Car c’est l’Esprit qui est le premier agent de l’évangélisation. C’est lui qui inspire et qui guide tout témoignage porté à Jésus ressuscité. Il faut prendre le temps de recevoir l’Esprit pour pouvoir être témoin.

Aujourd’hui, c’est la confirmation que les chrétiens reçoivent l’Esprit Saint de manière spéciale. La confirmation est le sacrement, c’est-à-dire le signe qui indique la réalité du don de l’Esprit que Dieu fait à chaque chrétien pour qu’il devienne à son tour un vrai témoin de Jésus dans le monde. L’Esprit que nous recevons à la confirmation est le même Esprit qui consacra Jésus par l’onction pour l’envoyer annoncer la bonne nouvelle aux pauvres. Il est le même Esprit qui remplissait les apôtres d’une force dans haut pour témoigner de Jésus ressuscité le jour de la Pentecôte : « lorsque viendra l’Esprit de vérité, il me rendra témoignage » disait Jésus, « et vous aussi vous témoignerez » (Jn 15, 26-27).

6.2. L’Esprit nous donne une intention droite

Avant de nous envoyer témoigner, l’Esprit nous fait découvrir au préalable combien nous sommes aimés gratuitement par Dieu. L’Esprit est ce témoin intérieur qui parle à notre cœur. Il rend témoignage à Jésus et nous montre comment il est l’expression authentique de tout l’amour gratuit de Dieu pour les hommes. « L’amour de Dieu, nous dit St Paul, a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous fut donné. C’est en effet, alors que nous étions sans force, que le Christ est mort pour les impies ; à peine, en effet, quelqu’un voudrait mourir pour un juste ; peut être pour un homme de bien, accepterait-on de mourir ; mais la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs est mort pour nous » (Rm 5, 5-8).

Et, puisqu’il est l’Esprit d’amour, il nous donne d’aimer Dieu en retour, de l’aimer humblement comme celui qui n’a rien d’autre à offrir que sa gratitude pour l’amour gratuit qu’il reçoit. C’est cet amour humble et reconnaissant que Jésus cherche doucement à susciter chez Pierre avant de lui confier sa mission, au bord du lac après la résurrection. Il lui demande par trois fois : « Pierre, m’aimes-tu ? » et chaque fois, quand Pierre lui dit que, bien sûr, il l’aime, Jésus lui dit : « Pais mes agneaux » (Jn 21, 15-17). Avec une grande délicatesse, Jésus laisse entendre à Pierre, qu’avant l’envoi en mission, il y a d’abord un appel à aimer « de tout son cœur, de toute son âme, et de toutes ses forces » : « Pierre, m’aimes-tu ? »

Cette motivation d’amour donne aux témoins du Christ une intention droite. Soutenu intérieurement par l’Esprit, il n’a qu’un seul but : témoigner de l’amour de Dieu pour tous les hommes, tel qu’il nous est révélé en Jésus. Cela lui donne à la fois une grande liberté et un grand respect pour les autres.

En effet, la mission que le Christ confie à son Eglise n’est pas de mettre en branle une machine de propagande pour tacher de gagner le plus de clients possible. Nous ne sommes pas envoyés pour recruter des membres pour une organisation. Nous sommes envoyés pour porter témoignage à Jésus qui nous a aimé jusqu’à donner sa vie pour nous, à Jésus que Dieu a ressuscité d’entre les morts pour nous donner part à sa vie. Ce témoignage s’adresse à tous les hommes parce que c’est pour tous les hommes que Jésus est mort. Ce témoignage respecte profondément la liberté de chaque personne. Car l’amour de Dieu, tel qu’il nous est révélé en Jésus, a montré le prix qu’il est disposé à payer pour assurer ce respect jusqu’au bout.

La moindre forme de pression défigure complètement le témoignage porté à Jésus et le fait sombrer dans un prosélytisme d’un bas étage. Pour témoigner de l’amour de Dieu, il nous faut être motivés par l’amour, un amour humble, respectueux et gratuit : « Vous avez reçu gratuitement, nous dit Jésus, donnez gratuitement » (Mt 10, 8).

6.3. L’Esprit nous donne de rendre compte de l’espérance qui est en nous

Pour faire de nous des témoins, l’Esprit nous éclaire sur la façon dont nous devons parler de celui qui est à la source de notre espérance. Il nous conduit peu à peu à témoigner comment, dans une vie d’homme, avec son lot de souffrance et de joie, avec le poids des épreuves et l’énergie de l’espérance, Jésus est le chemin, la vérité et la vie.

Dire clairement et humblement sa foi en Jésus ressuscité est particulièrement important dans le dialogue entre parents et enfants et plus largement dans les rencontres entre jeunes et adultes. Chaque génération de chrétiens a la responsabilité de transmettre la foi en Jésus ressuscité à la génération qui monte. Or, c’est essentiellement par le témoignage simple et humble porté à Jésus que la foi se transmet. On ne doit pas attendre d’être parfait pour témoigner. Le témoin de Jésus ressuscité ne témoigne pas de sa propre perfection ; il témoigne de l’amour qu’il reçoit de Jésus et comment cet amour le fait vivre. Les meilleurs témoins sont ceux qui reconnaissent qu’ils sont des pécheurs pardonnés. Car alors, ils peuvent témoigner que le pardon qui leur a été offert est offert tout aussi gratuitement à tous.

La catéchèse est un des lieux privilégiés où des adultes « rendent compte aux jeunes de l’espérance qui est en eux ». Et cela, de façon systématique, afin que les jeunes puissent découvrir que l’Evangile est vraiment « une force de Dieu pour le salut de tout homme qui croit » (Rm 1, 16). Les jeunes ont besoin d’entendre de la bouche de leurs aînés comment l’Evangile est une bonne nouvelle pour eux aujourd’hui, comment il libère en eux tout un potentiel de générosité et de bonheur. Mais toute catéchèse que des jeunes peuvent recevoir à l’école ou ailleurs, ne portera de fruit que si elle est appuyée par le témoignage des parents à la maison. C’est pourquoi, la catéchèse des adultes prend aujourd’hui une telle importance. Il y va de notre responsabilité à tous de transmettre la foi en Jésus Christ. C’est l’Esprit qui nous fera prendre cela à cœur en nous faisant découvrir que la foi en Jésus, loin d’être une empêcheuse de danser en rond, et, au contraire, une force qui nous libère et nous donne accès à un bonheur peu commun, un bonheur si grand qu’on désire vraiment le partager avec d’autres.

6.4. L’Esprit nous donne de témoigner de l’Évangile dans la vie du monde

Enfin, l’Esprit fiat de nous des témoins en nous donnant de discerner comment vivre de l’Évangile dans les différentes domaines de la vie du monde. L’Esprit guide notre discernement en nous « rappelant tout ce que Jésus nous a dit » (Jn 14,26). S’il faut nous le rappeler, c’est que Jésus avait prévu que nous pourrions l’oublier. Oublier ce que Jésus nous a dit n’est pas simplement avoir un trou de mémoire. Oublier, c’est plutôt perdre le goût de l’Évangile comme une bonne nouvelle pour aujourd’hui. Oublier, c’est s’affadir, c’est ne plus réaliser le prix de la perle rare et passer devant sans s’arrêter, « sans faire un détour pour voir » (Ex.3,4). Oublier, c’est se laisser anesthésier par son confort sans se rendre compte qu’on en devient esclave. Oublier, c’est ne plus saisir l’enjeu du chemin de libération que nous ouvre l’Évangile. Oublier les paroles de Jésus, c’est le plus grand drame qui puisse nous arriver car en restant superficiel, nous restons aveugles devant l’amour qui nous est offert, et alors nous ne puisons pas à la source de vie. « Si tu savais le don de Dieu, disait Jésus à la Samaritaine, c’est toi qui l’aurais prié, et il t’aurait donné de l’eau vive »(Jn4,10).

C’est là que l’Esprit vient en aide à notre faiblesse.  En nous rappelant ce que Jésus nous a dit, il nous rappelle son amour et nous pousse à « faire mémoire de lui » : « Faites ceci en mémoire de moi » avait dit Jésus au dernier repas. « Faire ceci », c’est d’abord célébrer l’Eucharistie. Mais c’est aussi faire ce qu’il a fait tout au long de sa vie : donner de lui-même, donner sa vie pour que d’autres aient la vie.

Pour faire mémoire de Jésus dans la vie trépidante du monde moderne, l’Esprit nous donne la grâce du discernement. C’est-à-dire la grâce de chercher, jour après jour, ce que Dieu attend de nous comme disciples du Christ dans les circonstances concrètes de notre travail, de notre vie de famille, de la vie de la communauté. Discerner, c’est aussi faire des choix, inventer les moyens de témoigner de l’Evangile au milieu des réalités du monde d’aujourd’hui. Ce discernement concret quotidien est à la base de tout témoignage authentique que nous sommes appelés à porter à Jésus ressuscité.

Pour témoigner ainsi, il est souvent très utile – sinon nécessaire – de marcher ensemble, en équipe. C’est pourquoi des laïcs se réunissent de plus en plus en petits groupes, au sein d’un mouvement ou dans une communauté de quartier ou de village, pour chercher ensemble comment suivre le Christ dans leur milieu de vie. Ils se soutiennent mutuellement par une réflexion et une prière commune, et cherchent l’action à entreprendre pour porter témoignage à Jésus ressuscité dans les réalités concrètes de leur vie professionnelle, de leur vie de famille ou de la vie sociale et politique. Ces équipes ou ces communautés doivent être encouragés au maximum. Car, c’est à partir d’elles que l’Eglise se renouvelle et témoigne du Christ à la base. C’est grâce à elles que des hommes et des femmes de notre temps pourront percevoir un reflet du visage du Christ, présent et agissant dans le monde.

Conclusion

L’Esprit Saint est comme le long souffle de la patience de Dieu envers l’homme tout au long de l’histoire. L’œuvre patiente de l’Esprit, c’est, avant de nous réveiller à l’amour, de nous faire renaître : « Ce qui est né de la chair est chair, disait Jésus à Nicodème, ce qui est né de l’Esprit, est esprit. Ne t’étonne pas si je t’ai dit : « il vous faut naître d’en haut » (Jn3, 6-7).

L’espérance chrétienne est basée sur la foi en cette œuvre de l’Esprit dans le monde ; une œuvre qui ne se limite pas aux hommes qu’il fait renaître ou à l’Eglise qu’il renouvelle, mais qui, à travers eux, vise aussi à « renouveler la face de la terre » (Ps 104, 30). Car « la création en attente aspire à la révélation de fils de Dieu : livrer au pouvoir du néant, elle garde l’espérance, car elle aussi sera libérée de l’esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu. Nous le savons, en effet, la création toute entière gémit maintenant et encore dans les douleurs de l’enfantement. Elle n’est pas la seule : nous aussi, qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant la rédemption, la délivrance pour notre corps. Car notre salut est objet d’espérance. » (Rm 8, 19-24).

La comparaison que fait Saint Paul entre l’espérance du salut est un travail d’enfantement et éclairante. Car le salut que nous attendons est vraiment une naissance ou une renaissance : renaître à une vie de fils de Dieu libérée de la peur, renaître à une vie fraternelle en Eglise, libérée de toute division, renaître à une vie de témoin du Christ dans le monde, libérée de la servitude, de la corruption.

La renaissance que l’Esprit opère en nous est, comme toute naissance, quelque chose, à la fois, que nous attendons dans l’espérance et que nous préparons par un « travail d’enfantement ». L’espérance chrétienne est une espérance qui nous fait attendre en travaillant. Attendre l’Esprit comme on attend le vent. L’attendre en se préparant à prendre le vent, à se laisser emporter par son élan. « Car le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix mais tu ne sais ni d’où il vient, ni où il va. Ainsi, en est-il de quiconque est né de l’Esprit » (Jn 3, 8).

S O M M A I R E

Renaître de l’Esprit

Introduction

Chapitre 1     L’Esprit Saint, troisième Personne de la Sainte Trinité

1.1.Jésus entre dans le monde comme envoyé du Père

1.2.Jésus quitte le monde en nous confiant à l’Esprit Saint

1.3.L’Esprit Saint au sein de la Communion Trinitaire

Chapitre II    L’Esprit Saint à l’œuvre dans l’histoire

2.1.      L’Esprit Saint à l’œuvre dans la création

2.2.      L’Esprit Saint à l’œuvre dans l’alliance

2.3.      L’Esprit de Jésus

2.4.      L’Esprit de Jésus nous est donné

Chapitre III   Renaître de l’Esprit

3.1.      Recevoir le pardon des péchés

3.2.      Devenir fils de Dieu

3.3.      Suivre Jésus

Chapitre IV   Prier Dieu comme un fils s’adresse à son Père, du fond du cœur

4.1.      Le Notre Père

4.2.      Le culte spirituel

4.3.      La Prière du cœur irrigue l’Eglise

Chapitre V    Faire Eglise ensemble

5.1.      Faire Eglise ensemble avec des cultures différentes

5.2.      Faire Eglise ensemble avec des vocations différentes

Chapitre VI   Témoigner de Jésus ressuscité

6.1.      L’Esprit Saint, premier agent de l’évangélisation

6.2.      L’Esprit nous donne une intention droite

6.3.      L’Esprit nous donne de rendre compte de l’espérance qui est en nous

6.4.      L’Esprit nous donne de témoigner de l’Evangile dans la vie du monde

Conclusion

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